Nul n’est prophète en son pays

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Homélie du 7 juillet ;
14e dimanche de TO, B ;
Par l’abbé Gaël de Breuvand

Cela fait à peu près 5 chapitres qu’on a fait connaissance avec Jésus : là, on est au début du chapitre 6 ; pendant les 5 chapitres précédents, Jésus a enseigné, il a été écouté, il a beaucoup étonné, et il y a eu chez ses auditeurs une perception de la grandeur de Dieu qui s’exprimait par la bouche de Jésus, ou qui transparaissait à travers les actes qu’il faisait. Il y a quelques semaines, la tempête apaisée, les disciples remplis de crainte… « Comment se fait-il que celui-ci puisse commander aux éléments ? » Ils avaient perçu que Dieu agissait en Jésus…Ou bien lorsque Jésus est capable de guérir – la semaine dernière – une femme hémorroïsse ou de ressusciter Talitha, une jeune fille de 12 ans… Donc, oui, toute cette foule est étonnée ; et toute cette foule a le cœur ouvert.

Et voici que Jésus vient chez lui, dans son pays, là où il a grandi : il a été là pendant 30 ans ; et, nous l’avons entendu, il y a bien un étonnement, il y a bien un bousculement, mais il n’y a pas de perception de qui est Jésus… C’est là qu’on se rend compte qu’on est très capable de s’enfermer dans l’habitude : Jésus, quand il nait, est un petit bébé normal, et comme tous les petits bébés normaux, il pleure quand il a faim, il dort quand il a mangé, et de temps en temps il faut lui changer sa couche… comme tous les petits enfants il a appris à marcher, à parler, et il s’est cassé la figure comme tout le monde ! Et quand il a grandi – ah, il sortait un petit peu de l’ordinaire, mais pas tant que ça – il est un enfant, un adolescent normal. Il est le fils du charpentier, il est charpentier lui-même, tout le monde le connaît.

Et quand Jésus commence à enseigner, quand il revient chez lui, eh bien… ‘non, on le connaît par cœur, lui et toute sa famille, on connaît sa mère, on connaît ses frères et sœurs’ ;

vous le savez – c’est un débat qui dure depuis que l’Évangile a été écrit, débat quelquefois ‘sanglant’ avec nos frères protestants – quand on parle de frères ou de sœurs dans l’Évangile, il faut l’entendre au sens de la famille élargie ; et la meilleure preuve, c’est qu’au pied de la croix, il y a Marie, et la sœur de sa mère, qui est mère de Jacques et de Joseph, les deux premiers noms qui sont là…[et à cette époque il n’est pas vraiment question d’avoir deux mères !]

Toujours est-il que Jésus est connu, et que ces nazaréens n’ont pas le cœur ouvert. Ils ne veulent pas se laisser bousculer par quelqu’un qu’ils connaissent trop bien !

C’est là une confirmation – saint Marc y insiste beaucoup – : la foi qui est dans le cœur de l’homme est une condition nécessaire pour que Dieu puisse déployer sa puissance. Et Jésus n’a pas pu accomplir beaucoup de miracles, quelques-uns, mais pas suffisamment… « Et il s’étonnait de leur manque de foi » ; parce que Dieu veut absolument établir une relation, une relation d’amitié et d’amour avec nous ; vous le savez, pour établir une relation d’amitié ou d’amour, il faut être libre : on ne peut pas être contraint à être ami, on ne peut pas être contraint à s’aimer, sinon ce n’est plus de l’amitié, ce n’est plus de l’amour.

Dieu veut donc pour nous le meilleur et pour cela, il nous ‘propose’ son amitié, il ne nous y contraint pas, et donc il ne s’imposera pas : les miracles, les signes qu’il accomplit, il les fait toujours avec notre oui : bien sûr, notre oui, il est tout petit, il est tout faible, mais il faut que ce soit un vrai oui…

Alors, cette difficulté qu’a rencontrée Jésus à Nazareth, dans son propre village, ce n’est pas nouveau… Ezéchiel, déjà, avait eu du mal : « tu iras annoncer la bonne nouvelle à mon peuple, dit Dieu, mais ne t’inquiète pas, ils te recevront mal, ils ne t’écouteront pas, ils fermeront leur cœur, ils fermeront leurs oreilles ; mais il faut que tu y ailles, pour qu’ils sachent qu’un prophète est venu leur parler, pour qu’ils sachent que JE t’ai envoyé, pour qu’ils sachent que JE me soucie d’eux… »  C’est cela, le message de Dieu : ce n’est pas parce que nous n’allons pas écouter Dieu que Dieu ne nous parle pas ! Bien au contraire !  Le Seigneur t’aime, il sème, et viendra un jour où cette semence prendra force, grandira, se déploiera…

Parfois, nous, nous sommes des Ezéchiel, nous sommes peut-être même comme Jésus, peut-être même dans nos propres familles comme Jésus : c’est peut-être là que c’est le plus difficile : être un témoin, témoin de la Bonne Nouvelle de Dieu… Mais ce n’est pas parce que nous ne sommes pas écoutés qu’il faut renoncer, qu’il faudrait s’arrêter ! Non, ne nous lassons pas – attention quand même à ne pas devenir pénibles ! – ne nous lassons pas de témoigner de la joie qu’on a à rencontrer le Christ, chaque dimanche à la messe, témoigner de la joie que l’on a à vivre le sacrement de réconciliation, parce que Dieu nous aime … Cela, c’est important : être des témoins, d’abord, pas des moralisateurs.

Mais ce témoignage-là, Dieu en a besoin : en fait, il NOUS choisit pour être ses collaborateurs, ses coopérateurs, pour que ceux qui sont là, près de nous – nos familles, nos voisins, mais aussi tous ceux qu’on rencontre, en fait – qu’ils entendent dire qu’ils sont AIMÉS ; c’est bien souvent ce qu’ils ignorent ; ils ne le savent pas, ils sont aimés, et ils sont aimés de Dieu, à la folie, et Dieu ne les laissera jamais tomber… Dieu est d’une fidélité sans faille. C’est peut-être d’ailleurs le grand message des lectures d’aujourd’hui : la fidélité de Dieu !

L’amour de Dieu pour nous ne dépend pas de nous : Dieu nous aime, et c’est sans condition ; que je sois quelqu’un de bien, quelqu’un d’intelligent, quelqu’un de beau, ou que je sois moche, que je sois bête, ou que je sois un sale type, Dieu m’aime, sans condition ; et moi, je suis invité à répondre à cet amour, et là, j’ai cette grande liberté : je me pose la question : que faire, Seigneur ? Me tourner vers Toi, ou t’ignorer ? Ça ne change rien du côté de l’amour de Dieu, ça change tout de la manière dont je vis ma vie… Me tourner vers le Seigneur, je pense que c’est la meilleure idée. Et c’est là encore ce dont nous avons à témoigner…

Alors on se tourne vers le Seigneur, et on fait comme saint Paul : Seigneur, ce témoignage, je suis trop petit, je suis trop nul pour le faire ! Et le Seigneur nous dit : « ma grâce te suffit » : ‘je suis avec toi tous les jours jusqu’à la fin des temps ! Je t’aime, et je t’ai choisi pour être un témoin de mon amour, de ma tendresse, de ma parole’.

Alors témoigne, laisse-toi aimer, et aime en retour.