
Homélie du 9 mars 2025, 1er dimanche de Carême C,
Dt 26, 4-10, ps 90, Rm 10, 8-13 ; Lc 4, 1-13 –
par l’abbé Gaël de Breuvand
I – L’appel du Seigneur, c’est comme tomber amoureux
Le premier dimanche de Carême, c’est l’entrée dans une période en violet, une période de préparation à la victoire du Christ, lorsque Celui-ci a vaincu la mort. Traditionnellement dans l’église catholique, lors de ce premier dimanche de Carême, l’évêque réalise un rite qui est « l’appel décisif » : ce sont des catéchumènes qui ont parcouru le chemin de la foi depuis un an, deux ans, trois ans ou plus, et qui sont appelés – ceux de notre paroisse, Luc et Lény, ont été appelés hier – solennellement – par l’évêque pour recevoir la grâce, le don du baptême. C’est très joyeux – même si c’est un peu long dans une cathédrale pas très chauffée – c’est tout de même très joyeux, d’autant qu’ils sont 394 cette année à avoir été appelés, alors que l’an dernier ils n’étaient que 220 pour être baptisés à Pâques.
Donc le Seigneur appelle ! L’évêque, hier, nous a donné une prédication en insistant sur la joie de l’appel de Dieu. Quelle joie, pour celui qui est appelé, de se sentir aimé, quelle joie pour celui qui est appelé, de savoir qu’il compte aux yeux du Seigneur ! Quelle joie pour la communauté, d’accueillir de nouveaux membres, quelle joie pour l’Église entière, et pour Dieu, de voir des jeunes et des moins jeunes qui répondent à Son appel ! Puis l’évêque, dans sa prédication, est revenu sur ‘la tentation au désert’, en disant aux catéchumènes – mais c’est vrai pour chacun de nous – que vient le moment où l’on entre au désert. C’est comme tomber amoureux : il y a la grâce des commencements, tout est facile ! Puis le temps passe, et cela devient moins facile, le cœur bat moins fort, et il faut ‘décider’ de rester, d’aimer, et de se laisser aimer. De fait, dans notre vie chrétienne, c’est la même chose : cela devient moins facile, l’évidence de Dieu devient un peu moins évidente … et c’est là que commence un combat spirituel, un combat en esprit, dans lequel il nous faut rentrer résolument : nous y reviendrons…
II – Dieu fait le premier pas
La Première Lecture nous invitait à offrir notre offrande ; lorsque nous nous approchons du temple pour offrir notre offrande, que faut-il faire ? C’est Moïse qui dit au peuple : lorsque vous faites votre offrande, la première chose que vous avez à faire est de faire mémoire des merveilles de Dieu. Faire mémoire des merveilles de Dieu : pourquoi ? Parce que le Dieu des Juifs et des chrétiens a une caractéristique que n’a aucune autre religion : le Dieu des chrétiens, c’est Lui qui fait le premier pas ! Et donc, lorsque nous entrons dans une relation avec Lui, nous avons d’abord à faire mémoire du premier pas qu’Il a fait pour nous. C’est très différent des religions païennes, où c’est l’homme qui fait le premier pas pour ‘acheter’ la bienveillance de Dieu : ‘si je fais cela, alors tu seras bienveillant ?’. Pour nous, chrétiens, c’est l’inverse : Dieu est d’abord bienveillant, Dieu vient d’abord entrer en relation avec nous, Il vient d’abord nous dire : ‘tu es mon enfant bien-aimé, tu es ma perle précieuse à mes yeux, Je veux ton bien, ta joie !’
Nous sommes invités à répondre en nous laissant aimer, en Le laissant venir habiter notre vie, notre cœur, en nous laissant toucher par Lui. Nos rites, nos liturgies, ne sont pas un moyen d’acheter, d’obtenir la présence de Dieu. Dieu ne nous dit pas : ‘si tu coches telle case et telle case, si tu fais ceci, alors je ferai cela’ ; non ! La première chose que nous faisons dans la liturgie, c’est une action de grâce, et c’est le sens même de l’Eucharistie : Je rends à Dieu ce qu’Il m’a donné, Il m’a tout donné, ma vie d’abord, et tout ce que je suis, tout ce que je fais, je le fais grâce à Lui. La liturgie, les rites chrétiens, c’est l’occasion de rendre à Dieu ce qui est à Dieu : merci, Seigneur.
Le psaume 90 que nous avons entendu – je vous invite à le lire en entier – est un psaume étonnant : c’est un des psaumes de confiance les plus beaux que l’on puisse trouve dans la Bible, c’est celui que le clergé est invité à prier pour Complies tous les dimanches, et les moines tous les soirs. Nous chrétiens, nous avons aussi droit de le relire. C’est un psaume de confiance, où celui qui prie fait d’abord un acte de foi, « Quand je me tiens sous l’abri du Très-Haut et repose à l’ombre du Puissant, je dis au Seigneur – et là le mot « Seigneur » c’est le nom que Dieu s’est donné Lui-même et qu’Il a donné à Moïse, le nom de Yahvé qu’on ne sait pas bien prononcer – Mon refuge, mon rempart, mon Dieu, dont je suis sûr ! » Première chose, un acte de confiance : Seigneur, je sais que Tu es là, c’est Toi qui viens à ma rencontre, Tu es mon refuge, mon rempart, mon rocher, Celui en qui je m’abrite.
Et puis, la dernière strophe que nous avons eue aujourd’hui, c’est une parole de Dieu : « Puisqu’il s’attache à moi, Je le délivre ; Je le défends car il connaît mon nom. Il m’appelle, et moi Je lui réponds : Je suis avec lui dans son épreuve. » Ce que nous dit Dieu, c’est qu’Il est là, avec nous dans l’épreuve, même si on ne le sait pas, même si on ne Le voit pas, même si nous n’en avons pas conscience, Il n’attend qu’une chose, c’est que nous Lui ouvrions la porte pour pouvoir déployer en nous Sa force, Sa puissance, Son amour, pour déployer en nous Son Salut. « Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé », c’est ce que nous dit saint Paul. Parce que le Seigneur est là et n’attend qu’une chose : que nous lui ouvrions la porte.
III – La tentation, c’est attirant !
Troisième mouvement de ce commentaire : nous sommes aujourd’hui le premier dimanche de Carême, nous avons eu le récit des tentations ; cela rejoint cette épreuve du désert que, tous, nous rencontrons ; quand Jésus est au désert, Il y est pour être en relation avec Son Père. Et que nous raconte ce texte ? Pas du tout cette rencontre-là ! Le texte nous raconte précisément le moment où Dieu semble ne plus être là. Le héros du texte, c’est presque le diable « diabolos » celui qui sépare, celui qui divise, le Satan, le « shatan » en hébreu, c’est celui qui accuse. Et le diable, le Satan, s’adresse à Jésus en lui présentant des tentations. Ce sont bien les tentations, parce que l’objectif proposé par les tentations, c’est souvent ‘pas mal’… il ne faut pas se mentir : la tentation est rarement moche, sinon nous la refuserions ! Dans la tentation, il y a forcément quelque chose qui nous attire, qui nous fait envie, c’est précisément le but. La tentation de la gourmandise : je suis tenté car c’est bon, c’est agréable. On pourrait faire le tour de toutes les tentations, il y a toujours quelque chose de bon, d’agréable, c’est bien cela qui fait la force de la tentation ! Et dans la tentation que propose Satan, il y a quelque chose d’intéressant.
Ce qu’il y a de étonnant, c’est que là, c’est le diable qui est le leader de cette tentation… mais en réalité, toutes ces tentations, Jésus va les retrouver sur Son chemin. Lors de la multiplication des pains, Il a nourri une foule : elle veut faire de Lui son roi ; il faudrait être en pierre pour ne pas se dire que ce n‘est pas mal, pour accomplir le projet de Dieu, de réunir toute l’humanité sous une seule tête, un seul chef, qui est Jésus, et pourquoi ne pas le faire en utilisant la méthode de l’ONG, ou de la soft power, en donnant à manger à tout le monde : ainsi tout le monde le reconnaîtra comme Seigneur, comme Sauveur… Mais cela restera une tentation, car le chemin n’est pas le bon. Parfois, c’est nous qui provoquons une peu Jésus, en disant : tu ne pourrais pas manifester Ta puissance, afin que tout le monde Te croie ? Mais ce n’est pas comme cela qu’est le projet de Dieu. Il veut faire de nous Ses amis, et non pas Ses esclaves. Donc, ces tentations sont multiples, Jésus les a rencontrées au désert, Jésus les a rencontrées dans Sa vie. Le diable reviendra : croyez bien qu’au moment de l’agonie de Jésus, la tentation d’éviter la Croix en utilisant les anges dont Pierre lui parlait, la tentation est grande… Mais Jésus refuse, et comment fait-Il ? Dans ce texte, c’est assez frappant : pour résister à la tentation, Il s’appuie sur la Parole de Dieu ; c’est le moyen que Dieu a choisi pour être présent à Son peuple. Pour nous, c’est pareil : il s’agit de nous appuyer sur la Parole de Dieu. Et la Parole de Dieu, c’est Jésus dans nos vies.
Choisir la Parole de Dieu, choisir Jésus
Nous sommes le premier dimanche de Carême : alors, si nous n’avons pas encore pris de résolutions pour le Carême, on peut s’engager à lire tous les jours une page, deux pages, trois pages de la Bible. Prenons un évangile, celui selon saint Matthieu, une ou deux pages, même pas un chapitre, 5 mn, tous les jours. Et si on a lu saint Matthieu et saint Marc, alors prenons saint Luc ! Et si on a lu saint Luc, alors prenons saint Jean ! Tout est possible ! Tout est possible : donnons un temps avec le Bon Dieu, appuyons-nous sur cette Parole. Jésus est la Parole de Dieu, c’est une Parole qui se donne à nous, dans les sacrements et dans l’Eucharistie à la messe. Deuxième moyen : rencontrer Jésus ; c’est Lui notre appui, notre rempart, notre refuge, notre secours, c’est Lui qui vient à nous, c’est Lui qui nous a promis : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps ».
Alors, appuyons-nous sur Lui, méditons Sa Parole, vivons les sacrements, la messe, le sacrement de réconciliation, c’est là que nous pouvons rencontrer Jésus quotidiennement, laissons-nous aimer, et aimons-Le !