Ap 7, 2-4.9-14 ; Ps 23 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a
Homélie du 1er novembre 2025
Par Père Ferdinand SEBRE
Je voudrais commencer par dire bonne fête à tous et à toutes. Ce matin je voudrais voir en tous ces visages des futurs saints et saintes. Ceux qui sont devenus des saints et des saintes, à leur temps, ne pensaient pas qu’ils allaient pouvoir être reconnus comme des saints et des saintes, et plus tard, ils ont été reconnus comme tels. Oui, au milieu de nous, il y a des saints et il y a des saintes. Alors, bonne fête à tous les saints en devenir que vous et moi, nous sommes. Ce matin, je voudrais nous inviter à réfléchir autour de trois points.
Pourquoi l’Église nous invite-t-elle à célébrer la fête de Toussaint ? Le deuxième point, ce serait, ensemble, de voir qu’est-ce qu’un saint ? Et puis, le troisième point, ce serait pour nous de regarder comment fait-on pour devenir saint ?
Alors, commençons donc par le premier point. Pourquoi l’Église nous invite-t-elle à célébrer les saints ? Hier, en me promenant un peu dans les rues de Genas, j’ai été fortement interpellé par des gens qui marchaient dans les rues et qui avaient des signes de mort, et je me suis souvenu que les uns et les autres célébraient Halloween. Les uns et les autres célébraient ce que j’appelle une culture de mort. L’Église, elle, nous invite plutôt à célébrer la vie et le bonheur. Dieu, en nous invitant à célébrer la fête de tous les saints, Dieu voudrait que chaque chrétien, chaque croyant puisse imprimer en son cœur et en son esprit son avenir. Nous sommes tous appelés à partager le bonheur de Dieu. Et ce bonheur de Dieu, c’est bel et bien la sainteté. C’est le vouloir de Dieu. C’est notre vocation. Et le Concile Vatican II, justement, nous invite à retrouver notre vocation première, qui est que tous, nous sommes appelés à être des saints et des saintes. La fête de Toussaint est pour nous rappeler cette vocation-là. Elle est destinée à tous et à chacun. Ce n’est pas pour une certaine catégorie de personnes. Il n’y a qu’à regarder un peu l’Église aujourd’hui. L’Église reconnaît de plus en plus, car il fut un temps où on pensait que les saints, c’étaient des prêtres, des évêques, des religieux et religieuses. L’Église canonise même aujourd’hui des familles entières comme des saints et des saintes. L’Église canonise des jeunes. L’Église canonise des adultes et des personnes âgées. En fait, la fête de Toussaint nous rappelle que c’est notre vocation à tous et à toutes.
Le deuxième point, c’est donc, qu’est-ce qu’un saint ? Un jeune qui était entré dans une église, à qui on demandait, « qu’est-ce qu’un saint pour toi ? » Il dit « les saints, ce sont les statues qui sont dans nos églises. Voilà, c’est cela qu’on appelle les saints. » Non, les saints, ce ne sont pas des statues. Les saints, ce n’est pas une réalité figée, car le saint est avant tout une personne de son temps. Carlo Acutis, qui a été reconnu saint, est un homme de son temps, qui était un homme connecté, et il a laissé la grâce de Dieu se manifester en lui à travers le fait qu’il soit connecté. Un autre jeune qui, visitant une église avec son père, voit dans un vitrail une personne avec une auréole. Alors, il demande à son père, « pourquoi ces personnes-là ont cette auréole ? » Et son père dit, « en fait, c’est un saint. » Alors, il lui demande, « mais qu’est-ce qu’un saint ? » Son père essaie de lui dire, « c’est une personne qui a essayé de faire la volonté de Dieu toute sa vie, qui a essayé de conformer sa vie à l’Évangile. » Tout cela, il entendait, mais ça ne le touchait pas encore. Jusqu’à ce qu’il voit un rayon de soleil passer par là et illuminer justement ce vitrail. Alors, il dit à son père, « J’ai tout compris. Le saint, c’est celui qui laisse passer la lumière de Dieu. » Je n’ai pas trouvé meilleure définition de saint que cela. Oui, frères et sœurs, le saint, c’est celui qui se laisse illuminer par Dieu, qui laisse donc la lumière de l’amour de Dieu traverser sa vie et cette lumière de Dieu ne peut que nous attirer à lui. Le saint, c’est donc celui qui permet à sa vie de dire quelque chose, de révéler quelque chose de la part de Dieu.
Alors, comment fait-on pour devenir saint ? Je ne voudrais pas là vous donner une formule magique, mais je voudrais tout simplement nous donner quelques pistes que l’Église elle-même met à notre disposition pour que nous puissions travailler à notre propre sainteté. Pour ce faire, le premier élément que je voudrais aborder, c’est que le saint, c’est la première condition, est avant tout une personne qui s’est laissé aimer par Dieu. Pour être saint, il faut d’abord se laisser aimer par Dieu, car il arrive que souvent dans notre vie, on se dit que nous ne sommes pas aimables, parce que peut-être nous avons posé des actes, nous avons fait des choses dont on n’est pas fier, et on s’est dit que Dieu ne peut pas aimer une personne comme moi. Et pourtant, Dieu, au-delà de nos actes, au-delà de nos vies, au-delà de tout ce par quoi nous sommes passés, l’amour indéfectible de Dieu continue de se manifester à nous, c’est à nous d’accueillir cet amour-là. Dieu ne vient pas pour récompenser nos mérites, Dieu ne vient pas pour récompenser nos bonnes actions, Dieu vient pour nous aimer. Osons ouvrir notre cœur à ce Dieu qui veut nous aimer tel que nous sommes, quel que soit ce par quoi nous sommes passés, même si la vie nous a marqués durablement, si la vie, en fait, a été pour nous quelque chose de difficile, si nous sommes des blessés de la vie, Dieu veut nous aimer, et Dieu veut que nous puissions le laisser nous aimer tel que nous sommes. Quel que soit notre parcours, notre histoire, cette histoire a de l’importance pour Dieu, et Dieu veut en faire une histoire sainte, c’est à chacun de nous d’oser nous ouvrir à lui. Première condition : se laisser aimer par Dieu.
La deuxième condition, s’il faut se laisser aimer par Dieu, il y a aussi quelque chose à faire de notre part, c’est de répondre à l’amour de Dieu. Oui, saint Francois disait, « l’amour n’est pas aimé », et nous sommes invités justement à lui répondre amour pour amour. Oui, notre amour est faible, notre amour, en fait, il est peu de choses, mais Dieu veut que nous puissions lui offrir ce peu d’amour que nous avons. Il est incomplet, il n’est pas fidèle, mais osons lui offrir ce que nous sommes. Car quand nous regardons la vie des saints, ce sont des hommes et des femmes qui ont fait l’expérience de l’amour de Dieu et qui ont voulu répondre à cet amour de Dieu en étant déterminés pour le Seigneur. C’est pourquoi, quand on regarde une personne comme saint François d’Assise, après avoir expérimenté l’amour de Dieu, il a tout abandonné. Lui qui aimait vivre, lui qui aimait faire les fêtes, il a tout abandonné pour embrasser désormais Dame Pauvreté, au point que la nature est devenue pour lui le lieu de la révélation de Dieu. Pour lui, le soleil est son frère. Même la mort est sa sœur. Oui, dans cette dimension, quand on s’est laissé aimer par Dieu, on ne peut qu’aimer tout ce que le Seigneur met autour de nous. Nous avons besoin de répondre amour pour amour.
Autre condition, en fait, on ne peut pas devenir des saints si on ne veut pas devenir des saints. Donc, il nous faut désirer, il nous faut vouloir devenir des saints. N’est-ce pas ce que nous dit la troisième béatitude selon l’évangile de Matthieu ? Quand il dit, « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, ils seront rassasiés. » J’aime bien une autre version qui, elle, dit ceci, « Heureux ceux qui désirent ardemment, vivre comme Dieu le veut, il le leur accordera pleinement. » Dieu veut voir le désir de sainteté en chacun de nous. Est-ce que je désire être saint ? Est-ce que je veux être saint ? Une personne comme Sainte Thérèse de l’enfant Jésus a voulu être sainte et avec entrain, elle est devenue sainte. On ne peut pas devenir saint si on ne le veut pas. Saint Augustin nous dira, « Dieu nous a créés sans nous, mais il ne nous sauvera pas sans nous. » C’est avec notre désir, notre volonté, que Dieu fait de nous des saints et des saintes de demain. Alors oui, il nous faut être des hommes et des femmes habités par cet ardant désir d’accomplir la volonté de Dieu. Il nous faut être des hommes et des femmes de désir.
Autre condition pour devenir saint, c’est tout simplement des personnes qui vivent car le saint est celui qui est en communion avec Dieu, qui finalement s’est laissé remplir par l’amour de Dieu. Le saint, c’est celui qui, dans sa relation avec Dieu, se laisse remplir par Dieu et cette relation se nourrit dans la prière. Lorsque nous étions à Ars pour notre pèlerinage d’entrée, il y avait ce témoignage de ce paysan qui venait chaque jour s’asseoir à l’église et le curé d’Ars qui le voyait lui demandait « Qu’est-ce que tu viens faire là tous les jours à la même heure ? » Et à lui de répondre « Je viens l’aviser et lui aussi m’avise. » La prière est devenue pour nous donc le lieu où nous avisons Dieu, le lieu où nous on se laisse remplir par Dieu et le lieu où on laisse Dieu faire son travail en chacun de nous. On ne peut pas devenir saint s’il n’y a pas cette communion avec le Seigneur dans la prière. Nous avons besoin de prier, nous avons besoin de rentrer dans cette communion-là avec le Seigneur.
Oui, frères et sœurs, je ne donne pas là une liste exhaustive, mais je voudrais pour terminer que nous puissions entendre comme en écho cette interrogation du livre de l’Apocalypse quand l’auteur dit « Tous ces gens, d’où viennent-ils ?» Alors, la réponse : « Ils viennent de la grande épreuve. Ils ont lavé leurs vêtements dans le sang de l’Agneau. » Oui, ces hommes et ces femmes qui viennent de la grande épreuve, ce sont des hommes et des femmes qui ont laissé Dieu les ajuster à lui, qui ont laissé la parole de Dieu traverser leur cœur, traverser leur vie, pour qu’ils soient reconnus comme étant un rayonnement de l’amour de Dieu. Qu’en cette fête de saints, Dieu nous donne la grâce, nous aussi, de laver nos vêtements dans le sang de l’Agneau pour que nous puissions être le reflet de sa gloire aujourd’hui, demain et pour les siècles et siècles à venir.