
Homélie du 4e dimanche de carême, le 30 mars 2025
Jos 5, 9a.10-12 ; ps 33 ; 2 Co 5, 17-21 ; Jn 9,1-41
2ème scrutin de Lény, et avec les enfants (et leurs parents) qui préparent la première communion.
par l’abbé Gaël de Breuvand
On dit que la Parole de Dieu est une nourriture pour les chrétiens… Attention à l’overdose, il ne faudrait pas que cela crée une indigestion, car là c’était une belle et bonne tranche de Parole de Dieu !
Ce récit de l’aveugle-né est l’un des grands évangiles baptismaux que nous lisons tout particulièrement parce que Lény est au milieu de nous. En effet, il est catéchumène et va être baptisé à Pâques et va vivre dans quelques instants son deuxième scrutin. C’est un ‘jugement’, du même ordre que celui dont parle Jésus « Je suis venu en ce moment pour rendre un jugement : que ceux qui ne voient pas puissent voir et que ceux qui voient deviennent aveugles ». Quand Jésus vient dans le monde pour un jugement, ce n’est pas Lui qui prend la posture du juge avec une perruque, un manteau rouge prêt à nous condamner. Non, mais il y a un choix à faire, et chacun de nous est invité à se positionner par rapport à Jésus. Ce positionnement est le jugement.
Nous pouvons arriver en disant au Seigneur : « Seigneur, je ne vois rien, je ne sais rien, je ne sais pas aimer, et j’ai besoin que Tu me sauves », et là, c’est le Salut qui nous est donné. Ou alors nous arrivons en disant « C’est bon moi je sais déjà tout. » Et si nous arrivons en disant « je n’ai besoin de rien », Dieu ne nous contraint pas à avoir besoin de quelque chose. Il nous prend au mot, au sérieux. Dieu nous considère comme des interlocuteurs valables…
Vous avez entendu cette controverse ? Je veux attirer votre attention sur deux, trois petits points qui nous invitent à nous laisser toucher, convertir, nous sommes invités à prendre la place de cet aveugle-né.
I – le mal, occasion pour la Foi ?
On évacue tout de suite la question qui revient deux fois dans l’Évangile : s’il est aveugle, si le mal s’est abattu sur lui – c’est bien le Mal – est-ce de sa faute ou celle de ses parents ? On l’entendu deux fois cette question, une fois de la part des disciples au début et une autre fois de la part des Pharisiens qui lui disent « tu es tout entier dans le péché depuis ta naissance et tu nous fais la leçon. » Pour eux, s’il y a du mal c’est qu’il y a, quelque part, un péché. Mais Jésus nous dit que cela ne marche pas comme ça, le mal est dans le monde sans que nous sachions pourquoi. Il s’abat sur nous et il est lourd. Mais tout mal peut être l’occasion pour Dieu de déployer Sa tendresse, Sa miséricorde, Sa gloire. Et c’est ce que Jésus dit au sujet de cet aveugle, « C’est pour que les Œuvres de Dieu se manifestent en lui ». Dieu n’a pas voulu qu’il soit aveugle, mais l’occasion de cette maladie permet à Dieu de déployer Sa tendresse et permet à cet homme de poser un acte de foi, à ce même homme de poser un acte d’espérance. Dans son chemin de vie, cette maladie est une occasion pour lui de se rapprocher de Dieu. Et dans son cas, il la saisit. Oui, qu’il rende gloire à Dieu car il a saisi l’occasion qui lui était donnée, alors qu’il n’était pas obligé de croire quand Jésus lui dit « tu Le vois et c’est Lui qui te parle. » Il n’était pas obligé de se prosterner, de tomber à genou, de poser le front par terre pour manifester que Dieu se tient devant lui. Il n’était pas obligé mais il a saisi le moment et il a adoré. Oui, il accomplit la Parole que nous avions entendue la semaine dernière « Le Seigneur Dieu cherche des adorateurs en Esprit et en Vérité ». En voilà un.
II – l’œuvre de Jésus, une re-création
Deuxième point, Jésus, on l’entend quatre fois « Jésus cracha à terre, avec la salive, Il fit de la boue, Il appliqua la boue sur l’aveugle et lui dit va te laver ». On redemande à l’aveugle trois fois comment cela s’est passé. « Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé et j’ai vu. » Tout de même, je vous l’ai dit deux fois, je ne vais pas vous le répéter encore une fois ! Cette histoire de boue est extrêmement intéressante car, en hébreu, celui qui est boueux c’est Adam. En effet, « Adama », en hébreu, c’est le boueux, celui qui est fait de terre. Il a été modelé à partir de la poussière et de la Terre du sol. En appliquant de la boue sur les yeux de l’aveugle, Jésus accomplit une création nouvelle, Il renouvelle l’acte de création sur cet aveugle, Il lui donne la vue, une vue physique mais surtout une vue tellement plus importante, celle du cœur et de la foi. Dans mon jeune temps, dans mon séminaire en Italie, nous avions un professeur qui nous parlait beaucoup des « occhi de la fede » ce sont les yeux de la foi, cela m’a marqué. Pour cet homme-là, les yeux de la foi se sont ouverts et les yeux de la foi sont ceux qui sont branchés directement à notre cœur. Tournons-nous vers le Seigneur et demandons-Lui la même chose : « Fais de nous une nouvelle création, donne-nous la foi ». Alors nous sommes baptisés, pour la majorité, dès lors, cet acte de recréation a déjà été accompli. Mais, vous le savez, nous avons besoin régulièrement de revenir vers le Seigneur pour lui dire : ‘Seigneur, parfais Ton œuvre car je suis souvent l’écran qui empêche que Tu accomplisses ce que Tu veux’. Dans quelques jours, pour Lény, cet acte de re-création sera accompli. La foi qu’il pourra témoigner ne sera plus un cadeau extraordinaire de Dieu qui lui permet d’avancer mais ce sera un cadeau dans l’ordre de l’ordinaire, un cadeau définitif qu’il ne pourra plus perdre. En effet, la foi, on ne peut pas la perdre, c’est un don de Dieu, c’est l’œil qui est greffé à notre cœur, en nous. En revanche, on peut perdre le mode d’emploi donc il faut régulièrement demander au Seigneur de nous nettoyer le cristallin, de nous accorder des lunettes qui nous permettent de voir mieux. Un acte de re-création.
III – laissez-vous réconcilier !
Un dernier mot parce que nous sommes à notre mi-Carême, que si je suis en rose c’est que la lumière de Pâques nous est déjà donnée et que cela éclaircit notre violet. Écoutons l’appel de saint Paul dans la Deuxième Lecture. Nous sommes les ambassadeurs du Christ et, par nous, c’est Dieu Lui-même qui lance un appel, « Nous le demandons au nom du Christ laissez-vous réconcilier avec Dieu. » Dieu nous appelle à grandir dans Son amitié. On entendra Jésus nous dire « J’ai soif » : « J’ai soif de toi, de ta présence, de ton énergie et de ton amour, j’ai soif. » Jésus nous appelle. Saint Paul – et à travers lui toute l’Église – appelle chacun des membres, chacun de nous, à une conversion nouvelle. « Laissez-vous réconcilier avec Dieu ». Approchez-vous du Seigneur, Il vous aime. Comment s’approcher de Lui ? En ouvrant la Parole de Dieu. L’occasion de la mi-Carême… Ces cinq ou dix minutes de Parole de Dieu que l’on s’était promis de faire pendant le Carême qui sont tombées aux oubliettes, aujourd’hui, c’est l’occasion de les remettre au goût du jour. Et puis si ces cinq minutes ne tiennent qu’aujourd’hui, cela vaut mieux que pas du tout… L’acte d’amour posé résonne dans l’éternité. Autre manière de s’approcher du Seigneur, c’est de vivre les sacrements, à savoir la messe, chaque dimanche, peut-être même en semaine, c’est l’Eucharistie, qui va avec cet autre sacrement que l’on appelle si bien le sacrement de la réconciliation. « Laissez-vous réconcilier avec Dieu ». Dieu vous appelle, Dieu m’appelle. Il me dit : viens te jeter contre Mon cœur, laisse-toi ajuster à ce que Je suis, laisse-toi ajuster à ta vocation, laisse-toi accomplir. Parce que c’est Dieu qui travaille, qui accomplit Son œuvre en nous, c’est Dieu qui fait de nous des créations nouvelles.