Le « commandement » de l’amour

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Ac 10, 25-26.34-35.44-48 ; ps 97 ; 1Jn4, 7-10 ; Jn 15, 9-17

Homélie du 6e dimanche de Pâques, 5 mai 2024,
à l’occasion de premières communions, de l’entrée en catéchuménat de Lény et Luc, de l’admission à la pleine communion de l’Église Catholique de Viktoria,
par l’abbé Gaël de Breuvand

Les choses tombent très bien : il y a une sorte de heureux hasard – ou peut-être c’était le projet de Dieu – c’est d’entendre ces textes-là aujourd’hui ; parce que la Deuxième Lecture en particulier, c’est généralement le texte que j’utilise pour parler de Dieu à quelqu’un qui n’en a pas entendu parler. Parce que nous, nous sommes chrétiens et, de fait, lorsqu’on a entendu ce texte, cela ne nous a pas choqués. Rien de surprenant : « Aimons-nous les uns les autres », c’est une phrase de chrétien, quand même ; « Dieu nous a donné Son Fils pour nous », ça aussi on le sait, « Dieu est amour », une évidence…

I – « Dieu est amour, l’originalité chrétienne

Mais quand on dit « Dieu est amour », vous le savez – ou non – c’est tout sauf une évidence, à tel point que dans une Bible qui fait 2000 pages, cela arrive à la page 15… avant la fin ! Il a fallu 1885 pages avant d’arriver à dire « Dieu est amour » ; toute l’histoire biblique veut nous conduire à cette petite parole, à ces trois mots-là : « Dieu est amour ». Ce n’est pas si évident, car il n’y a qu’une seule religion au monde qui dise « Dieu est amour », cela n’existe nulle part ailleurs. Pour plusieurs raisons ; la première, c’est que si on dit « Dieu est amour », cela veut dire que Dieu nous aime, et aussi que Dieu aime. Et quand on dit Dieu est amour, c’est donc que Dieu aime, et pour aimer, la première condition c’est qu’il faut être « quelqu’un ». Dieu est quelqu’un. Quelqu’un avec qui on peut entrer en relation. Il y a plein de religions dans le monde qui ne pensent pas que Dieu soit quelqu’un ; pour eux Dieu est plutôt une énergie, une force. Mais pour nous, Dieu est « quelqu’un ». C’est la première chose. La deuxième, non moins étonnante, c’est qu’on dit que Dieu « est » amour : Son être, c’est l’amour. Il est plus facile de croire que l’amour est une qualité, et pour nous bien souvent ça l’est : j’ai de l’amour pour toi, toi, je t’aime, mais toi, bof. C’est quelque chose que j’ai, ou non et, finalement, cela ne change pas grand-chose pour moi. Bien souvent, quand on va voir les autres religions, Dieu peut « avoir » de l’amour, mais s’Il n’aime pas, ce n’est pas grave, c’est toujours Dieu… En Islam, par exemple, on peut dire que Dieu t’aime parce que tu es sage, mais si tu ne l’es pas, il ne t’aimera plus. Il y en a certains qu’il ne peut pas aimer, de toutes façons. Pour nous chrétiens, Dieu « est amour », il n’y a pas un moment où Dieu n’aime pas. Même si moi je n’en ai rien à faire de Dieu, même si je fais n’importe quoi de ma vie, Dieu m’aime. Dieu m’aime, c’est une bonne nouvelle !

II – Jésus, Dieu parmi nous

Et finalement toute la Bible vient arriver à ces trois mots, et on les dit uniquement parce qu’on a rencontré Jésus. Parce que Jésus est venu nous le dire, nous le redire, nous le répéter. Il est même venu nous dire la raison pour laquelle il faut Le croire. Si on pense que Dieu est unique et seul, on pense à un moment ou à un autre qu’il y a un moment où Il était seul ; or pour aimer, il faut être plusieurs. Du coup, dans les religions où Dieu est monolithique, un seul Dieu comme un rocher, Dieu ne peut pas s’aimer Lui-même ;

Mais Jésus est venu, et Il nous l’a dévoilé. Si Dieu est bien unique, Il n’est pas seul comme un rocher, Il est plutôt un seul comme un tourbillon, où le Père se donne tout entier, où le Fils reçoit le cadeau du Père, et comme le Père donne tout, le Fils reçoit tout ; le Père et le Fils, c’est bien un seul Dieu, mais le Père aime le Fils et le Fils aime le Père. Et le cadeau que le Père fait au Fils, c’est l’Esprit Saint. Comment est-ce que cela nous amène à l’Eucharistie, à cette première communion que vous allez vivre ? Le Fils est venu habiter pami nous, Il est venu se faire homme, et Lui, Fils de Dieu, Il a pris un peu de pain, vous le savez, et sur ce pain, Il a dit une parole : « Ceci est Mon Corps », Il a pris du vin et sur ce vin Il a dit « Ceci est mon sang », et comme Il est Fils de Dieu, cette parole s’accomplit, elle est efficace ; tout comme le jour où vous avez été baptisés, vous avez été plongés dans l’amour de Dieu, et cela a été efficace, et vous êtes devenus enfants de Dieu, et cela a été efficace. Et, du coup, ce petit morceau de pain devient le Corps du Christ, ce vin devient le Sang du Christ. Et ce n’est pas juste une façon de parler, on ne le voit pas avec nos yeux, cela a toujours l’aspect du pain, cela a toujours le goût du pain, on est d’accord, un pain qui n’est pas très bon d’ailleurs, le vin est meilleur ; mais c’est le Corps du Christ, c’est le Sang du Christ. C’est objectif, cela ne dépend pas de nous, parce que c’est un choix de Dieu, de la même manière qu’Il nous aime, mais cela ne dépend pas de nous. De même, que Sa parole soit efficace, cela ne dépend pas de nous ; à partir du moment où un prêtre célèbre la messe, cela advient. Et lorsque je mange l’hostie, ce n’est pas un petit morceau de pain que je mange, c’est le Corps du Christ, et à ce moment-là je deviens moi-même un peu plus Christ, un peu plus chrétien, l’amour de Dieu vient ; c’est comme si on rajoutait un peu d’énergie nucléaire dans une centrale, cela se met à rayonner.

III – Répondre à l’amour de Dieu

En revanche, ce qui dépend de nous, c’est la réponse. Dieu m’aime, Dieu vous aime, chacun de vous, personnellement, vous êtes aimés, depuis toujours, depuis toute éternité, Luc et Lény sont aimés, Viktoria est aimée, chacun de nous est une perle précieuse pour le Seigneur. Chacun des enfants qui vont être baptisés dans les semaines prochaines, parce que leurs parents sont ici, est aimé, et ce depuis leur création et même avant l’instant de leur création car Dieu les a dans Son cœur depuis toujours. Ils sont aimés. Ce qui dépend de nous c’est la réponse à cet amour. Est-ce que nous allons écouter ce que dit Dieu, est-ce que nous allons répondre à ce que demande le Christ ?

Et je vais conclure avec cela ; car c’est un peu étonnant : « Je vous donne un commandement nouveau, mon commandement, le voici : aimez-vous les uns les autres, comme Je vous ai aimés. » C’est un commandement ; ce n’est pas un conseil, ce n’est pas un « ça serait bien aussi », non c’est un commandement, cela veut dire que c’est quelque chose que nous pouvons décider, alors que pour nous, dans notre culture, la tendance actuelle, c’est plutôt de penser que l’amour ne se commande pas, que l’amour c’est un sentiment. Ce n’est pas ce que dit Jésus, le sentiment existe, et c’est bien, car il a été créé par Dieu ; mais l’amour, le vrai, c’est un choix, c’est une décision. « Aujourd’hui, je suis là pour ta joie et ton bonheur », c’est cela, aimer. Et Jésus nous dit « C’est un commandement que je vous donne : aimez-vous les uns les autres » Et de fait, si on décidait de suivre ce commandement en vérité, le monde irait certainement mieux. Mais c’est difficile de décider cela, sans compter que Jésus en rajoute après : Il nous fait un commandement « aimez vos ennemis », cela vous parle ? En avez-vous envie ? Pas vraiment et pourtant c’est un commandement de Jésus. Il ne nous dit pas « si vous voulez, aimez vos ennemis », non « aimez vos ennemis ». C’est un peu dur pour nous, la marche est peut-être un peu haute, mais le Seigneur le sait bien…

C’est pour cela qu’Il se donne à nous dans l’Eucharistie, c’est pour cela qu’Il nous invite à Le rencontrer souvent, dans la prière, dans le sacrement de réconciliation que vous avez reçu hier, dans l’Eucharistie, évidemment ; Il nous donne Son amour, Sa joie, Sa force. Pour que nous soyons des porteurs de joie, des donneurs de joie là où nous sommes. Jésus est le soleil qui rayonne de l’amour de Dieu et nous sommes invités à être des annexes de ce soleil-là. Alors, au cours de cette messe, prenons le temps de nous laisser aimer, et d’aimer en retour, aimer Dieu, aimer nos frères, aimer mêmes nos ennemis, parce que c’est un commandement : « Aimez-vous les uns les autres comme Je vous ai aimés. »