
Jr 17, 5-8 ; ps 1 ; 1Co 15, 12.16-20 ; Lc 6, 17.20-26
Homélie du dimanche 16 février 2025, 6e du temps ordinaire C –
par l’abbé Gaël de Breuvand
Il existe un jeu qu’on appelle le « tu préfères », j’ignore si vous le connaissez. C’est plutôt un jeu d’enfants, ou d’ados : l’idée est de faire choisir entre plusieurs propositions. Par exemple : Préfères-tu mettre la main dans l’huile bouillante, ou préfères-tu ne pas avoir de main ?… Nous n’avons pas envie de choisir… Ce sont toujours des choix impossibles, mais il faut se positionner.
I – Un choix paradoxal
Lorsque l’on entend l’évangile d’aujourd’hui, il y a un peu de cela. « Heureux les pauvres », voilà quelque chose de paradoxal : il faudrait choisir de préférer être pauvre ! « Heureux si vous pleurez », « Heureux si on vous insulte, si on vous hait. » Je n’ai pas bien envie d’entendre cela… Et, à l’inverse, « Malheur aux riches. » C’est pourtant bien, d’être riche, non ? « Malheur à vous si vous n’avez pas faim », « Malheur à vous si vous êtes dans la joie », etc. On a l’impression que Jésus nous propose un choix impossible… Si c’est cela, être chrétien, si c’est vraiment choisir ce qui paraît être nul, est-ce que cela vaut vraiment le coup ?
Je vous pose la question, mais la réponse est : oui : oui, cela vaut le coup ! Pourquoi ? Parce que Dieu nous aime, et que le chemin que Dieu nous propose est un chemin de bonheur et de joie. Et ce que nous propose le Christ, ce n’est pas la petite joie de maintenant, qui va s’effacer, s’envoler, telle la feuille morte, et disparaître. Ce que nous propose le Christ, c’est la vraie joie et le plus grand bonheur, qui durent pour l’éternité.
Mais ce bonheur-là, pour l’obtenir, il faut s’engager, il faut se donner, se dépenser, se fatiguer, autrement dit, il faut aimer ! Nous sommes invités à faire confiance à Celui qui nous propose ce choix : « Heureux, vous les pauvres ». Alors il s’agit de vouloir, nous aussi, être pauvre… De quelle pauvreté parle-t-on ? Parle-t-on de la misère noire ? Non : on parle de ce que Jésus Lui-même a vécu. Une vraie pauvreté, autrement dit, une vraie liberté par rapport aux biens matériels. Sommes-nous vraiment libres par rapport à nos biens matériels ? Sommes-nous capables de vivre, malgré la charge que peuvent représenter ces biens matériels ? Être pauvre, c’est avoir le cœur suffisamment libre, suffisamment ouvert pour pouvoir faire les bons choix.
Quand Jésus dit « Quel malheur pour vous, les riches, car vous avez votre consolation », on visualise peut-être mieux : celui qui est riche, c’est celui qui n’a besoin de rien. Et celui qui n’a besoin de rien, il n’a besoin de rien, donc il ne se réjouira jamais des cadeaux qu’il peut recevoir. Imaginez, essayez d’y penser, à l’instant-même : vous avez tout ce que vous voulez. Il va devenir compliqué, pour moi, de vous faire un cadeau, une surprise ; or Dieu veut nous faire des cadeaux, des surprises, Dieu veut nous combler. Mais si nous avons le cœur trop plein, ce ne sera pas possible !
II – Les deux voies
Ce que Jésus nous propose c’est ce qu‘on appelle, en théologie, les deux voies : il existe deux chemins, deux manières de conduire nos vies. C’est le reflet d’une théologie, qu’on avait déjà découverte dans la Bible, puisque le psaume exprime cette théologie des deux voies, tout comme la Première Lecture : « Quel malheur, maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel », « quel malheur pour lui ! », c’est ce que cela veut dire. « Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur, et dont le Seigneur est la confiance. » Voilà deux chemins : le premier, un chemin qui conduit vers la joie et le bonheur, un chemin qui nous conduit vers la plénitude de la sainteté, de la lumière. Quand je vous le propose comme cela, on se dit qu’on veut y aller, et on a raison ; mais ce chemin est un peu difficile, car il va falloir accepter – en vue de ce plus grand bien – de renoncer à des petits biens, des petits conforts : c’est tout le point de l’amour. Si j’aime, il s’agit de me dépenser !
À l’inverse, l’autre chemin est large et confortable, facile à emprunter ; mais, au bout de ce chemin, il y a la tristesse et le désespoir. Que choisir ? Quand on nous le dit comme cela, on sait quoi choisir ; mais, le problème, c’est que ce sont les choix du quotidien. Aujourd’hui, que vais-je choisir ? Ma paresse, et mon nombril, ou bien, effectivement, je vais choisir de donner de mon énergie et de mon temps à celui qui est près de moi, ou un peu plus loin ?
III – Le Salut apporté par Jésus
On le sait bien, ce n’est pas si facile ! Jésus est là justement pour nous sauver du choix de la facilité. Il nous l’a montré, Il est exemplaire de ce côté-là, Il est le pauvre par excellence, Il est celui qui pleure par excellence, Il est celui qui a faim par excellence, Il est celui qui est haï par excellence, et tout cela s’est accompli à la Croix. Mais, après la croix, il y a la Résurrection, seulement il faut d’abord passer par la Croix. Il est l’exemple même de Celui qui fait le bon choix, Il n‘est pas seulement exemple pour nous, sinon ce serait écrasant. Il est aussi Celui qui nous donne Sa force, Sa grâce, Son amour, pour que nous puissions faire les bons choix. C’est la prière d’ouverture, d’oraison, du début : le Seigneur veut habiter nos cœurs, et nous Lui demandons de faire de nous Sa demeure. Et quand Il est là, quand Il habite en nos cœurs, alors, tous les choix deviennent possibles, et en particulier le plus grand, le plus beau des choix : le choix de l’amour, le choix de la joie !
Un dernier mot autour de la Deuxième Lecture : dans celle-ci, saint Paul nous rappelle que le Christ est mort et ressuscité, c’est là le cœur de notre foi. Si le Christ n’est pas mort ni ressuscité, notre foi ne sert à rien ; nous ne sommes pas les disciples ou les élèves d’un grand philosophe. Nous ne suivons pas une théorie ; non, nous sommes les disciples, les écoutants, les suiveurs, d’une Personne qui aime, qui a tout donné pour nous, et qui nous montre que l’amour est plus fort que la mort : Il est ressuscité ! Et nous aussi, parce qu’Il est mort et ressuscité, nous aussi nous ressusciterons. Cette résurrection, c’est la victoire de l’amour dans nos vies. Ce ne sera pas grâce à nos propres forces…
Cette résurrection commence aujourd’hui. Elle a, peut-être, déjà commencé hier ou avant-hier ; en réalité, elle a commencé le jour de notre baptême. C’est Jésus qui vient gagner en nous, qui vient faire que la vie remporte la victoire sur la mort, que l’amour soit vainqueur. Alors, aujourd’hui, à la messe, accueillons-Le. Laissons-Le s’installer dans nos cœurs et dans nos vies, demandons-Lui de faire en sorte qu’en nous aussi l’amour soit vainqueur.