Homélie du 26e dimanche de TO, B,
le 29 septembre 2024,
par l’abbé Gaël de Breuvand
Voilà deux parties, dans l’évangile qui nous est donné aujourd’hui.
I – ce qui compte, c’est d’être attaché au Christ
Une première : Jean, le frère de Jacques, l’un des deux disciples que Jésus a appelés « Boanergès », « fils du tonnerre », donc il a un peu de caractère ! Il est scandalisé – il est jaloux – parce que quelqu’un qui n’est pas du club a réussi à faire un miracle au nom de Jésus. Et Jésus recadre un peu Ses disciples, en leur disant que, ce qui compte, ce n’est pas de faire partie du club, mais d’être attaché au Christ ! C’est Lui le point de référence, c’est Lui le Sauveur, c’est Lui qui permet les signes et les miracles à travers Ses disciples. C’est Jésus qui est le pivot de nos vies, c’est Lui qui donne sens à ce que nous sommes. C’est vraiment tout simplement ça, qui nous est donné dans cette parole-là. Cela va nous forcer à regarder les autres un peu différemment, cela va nous forcer à faire une petite – ou une grande – conversion, évidemment.
II – le péché
Et puis il y a une deuxième partie, comme vous avez entendu, qui bouscule un peu. Première phrase en exergue : « celui qui est un scandale, une occasion de chute pour un seul de ces petits qui croit en Moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes. » Mieux vaudrait pour lui être jeté à la mer avec une meule… Jésus met le doigt sur ce qui est grave : « occasion de chute », « scandale » : en fait, c’est le péché.
Qu’est-ce donc que le péché ? Le péché est une faute contre l’amour, c’est un lieu où nous n’avons pas assez aimé, ou pas aimé du tout, ou même nous avons été contre l’amour, et Jésus nous dit ici que c’est grave. Il n’y a pas de « péché mignon », non, un péché, c’est grave : pourquoi ? Parce qu’un péché est une rupture, une cassure. Évidemment, il y a des péchés plus graves que d’autres, mais, dans tous et toujours, c’est une rupture du lien à moi-même, parce que, lorsque je commets un péché, lorsque je manque à l’amour, je me blesse moi-même ; c’est aussi une rupture, une blessure dans ma relation à l’autre, car lorsque je commets un péché, je blesse l‘autre ; et enfin c’est un acte qui va contre Dieu, parce que Dieu est Amour. Et lorsque j’écarte de ma vie l’amour, eh bien, j’écarte Dieu et je blesse la relation qu’il y a entre Lui et moi.
Ce qui est rassurant, c’est que Dieu est plus grand que tous nos péchés, et qu’il est toujours capable de nous pardonner : il s’agit alors de se tourner vers Lui et lui demander ce pardon.
III – la radicalité du choix
Le péché, ce n’est pas bien, et Jésus nous demande un choix radical. « Mieux vaut pour toi entrer manchot dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux mains. Mieux vaut pour toi entrer estropié dans la vie éternelle, mieux vaut entrer borgne dans la vie éternelle ». Parce que le royaume de Dieu, la vie éternelle, c’est cela qui compte : c’est notre but, nous sommes faits pour ça. La vie éternelle, c’est Dieu qui aime. La vie éternelle, c’est rencontrer Dieu face à face, se laisser aimer par Lui, et l’aimer en retour. C’est ce qui compte vraiment. Il n’y a pas de demi-mesure. Je ne peux pas dire « j’aime un peu ». Non ! j’aime, ou je n’aime pas. Et Jésus nous invite à faire un choix radical qui soit un choix d’amour.
À l’époque de Jésus, près de Jérusalem, il y a la vallée du « guei-hinnon », une petite rivière asséchée, qui servait de décharge publique. Et dans cette décharge, on met le feu pour se débarrasser des déchets. Si nous n’avons le choix qu’entre le royaume de Dieu, la vie éternelle, et la géhenne, je sais ce que je vais choisir ! Et Jésus nous invite à choisir : la porte du royaume de Dieu, la porte du bonheur, du face à face avec Dieu, est ouverte aujourd’hui. Et il faut faire un choix radical. Alors, je vous interdis de prendre à la lettre ces mesures… on ne peut pas être tous des manchots et des borgnes !
Pour autant, il y a un choix radical à faire. Ce qui nous entraîne au péché, ce qui nous entraîne au manque d’amour, il faut savoir s’en séparer.
a/ le péché de David
Par exemple, le roi David a commis un grand péché dans sa vie. Petit rappel : à la période où les rois partent en guerre, David n’est pas parti, il a simplement envoyé son armée. Il a du temps, il fait la sieste et, un jour, il se promène sur sa terrasse et aperçoit une femme magnifique qui prend son bain, Bethsabée. Il la trouve tellement belle qu’il la fait venir, il couche avec elle et la renvoie chez elle. Et un mois plus tard, elle lui apprend qu’elle attend un bébé de lui. David veut camoufler son « crime », donc il rappelle Uri de la guerre pour qu’il retrouve sa femme, mais Uri ne veut pas : car, ses soldats ne pouvant pas voir leurs épouses, il trouve injuste que lui voie la sienne. David organise alors le meurtre de Uri, par général interposé.
Quel est le péché le plus grave de cette histoire ? C’est d‘ailleurs dans l’ordre des commandements… Ils sont dans l’ordre du plus grave au moins grave, mais cela reste toujours des péchés. Uri a été assassiné par ordre de son roi ; avant cela il y a eu un adultère, et avant cela de la convoitise, un œil qui traîne là où il n’aurait pas dû traîner… Et avant ceux-là, quel est le premier péché de cette histoire ? C’est la paresse, car David aurait dû accompagner son armée en guerre ; mais il ne l’a pas fait et avait donc du temps à perdre. La paresse, ce n’est pas le péché le plus grave de cette histoire, loin s’en faut, cela fait peut-être partie – pour certains – des « péchés mignons »… mais en fait c’est un péché racine, un péché capital. Ce n’est pas forcément le plus grave, mais c’est celui qui entraîne de fil en aiguille à plus grave.
Si j’avais un conseil à donner à David qui viendrait se confesser en disant « j’ai fait tuer… », je veux bien lui donner le pardon de Dieu, mais il va falloir qu’il fasse un choix radical dans sa vie, car s’il continue à être paresseux ou à avoir l’œil de convoitise sur la femme du voisin, ou qu’il couche avec la femme du voisin, cela va recommencer.
b/ Un péché actuel
Un autre cas, plus actuel ; quand on a vingt ans on aime bien faire la fête, on y va avec des amis – c’est une bonne chose ! – et pendant qu’on fait la fête on boit un peu, et parfois un peu trop, et du coup l’on s’embrouille, et on se bat. Et, le lendemain, le garçon qui s’est battu, pénitent, regrettant, vient se confesser « Voilà, mon père, je me suis battu, et je demande pardon pour cela ». Parfait, le Seigneur te pardonne, tu le regrettes vraiment, tu as raison, donc Il te pardonne. La semaine suivante, le garçon repart faire la fête avec ses amis, boit un peu trop, s’embrouille et il se bat. Au moment où il se bat il se dit je ne devrais pas le faire, mais il le fait quand même. Il retourne voir le prêtre, « mon père, pardon »… Alors, il faut peut-être prendre le péché un peu plus tôt ! Certes, il y a un péché dans le fait de se battre, mais peut-être qu’il y a un péché avant qui entraîne quasiment automatiquement cette baston. Alors, du coup, il va se dire « je ne m’embrouillerai pas ». Évidemment, il ressort avec ses amis la semaine suivante, il boit un peu trop, au moment où il s’embrouille, il se dit qu’il ne devrait pas, mais il se bat, et revient encore voir le prêtre. Il se dit peut-être qu’il faut que je ne boive pas trop. La semaine suivante, il sort avec ses amis, il se dit qu’il ne va pas trop boire mais il boit quand même donc il s’embrouille et il se bat. Peut-être qu’il ne faut pas que je boive du tout. Il sort avec ses amis, mais c’est trop dur de ne pas boire du tout, donc il boit quand même et trop, etc… Où est la solution ? peut-être que, dans ce cas-là, la solution serait de ne pas sortir le samedi soir, ou pas avec ces amis-là, qui sont peut-être un mauvais milieu. Peut-être qu’il faudra se couper la main… un choix douloureux… il y a un choix radical à faire pour ne pas se laisser entraîner dans le péché… C’est tellement facile…Un petit pas de plus.
En conclusion, il s’agit d’aimer
Finalement, on le voit, c’est de petits pas en petits pas que l’on descend tranquillement du chemin de la perdition, de petits pas en petits pas, et au bout d’un moment, on est tellement bien dans ce chemin de la médiocrité, qu’on ne sait même plus ressortir la tête. Alors le Seigneur vient nous bousculer : « il y a un choix pour toi : la joie de Dieu, ou la géhenne ». Que choisissons-nous ? Je vous parlais du péché contre lequel il faut lutter, et je le maintiens, il faut le faire ; pour autant, vous le savez comme moi, quand il s’agit de lutter contre un péché, on fait plus facilement le compte de nos échecs que de nos réussites.
Or il ne faut pas oublier une chose, c’est d’aimer : donc il faut lutter contre les manques d’amour, oui, mais surtout faire grandir l’amour, la joie, le bien autour de nous, là où nous sommes, avec mari, femme, parents, enfants, voisins, camarade de classe, de travail, même avec ceux qui sont fatigants, vous les connaissez ! Faire grandir la joie et l’amour là où nous sommes, aimer et se laisser aimer pour pouvoir attendre ce pour quoi nous sommes faits, dès aujourd’hui, et le continuer dans l’éternité, dans la vraie joie, et dans le vrai bonheur.