Homélie du 21e dimanche de TO, année B ;
dimanche 25 août 2024, par l’abbé Gaël de Breuvand
Jos 24, 1-2a.15-17.18b ; ps 33 ; Eph 5, 21-32 ; Jn 6, 60-69
L’évangile que nous venons d’entendre est la toute fin du chapitre 6 de l’évangile selon saint Jean ; et si vous êtes venus à la messe pendant le mois d’août, vous savez que ce chapitre a été lu quasiment en entier depuis le 28 juillet dernier. Jésus a multiplié les pains, Il a fui la foule qui voulait faire de Lui son roi, puis est allé à Capharnaüm avec Ses disciples ; et Il a traversé la mer en marchant ; et là, à la synagogue de Capharnaüm, Il a été pris à parti d’une certaine manière : est-ce vraiment Toi le Messie ? Est-ce que Tu ne pourrais pas nous donner des signes ? Comme si la multiplication des pains n’en était pas un…
I – Scandale pour les juifs
Et Jésus a donné cette parole, qui contient trois choses scandaleuses pour les Juifs ; Il leur a dit « Je suis le Pain de vie », autrement dit, Il se présente Lui-même comme la Parole de Dieu, la Torah, qui signifie pain de vie, la Loi pour les Juifs, cette parole de Dieu, c’est le Pain de vie. Donc Jésus disant « Je suis le pain de vie », autrement dit Je suis la parole de Dieu.
La deuxième chose : Il leur dit : ‘cette parole il faut que vous la mangiez’. Jusque-là, les Juifs ne sont pas trop scandalisés, parce qu’effectivement la Torah, il s’agit de la manger, de la digérer pour se laisser transformer ; mais voici que Jésus ajoute : ce pain de vie que je vous donne à manger c’est ma chair, c’est Mon corps, c’est Mon sang. Et là, la réaction serait de demander s’il faut devenir cannibales. Jésus fait face à la réticence de Ses disciples, des gens qui Le suivaient depuis un an, deux ans… Il ne leur dit pas c’était une façon de parler, vous n’allez pas vraiment manger ma chair et mon sang, revenez. Non, Il leur dit si vous ne croyez pas cela, vous pouvez partir ; parce que c’est vraiment Son corps, Son sang que nous allons manger et boire, et qui nous donneront la vie. Et c’est bien ce qui se passera dans quelques instants.
Chez saint Jean, il n’y a pas le récit du Dernier Repas, mais finalement ce chapitre 6 en tient lieu. Sur ce petit morceau de pain, la parole de Jésus va être prononcée dessus : « Ceci est mon corps », et mystérieusement – cela ne se voit pas avec nos yeux -, ce petit morceau de pain ne sera plus du pain mais le corps du Christ, le vin ne sera plus du vin mais ce sera le sang du Christ. Et c’est l’un des motifs de différence avec les protestants. Ils ne lisent pas le chapitre 6 comme nous ; Jésus dit vraiment une parole scandaleuse, et quand ils s’en vont, Il ne les retient pas, Il leur dit juste : « personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père », c’est une question de foi. Et cette foi ne peut être qu’un cadeau que Dieu nous fait, donc il faut se mettre en position de réception : ouvrir nos cœurs, accepter même ce qui est au-delà de ce que nous pouvons imaginer, ce n’est pas tout à fait humain… Cela nous dépasse ? C’est divin !
II – Scandale pour nous !
Je vais vous dire un petit mot sur la lettre aux Éphésiens, chapitre 5, qui habituellement fait faire un peu « gloups » : on se dit notre bon saint Paul était un peu misogyne. « … et la femme à leur mari, comme à leur Seigneur Jésus, car pour la femme le mari est la tête. » Tous les trois ans, on y a droit : on peut le choisir pour la célébration des mariages, et c’est un texte que le pape François, le pape Benoît ou saint Jean Paul II reprenaient régulièrement pour le commenter. C’est quelque chose qui est vrai aujourd’hui. Relisons-le ensemble un petit peu. D’abord il faut reprendre la première phrase, car si on rate la première phrase, c’est sûr, on ne peut pas comprendre le reste. Saint Paul nous parle d’amour, il nous dit « Frères, et sœurs, par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres. » Cette histoire de soumission, qu’il ne faut pas entendre comme d’autres religions l’entendraient, c’est un acte libre de ma part ; je choisis d’être soumis à vous, et vous, vous choisissez d’être soumis les uns aux autres et à moi. En fait chacun de nous décidons de nous mettre dans une position qui est celle de l’accueil, de la réception, c’est cela, être soumis dans le sens chrétien du terme. Saint Paul ne nous dit pas ‘soumettez les autres’, il nous dit ‘soyez soumis’. Un acte pas évident – on n’aime pas bien être soumis – mais c’est comme être obéissant : cela veut dire ouvrez vos cœurs, ouvrez vos oreilles pour accueillir l’autre tel qu’il est. C’est cela, soyez soumis les uns aux autres. Pourquoi ? Parce que le Christ s’est soumis à chacun de nous, Il nous a accueillis, Il a ouvert la porte de Son cœur pour que nous puissions vivre en Lui.
Puis saint Paul fait une comparaison, entre d’une part, le Christ et l’Église, sur la manière dont le Christ aime l’Église et dont l’Église aime le Christ, et d’autre part, le mariage, l’amour d’un homme pour une femme et d’une femme pour un homme. Et déjà, premier point, le mariage humain est comparé avec l’amour du Christ pour l’humanité. C’est déjà énorme ! Il n’y a pas tant de sociétés, il n’y a même qu’une seule religion qui met le mariage à un tel niveau. On pourrait se dire : quand on entend ça tout devrait bien se passer dans le meilleur des mondes… mais, vous le savez bien, non, le mariage c’est un peu compliqué, et c’est pour ça que saint Paul fait cette comparaison.
Et l’on note une petite différence entre les hommes et les femmes. Dans le cadre de l’Église, le Christ se donne, l’Église reçoit le Christ, et parce qu’elle reçoit le Christ, l’Église, c’est-à-dire nous, devenons capables de nous donner. Nous sommes dans un échange, et c’est le Christ qui commence. Et quand on lit saint Paul, on a l’impression qu’il faudrait que ce soit pareil, que les hommes commencent, et puis les femmes reçoivent, et comme elles reçoivent, elles peuvent à leur tour donner. Mais, vous le savez bien, un certain nombre d’entre vous êtes mariés, d’autres le prévoient certainement, ce n’est pas forcément dans ce sens-là, parfois souvent les femmes commencent, donnent et se donnent. En fait, si jamais les femmes ne se donnaient pas et que les hommes ne recevaient pas, cela ne marcherait pas. Alors on peut poser la question à saint Paul sur ce sujet qui à chaque fois nous fait bondir.
Je crois que saint Paul est un homme de son temps, il nous offre la comparaison entre le mariage du Christ et de l’Église et d’un homme et d’une femme. Dans un mariage, chacun est invité à se donner à l’autre, de la même manière que le Christ se donne tout entier, jusqu’à mourir pour l’autre ! Et chacun des deux partenaires est invité à recevoir l’autre, tel qu’il est, sans vouloir le changer à tout prix.
Moi, ce que je pense, c’est que lorsque saint Paul écrit aux Éphésiens, il a un peu l’expérience des couples, il en connaît quelques-uns, et il voit bien qu’il y a une petite tentation, plus féminine que masculine, de ne pas tout à fait accueillir son mari ‘tel qu’il est’ mais vouloir le changer un peu. Alors saint Paul dit ‘non les femmes : accueillez votre mari tel qu’il est, soyez soumises’. Cela ne veut pas dire qu’il faudrait arrêter de se donner. Quant aux hommes, la tentation, c’est juste l’inverse : accueillir sa femme telle qu’elle est, cela marche bien, mais se fatiguer pour elle, parfois c’est un peu dur. Et du coup saint Paul dit : ‘réveillez-vous, donnez-vous, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Église jusqu’à donner votre vie pour elle’. Alors, ce n’est pas 100% des cas, ce n’est pas tout le monde, ce n’est pas tout le temps, mais il y a peut-être une tentation plus féminine et une tentation plus masculine. En tout cas, c’est comme cela que je l’entends.
Ce texte nous parle du mariage, mais surtout de la relation entre le Christ et l’Église. Le Christ qui a tout donné pour nous, communauté, Église. L’Église, ce sont ceux qui sont appelés : nous sommes appelés, nous avons entendu la cloche peut-être à 17h40 et nous sommes venus, appelés par le Christ. Et ensemble, nous sommes une communauté, nous sommes l‘épouse du Christ. Celle qui voulait se présenter à Lui-même, resplendissante, sans ride, sans tache, Il la voulait sainte et immaculée. Le Christ veut faire de nous son épouse qui Lui ressemble ; alors tout notre travail c’est d’accueillir Jésus dans nos vies. Quelle chance, Il se donne à nous dans l’Eucharistie !
Et alors, puis que nous voulons accueillir Jésus, que nous allons L’accueillir dans quelques instants dans l’Eucharistie, nous pourrons répondre à la question que Josué posait il y a 1100 ans : « choisissez aujourd’hui qui vous vous voulez servir », choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir. Est-ce que vous voulez choisir le Dieu d’amour ? Ou est-ce que vous préférez toutes les idoles que le monde nous propose ? Alors, je vous dis : choisissez – mais je m’adresse à moi-même aussi. Est-ce que nous voulons répondre comme le peuple a répondu en son temps ? Nous aussi, si nous voulons servir notre Seigneur, car c’est Lui qui nous aime, c’est Lui qui nous sauve, c’est Lui qui nous donne le chemin du vrai bonheur et de la vraie joie.