une petite pousse, un grand arbre

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Homélie du 11e dimanche de Temps Ordinaire B, le 16 juin 2024, à l’occasion de premières communions.
Par l’abbé Gaël de Breuvand

Léa, Clémence, Arthur, Solveig, Ombeline, Léonie, Louise, aujourd’hui est un grand jour, puisque vous allez rencontrer le Seigneur !

I – Dieu, qui nous semble loin, se fait tout proche

En rencontrant le Seigneur, la première chose qu’on peut dire, c’est la même chose que saint Paul dans la deuxième lecture : « Malgré tout, nous demeurons loin du Seigneur » ; parce que je pense que vous êtes comme moi : vous n’avez encore jamais rencontré Jésus face à face, vous n’avez encore jamais pu le prendre dans vos bras, vous n’avez pas pu l’embrasser… De fait, Jésus, nous le savons par la foi, Il est là au milieu de nous ; nous le savons par la foi, dans l’Eucharistie Il se donne à nous, mais Il n’est pas très « palpable », quand même… Vous ne l’avez pas entendu parler dans votre oreille – si c’est le cas, dites-le-moi ! –

Le Seigneur vient à notre rencontre, mais Il nous demande d’entrer dans une relation qui est bien particulière, qui est celle d’une confiance en sa Parole. C’est Lui qui nous dit « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » et il faut croire sa parole, même si on ne le voit pas, même si on ne l’entend pas, même si on ne le touche pas… Mais aujourd’hui est un grand jour : pourquoi ? parce que l’Eucharistie que nous allons recevoir, c’est peut-être la manière la plus forte, la plus « palpable » justement, de la présence de Dieu au milieu de nous. C’est Lui qui a dit ces mots « Ceci est MON Corps » sur un petit morceau de pain ; et ce petit morceau de pain, nous le savons, nous le croyons, devient le Corps du Christ, il devient Jésus. Sur le vin, Il dit « Ceci est la coupe de MON sang », et nous le croyons, c’est le Sang de Jésus tout entier qui vient à nous… Et pourtant, ce n’est pas très impressionnant, l’Eucharistie ; lundi, on a encore re-goûté l’hostie, ce n’est pas très impressionnant, hein : un petit morceau de pain, même pas très bon, parfois un peu sec : il y a juste un peu de farine et un peu d’eau…Et pourtant, c’est Jésus tout entier qui vient à notre rencontre ! Et cette petitesse de la présence de Dieu, elle nous est donnée à la fois dans la première lecture, du livre d’Ezéchiel, et à la fois dans l’Évangile.

II – Laisser Jésus se déployer en nous

Dans la première lecture, c’est Dieu qui parle : il dit « il y a un grand arbre » or c’est une parabole, donc il veut nous donner des indices ; en fait, qu’est-ce que c’est que ce grand arbre dont parle Dieu ? Ce grand arbre, c’est le peuple d’Israël, c’est tous ceux qui, au cours des âges, longtemps avant Jésus, ont écouté la Parole de Dieu et ont choisi d’être en alliance avec Dieu. Ah, ils n’y sont pas toujours arrivés…mais ils ont quand même fait ce choix ; et Dieu dit « tout en haut de cet arbre, qui est déjà grand, je prendrai une toute petite pousse ; et cette toute petite pousse, je la planterai, je la mettrai en haut d’une haute montagne, et elle deviendra un grand arbre » ; eh bien, cette toute petite pousse, c’est Jésus : Dieu veut planter Jésus dans notre cœur, dans notre communauté, dans nos familles, dans notre monde. Dieu veut planter la pousse « Jésus » en nous, au milieu de nous, de telle sorte que cette pousse devienne un grand arbre, qui abrite tant de petits oiseaux et de petits animaux… qu’elle fasse de l’ombre : un bel arbre !

Dans quelques instants vous allez recevoir l’Eucharistie ; vous pouvez la recevoir parce que vous avez été baptisés : lorsque vous avez été baptisés, Jésus a été « planté » dans votre cœur ; et tout le travail de notre vie, c’est de le laisser se déployer, de le laisser sortir de nous…

C’est un travail qui n’est pas si facile que ça ! C’est bien pour ça que nous allons communier tout à l’heure, parce qu’en recevant encore une fois Jésus dans l’Eucharistie, c’est comme si on mettait de l’engrais sur notre cœur, pour que cet arbre puisse vraiment se déployer, que nous soyons nous-mêmes – une expression que vous connaissez bien – des donneurs de joie. Nous recevons Jésus qui nous donne la joie, mais cette joie-là est faite pour que nous débordions, que la joie se répande sur tous ceux que nous rencontrons. Parce que c’est ça, la mission du chrétien !

III – Accueillir Jésus pour être relais de son amour

Quand il y a un chrétien quelque part, normalement – ça devrait, mais on n’y arrive pas toujours ! – le monde doit aller un peu mieux. Ce n’est pas si facile, parce que ça veut dire qu’il faut aimer, ça veut dire qu’il faut vouloir concrètement la joie et le bonheur de celui qui est là près de nous… Il y a des moments où on n’a pas envie, surtout quand le frère est pénible, ou quand la sœur est insupportable ; et pour les adultes, par exemple quand on conduit, on a du mal à aimer les autres conducteurs : pas vous ? Et pourtant il s’agit d’aimer : c’est ça l’enjeu de notre vie : Dieu veut le bonheur de chaque homme, et il nous a choisis, – il vous a choisis, vous ! – il nous a tous choisis personnellement pour être, à notre niveau, des producteurs de bonheur.

On n’y arrive pas tout seuls… Et c’est bien pour cela que Jésus se donne, c’est bien pour ça que nous sommes invités à le rencontrer souvent. Comment rencontre-t-on Jésus ? On le rencontre dans la prière, on le rencontre en écoutant sa parole, et on le rencontre en vivant les sacrements : lundi vous avez vécu le sacrement de réconciliation, Dieu vous pardonne, Jésus vient habiter votre cœur, on va recevoir l’eucharistie, Dieu vous aime et vient habiter votre cœur ; un jour vous recevrez le sacrement du mariage, ou le sacrement de l’ordre, ou le sacrement des malades, Dieu viendra habiter votre cœur. Le prochain sacrement – j’espère, normalement c’est dans cet ordre – ce sera le sacrement de confirmation, encore une fois Dieu vient habiter votre cœur : il s’agit que nous soyons habités par Jésus, pour que nous soyons, là où nous sommes, des porteurs, des donneurs de joie.

On nous dit que, quand il vient à notre rencontre, Jésus se fait tout petit, sous l’apparence d’un petit morceau de pain, et pourtant c’est Dieu tout entier… Eh bien c’est un peu le cœur des deux paraboles que Jésus nous donne : quand un homme jette en terre la semence, est-ce qu’on voit quelque chose ? vous avez déjà vu pousser une graine de cresson ou quelque chose comme ça ? Ce n’est pas très visible, ce n’est pas très impressionnant, il n’y a rien, rien ne change, si on regarde tous les jours on a l’impression que rien n’a changé depuis hier, et pourtant, si on regarde le début et la fin, tout a changé ! on avait une petite graine qui semblait morte, et on a une petite pousse qui est très vivante ! C’est ce que veut faire Dieu dans nos cœurs. Aujourd’hui, Il se donne : peut-être que vous aurez l’impression que rien ne change, que rien ne bouge ; mais en fait, c’est Lui qui travaille, c’est Lui qui change votre cœur, pour que vous soyez avec Lui des donneurs et des porteurs de joie, pour que vous soyez avec Lui, un grand arbre qui protègera tous ceux qui passeront.

Aujourd’hui, pour beaucoup d’entre nous ce ne sera pas la « première » communion ; mais je vais vous redire ce que disait Mère Teresa à tous les prêtres qui passaient dans les communautés pour célébrer la Messe : « mon Père, lorsque vous célébrez la Messe, célébrez-la comme si c’était la première fois, célébrez-la comme si c’était la dernière fois, célébrez-la comme si c’était la seule fois… Eh bien cet appel s’adresse en réalité à nous tous : quand vous participez à la messe, quand vous vivez la communion, vivez-la comme si  c’était la première fois, comme si c’était la dernière fois, comme si c’était la seule fois… Parce que c’est le moment le plus important de notre vie : Jésus vient, tout doucement, tout délicatement, Il vient habiter notre cœur pour nous remplir de joie, et que cette joie déborde de nous.