Homélie 9 juin 2024
par l’abbé Gaël de Breuvand
Os 11, 1.3-4.8c-9 ; Is 12 ; Ep 3, 8-12.14-19 ; Jn 19, 31-37
I – Le dévoilement progressif de la tendresse de Dieu
La Première Lecture est tirée du Livre d’Osée. Ce livre est rédigé autour de 700 ans avant Jésus. Chaque fois qu’un prophète prend la parole, c’est pour dévoiler quelque chose de nouveau sur qui est Dieu ; parce que, vous l’avez peut-être remarqué, Dieu, on ne Le voit pas, on ne L’entend pas avec nos oreilles, on ne peut pas Le toucher ni Le comprendre. Alors, il faut que ce soit Lui, par l’intermédiaire de prophètes, qui dise qui Il est. Nous, dans l’ordre naturel, quand nous pensons Dieu, nous Le voyons loin… Et puis, quand on se dit que malgré tout Il s’intéresse à nous, on L’imagine très vite comme quelqu’un qui nous mettrait des bons points et des mauvais points…
Finalement, ce qu’Osée vient de déclarer, c’est que Dieu n’est pas comme ça. Dieu se présente comme Celui qui aime, et qui aime son peuple : « Oui j’ai aimé Israël mon peuple, depuis l’enfance », ‘Je lui ai tout donné, Je lui ai même appris à marcher et à parler, Je suis comme une mère pour lui’. C’est ce que nous dit Dieu : « Je traite mon peuple comme un nourrisson qu’on soulève tout contre sa joue. » Il y a quelques parents assemblés ici, vous voyez de quoi on parle : d’un « peau à peau » … Le Seigneur se dévoile comme un père, une mère aimante. Alors que nous l’imaginons punissant, Lui vient nous dire : non ce n’est pas ma méthode. « Je ne viens pas pour exterminer ».
II – accueillir le don de l’amour de Dieu
Avec ce texte, écrit 700 ans avant J.-C., on a les prémices de cette bonne nouvelle de la Bible : Dieu nous aime à la folie, et sans condition. Cette bonne nouvelle, il va nous falloir attendre Jésus pour la recevoir et pouvoir la comprendre. Et même, il va falloir Jésus, et toute Sa vie, y compris sa mort et Sa résurrection, y compris l’Esprit Saint, pour recevoir cette merveilleuse nouvelle : Dieu nous aime. C’est ce que dit saint Paul dans la Deuxième Lecture « Que le Christ habite en vos cœurs par la foi ». Lorsque nous baptisons vos enfants, lorsque nous avons été baptisés, une première question a été posée, « Que demandez-vous à l’église ? » Et une réponse a été donnée : la foi, « la foi qui donne la vie éternelle » : la foi c’est cette connexion avec Dieu, stable, qui nous permet d’être en relation avec Lui, de L’accueillir dans nos vies, de Lui parler de nous faire entendre de Lui.
Alors, quand le Christ habite en nos cœurs par la foi, il s’agit de rester enracinés dans l’amour – c’est saint Paul encore – enracinés dans l’amour, établis dans l’amour, parce que c’est la seule qui compte : être enraciné dans l’amour, être établi dans l’amour, c’est se laisser aimer par Dieu, qui nous aime. Et c’est l’aimer en retour. Et alors là saint Paul n’a plus de mots : « alors vous serez capables de comprendre avec tous les fidèles, quelle est la largeur, la hauteur, la profondeur… » Il y a trois points de suspension, il ne sait plus quoi dire…
Mais de quoi parle-t-on ? Connaître ce qui surpasse toute connaissance, c’est l’amour du Christ. Voilà le mystère de la vie chrétienne : être chrétien, c’est accepter de se laisser aimer, même si, nous-mêmes, nous ne nous trouvons pas très aimables ! C’est accepter – et c’est peut-être pour nous le plus grand combat – d’aimer même ceux qui ne sont pas très aimables. Vivre d’amour. C’est la seule manière d’être comblés et réussir nos vies. Une vie réussie, ce n’est pas une vie avec du succès, de l’argent, de la célébrité, je ne sais ; non, une vie réussie, c’est une vie où l’on aime, et où l’on est aimé.
III – A la source de l’Amour…
Et le cœur, la source de cet amour nous est dévoilée dans l’évangile. Il se trouve que je viens de passer la semaine avec des collégiens à Lourdes. Vous le savez, là-bas, il y a une grotte, et au fond il y a une source. Lorsque cette source a été découverte, c’est Bernadette qui l’a trouvée, sur ordre de la Sainte Vierge, Marie – à l’époque on ne savait pas que c’était Marie – la Belle Dame a dit à Bernadette « approchez-vous, venez boire à la source et vous y laver. » À l’époque il y avait une rivière donc Bernadette se dit que c’est la rivière et s’y dirige, mais Marie l’arrête et lui dit « va boire à la source » et lui montre le fond de la grotte. Et Bernadette s’approche, il n’y a pas de source, alors elle creuse un peu la terre, et puis voilà que cette terre devient humide, et une eau coule. Elle va y boire… Alors cela va dégoûter tout le monde, car cette eau qui sort est un peu boueuse ; mais le temps passe, une journée, deux journées, et ensuite c’est une eau claire qui va jaillir. Pourquoi est-ce que je nous envoie à Lourdes ? Eh bien parce que la source représente l’amour de Dieu qui doit jaillir dans nos cœurs, et il s’agit que nous fassions comme Bernadette et que nous grattions au fond de nos cœurs, parce que Dieu est là. Nous avons été baptisés, la connexion est établie, la foi est donnée, la source est implantée dans nos cœurs, alors allons gratter un peu ! Et peut-être qu’en grattant – c’est même sûr ! – une source jaillira. Mais, dans un premier temps, elle sera un peu boueuse, car la première chose que l’on voit en entrant en relation avec Dieu, lorsqu’on regarde Dieu, c’est à quel point nous ne sommes pas à la hauteur, à quel point nous manquons d’amour… Il s’agit de persévérer et d’accueillir cet amour dans nos vies pour être purifiés, pour être lavés : c’est tout le texte du psaume, qui nous le disait.
IV – … c’est le Cœur de Jésus
Cette source qui nous a été présentée dans l’Évangile, en réalité, c’est Jésus Lui-même. Jésus qui est venu habiter au milieu de nous ; Jésus est un petit enfant, comme tous les petits bébés, Il pleure, Il a faim, Il a besoin de dormir, Il fait aussi dans sa couche. Mais ce petit enfant est aussi le Fils de Dieu, et ça nous dépasse complètement ! Ce petit enfant va apprendre à marcher, à parler, à avoir un métier, à lire, à prier, Et puis voilà qu’à trente ans, Il va partir pour enseigner sur les chemins. Et Il annonce que Dieu veut habiter au milieu de nous : Dieu veut habiter nos cœurs… En fait, cela ne change pas beaucoup de toute la Bible qui avait été donnée avant. Mais, ce coup-ci, c’est Dieu lui-même qui parle en Jésus. Et Jésus veut nous montrer que l’amour est vainqueur. Et cela dérange ! Dans un système social quelconque, y compris le nôtre – là, c’était chez les Romains au premier siècle, mais soyons sûrs que c’est vrai au XXIe siècle – quand nous nous voulons affirmer et nous voulons vivre vraiment dans l’amour, et quand nous voulons exprimer que seul l’amour compte et que nous vivons en cohérence avec cela, soyez sûrs que cela dérange : Jésus est par excellence celui qui dérange, et on va le juger, on va le condamner à la Croix ; et Il meurt sur la Croix. Sur cette Croix, Il va nous manifester que l’amour est encore vainqueur, Il s’adresse au bandit à côté de Lui « Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le Paradis. » Il parle de la foule qui est là : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Il s‘adresse à nous, aussi à sa mère « Femme, voici ton fils, voici ta mère », nous sommes invités à accueillir Marie, chez nous ; donc Il pense à nous. Il nous aime. Et Il rend l’Esprit. Une fois qu’Il est mort, on n’aura pas besoin de L’achever, de Lui casser les jambes, il s’agira juste de s’assurer qu’Il est bien mort, on Lui transperce le côté. Et là, on a un petit détail qui signifie vraiment que celui qui raconte était là. Parce que moi, tout comme vous, je pense, si on me dit qu’on lui a percé le cœur, je pense qu’il va en sortir du sang. Or le témoin dit : on lui a percé le cœur, et « il en est sorti du sang et de l’eau ». Et c’est une preuve, parce que lorsqu’on est sur la Croix, on meurt asphyxié et les poumons se remplissent d’eau. Et lorsqu’on perce et qu’on atteint le cœur, l’eau et le sang sortent ensemble. Alors pourquoi raconter cela, pourquoi faire de la médecine comme cela ? Il y a aussi une charge symbolique très forte. Ce sang et cette eau, c’est la vie que Jésus nous donne. Le jour du baptême, c’est ce sang et cette eau qui sont dispensés sur chacun de nous. Cette eau qui fait penser évidemment au baptême, ce sang fait évidemment penser à l’Eucharistie ; c’est Jésus qui est la source de l’amour que nous cherchons, la source de la vraie joie et du vrai bonheur.
Tout ce que je viens de vous dire, c’est la foi chrétienne ; mais nous, chrétiens, nous avons un problème, on a du mal être en cohérence, à être vraiment ajustés. Il nous arrive tant de fois de nous éloigner de ce qui est bien, de ce qui est bon, de ce qui est beau, de ce qui est vrai ! Alors le Seigneur revient vers nous ; dans les années 1640 à Paray-le-Monial, une petite religieuse a eu une apparition, elle a vu Jésus qui lui a montré Son cœur : un cœur brûlant d’amour, c’est la représentation qui est là sur le vitrail central : Jésus qui nous montre Son cœur et nous rappelle à quel point Il nous aime, et qui nous dit : « Voici ce cœur qui a tant aimé les hommes et qui a reçu qu’indifférence en retour ».
C’est un appel. Encore une fois, Jésus veut nous bousculer, il s’agit de nous convertir ; ne soyons pas indifférents, mais choisissons d’aimer à la manière de Dieu, en aimant Dieu lui-même et en aimant notre prochain, comme le Seigneur nous l’a enseigné.