Ap 7, 2-4.9-14 ; ps 23 ; 1Jn 3 ; 1-3 ; Mt 5, 1-12a
Homélie 1er novembre 2024 Toussaint
par l’abbé Gaël de Breuvand
I – en quête de la ressemblance
La fête de la Toussaint est une grande joie car nous contemplons notre avenir. La fête de la Toussaint c’est aussi une injonction, un appel à « Tous Saints ! », il faut que nous le soyons. Alors, quel est notre avenir ? C’est de voir Dieu face à face, notre avenir c’est de Lui être semblable. Là vous le verrez ; et il y a une forme de contagion lorsqu’on voit Dieu, face à face : on se met à Lui ressembler. C’est pour cela que nous sommes faits, parce que c’est la plus grande joie, le plus grand bonheur. C’est une similitude au sens fort, lorsque nous verrons Dieu, lorsque nous serons semblables, tout sera accompli. Nous serons à notre place. C’est bien le projet de Dieu, dès l’origine, rappelez-vous la Genèse, chapitre 1, verset 26, Dieu dit « faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance. » Et au verset 27, « Dieu créa l’homme à Son image, à Son image Il le créa, homme et femme, Il les créa. » et l’on comprend que le mot « ressemblance » n’est plus là, car c’est bien ce que nous cherchons aujourd’hui depuis le premier jour de notre vie.
Et comment allons-nous entrer dans cette ressemblance ? En établissant des liens. « Quel est le plus grand commandement ? » demande le scribe à Jésus… Vous connaissez la réponse… « Écoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est Un, tu L’aimeras de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit, tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Voilà le plus grand des commandements, le premier, celui qui nous ouvre le chemin, celui qui nous indique la direction, le chemin à suivre pour être aimé et nous laisser aimer.
II – Notre modèle : Jésus
Donc, nous voyons bien le but, nous entrevoyons le chemin et quand on s’approche de Jésus et qu’on Lui demande… C’est ce que l’on a entendu dans l’évangile de saint Matthieu, nous sommes au chapitre 5 et c’est le deuxième mot de Jésus dans l’évangile. Le premier mot que l’on a entendu c’est « convertissez-vous, le royaume de Dieu est proche. » Le deuxième mot c’est donc « heureux » car c’est cela le projet de Dieu. Il nous a créés pour nous aimer, s’Il ne nous aimait pas, nous n’existerions pas. Le projet de Dieu c’est notre joie et notre bonheur, et Il s’engage pour cela. Il s’est dévoilé à nous tout au long de l’histoire sainte jusqu’à Jésus, lui qui est le dernier mot de Dieu, voilà le chemin du bonheur et de la joie.
Ce chemin peut nous paraître paradoxal car humainement, simplement humainement, nous préférons nous mettre au service de notre orgueil, au service de notre confort, de notre paresse, de notre ambition, que sais-je ? Et voilà que ce que nous propose Jésus c’est précisément l’inverse « Heureux les pauvres de cœur car le royaume des cieux est à eux ». Et cela commence aujourd’hui ! Le pauvre c’est celui qui a le cœur ouvert, vide, suffisamment pour qu’il y ait de la place pour le don de Dieu. S’il est riche, il est plein de lui-même et il n’y a plus de de place pour le cadeau de Dieu. Voilà pourquoi le pauvre est heureux c’est parce qu’il est capable d’ouvrir la porte et d’accueillir celui qui vient et c’est Jésus qui vient. Et, finalement, toutes les béatitudes nous proposent ce petit chemin de paradoxes, « Heureux ceux qui pleurent car ils seront consolés », cela ne nous semble presque pas logique, mais, en réalité, celui qui pleure, c’est celui qui a connu des épreuves, des blessures et il y a une béatitude qui est camouflée dans ce texte : c’est « heureux les fêlés, ils laisseront passer la lumière ». Oui, car celui qui pleure, qui est blessé c’est celui qui a aimé jusqu’à se blesser, eh bien Dieu peut entrer. « Heureux celui qui pleure, il sera consolé » et on pourrait prendre toutes les béatitudes une par une, c’est un exercice que je vous invite à faire… Il faut creuser car parfois le sens ne saute pas aux yeux, il faut aller chercher dans la Bible, à d’autres endroits, quand est-ce qu’on parle des « doux » par exemple. Qu’est-ce que c’est qu’un doux ?
Et quand on a bien médité, travaillé, on découvre en ce texte le portrait de Jésus. Or, Jésus c’est Dieu ! Et le bonheur et la joie, pour nous, c’est de voir Dieu en contemplant Jésus, nous voyons Dieu.
III – accueillir le don, la sainteté de Dieu
En méditant ces Béatitudes, nous sommes déjà un peu au ciel. Ce n’est pas encore la plénitude, la parfaite joie, mais déjà elle commence là, aujourd’hui. Nous fêtons tous les saints du ciel, vous le savez il y en a 4000, 5000, 6000 saints qui ont été canonisés par l’Église, estampillés saints, ils ont le tampon mais, heureusement, il y en bien, bien plus. Il y a eu plusieurs de milliards de chrétiens sur la Terre, heureusement qu’il n’y a pas eu que 6000 saints. Heureusement qu’il y en n’a pas que 144 000 : Ce nombre a une forte connotation symbolique, 12 c’est la totalité, multiplié par 12, cela fait 144 et 1000 c’est ce qu’on ne peut plus compter, et donc la totalité multipliée par douze, multiplié parce qu’on ne peut pas compter, voilà les 144 000. Tous, nous sommes invités à entrer dans cette joie de Dieu. Il y a deux chemins possibles, mais il y en a un qui est une fausse piste. Le premier chemin possible, celui que naturellement on a envie d’employer, c’est que l’on s’appuie sur nos propres forces et que l’on coche les cases du « c’est bien », « c’est permis », « ce n’est pas autorisé » et puis l’on essaie de ne pas cocher les cases du « c’est défendu » et « ce n’est pas bien ». Mais, si on s’arrête là, on va passer à côté de l’essentiel. Nous ne pouvons pas voir Dieu tout seul, nous ne pouvons pas, sans aide, voir Dieu face à face, il faut que Dieu vienne à nous et c’est Sa grâce, Son amour, c’est Jésus, Dieu lui-même, c’est l’Esprit saint qui vient habiter nos cœurs. C’est Lui qui nous sauve, c’est Lui qui nous rend aptes au Salut, à Le voir face à face, Il nous rend aptes à aimer et à nous laisser aimer. Alors il s’agir de se laisser faire, c’est peut-être le plus difficile dans la vie chrétienne, nous ne sommes pas une religion du faire mais du laisser-faire.
Le grand commandement commence par « Écoute », pose-toi, accueille, ouvre ton cœur et ton intelligence. Le grand rite de notre liturgie, c’est la communion : où je ne prends pas Jésus mais je le reçois. C’est bien pour cela que l’Église valorise la communion à la bouche – on peut communier dans la main bien sûr –, mais entre les deux manières de communier, l’Église préfère la communion à la bouche. Pourquoi ? Car nous sommes dans une démarche de petit oiseau, vous voyez ces petits oiseaux qui ouvrent la bouche en grand grand grand pour que leurs parents leur donnent à manger ? Nous avons la sainteté, qui nous est donnée comme cela. Il s’agit que nous ouvrions la bouche, le cœur, le plus grand possible pour accueillir le don de Dieu.
Aujourd’hui nous fêtons tous les saints du ciel et ces saints font partie de notre famille et nous pouvons les prier. Ils peuvent intercéder pour nous, eux n’ont plus besoin de notre prière, ils voient Dieu face à face. Mais nous n’en sommes pas tout à fait là et donc nous pouvons nous appuyer sur eux, appuyons-nous sur eux, et ensemble, dès aujourd’hui, dès demain et pour l’éternité, nous chanterons, nous louerons le Seigneur, nous célébrerons la gloire de Dieu, nous aimerons et nous nous laisserons aimer.