La trinité, c’est Dieu qui aime

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Homélie du dimanche de la Sainte Trinité,
le 26 mai 2024, par l’abbé Gaël de Breuvand

I – Objections !

Aujourd’hui, fête de la Sainte Trinité : et face à ce terme, il nous vient trois objections.
La première, que l’on entend parfois, c’est qu’on ne trouve pas ce terme dans la Bible. Effectivement, le mot n’existe pas dans la Bible, on n’a pas Jésus qui nous dit : je vais vous parler de la Trinité : on y reviendra.
Deuxième objection, les chrétiens se compliquent un peu la vie : un seul Dieu, trois personnes, pas une seule personne mais trois, pas trois dieux mais un seul … un “seul Dieu, un seul Dieu”, ne serait-ce pas plus simple que 1=3 ? On y reviendra aussi.
Et enfin, la troisième objection : c’est de dire un seul Dieu, d’accord, mais chaque fois que Dieu nous parle, Il prend un masque différent : de temps en temps, Il nous parle comme un père, et puis, de temps en temps, Il nous parle comme un Sauveur, comme un frère et, de temps en temps, Il nous parle comme l’Esprit Saint, mais, en fin de compte, c’est une façon de parler, un seul Dieu, trois masques…  

II – Dieu Trinité = Dieu amour

La première objection : « Trinité », oui, le mot n’est pas dans l’Évangile. Mais Jésus nous parle de Dieu comme Son Père, et Lui se présente à nous comme Fils du Père et Il dit « Le Fils ». Il aussi « le Père et Moi nous sommes un ». Donc on touche du doigt le fait qu’il y a une relation entre le Père et Jésus qui dépasse notre imagination et ce qu’on peut penser. Et Il va continuer en parlant de l’Esprit, en disant qu’Il L’a reçu du Père et qu’Il veut nous Le donner. Donc, si on n’a pas le mot « Trinité », on a bien cette idée forte d’un Dieu unique en trois Personnes.
Alors, comment entrer dans cette idée ? Pourquoi est-ce que l’on se complique la vie comme cela ? Quand on regarde l’Ancien Testament, quand Dieu s’approche d’Abraham et lui dit « Je suis ton Dieu, Je vais prendre soin de toi », Il ne nous complique pas la vie avec cette histoire de Fils et de Saint Esprit !
Mais c’est là qu’il faut avancer, avancer à la toute fin de la Bible. Dans une Bible classique, il y a environ 2000 pages ; mais là on va quinze pages avant la fin. On a la lettre de saint Jean, c’est l’un des tout derniers textes à avoir été écrits. (La Bible est écrite entre l’an 1000 avant J.-C. et l’an 100 après J.-C. Cette première lettre de saint Jean est écrite vers la toute fin.) Et là, saint Jean nous dit trois mots, que l’on connaît par cœur : « Dieu est Amour. » Et cela arrive tard, – car c’est la première fois dans la Bible que l’on trouve ces trois mots : « Dieu est amour » ne vient que 15 pages avant la fin de 2000 pages, avant cela on ne l’avait pas dit ! On s’en était approché, on nous avait dit que Dieu nous aimait comme un Père, comme un frère, comme un fiancé même, mais dire « Dieu est amour »… On ne s’en rend pas compte, car nous sommes des vieux chrétiens, habitués, mais c’est une bombe nucléaire, cette histoire, car il n’y a que les chrétiens qui disent cela !

« Dieu est amour », cela veut dire que Dieu est quelqu’un. Dans les religions qu’on trouve dans le monde, en Extrême-Orient, par exemple, la divinité n’est pas quelqu’un : elle est une force, une énergie, quelque chose de positif, mais ce n’est pas quelqu’un. Pour nous, Dieu est quelqu’un, quelqu’un qui aime. C’est la première idée.
La deuxième idée, c’est que Dieu, ce n’est pas simplement quelqu’un qui t’aime et puis, quand tu n’es pas sage, Il ne t’aime plus : non, « Dieu est amour », il n’y a pas un moment où Il n’aime pas. Donc, même si tu n’es pas sage, Dieu t’aime. Pas d’exception, même si je fais n’importe quoi de ma vie, Dieu m’aime ; cela ne veut pas forcément dire qu’Il aime ce que je fais ! Mais Il m’aime, je suis depuis toujours Sa perle précieuse.

III – Périchorèse divine

Mais dire ‘Dieu est amour’ cela pose un problème. C’est bien pour cela qu’en Islam, on ne dit pas « Dieu est amour », au mieux on dira « Dieu a de l’amour », comme une qualité, quelque chose qu’il peut avoir ou ne pas avoir, cela ne change rien pour Lui. Pour les chrétiens, si « Dieu est amour », je ne peux pas lui enlever l’amour, sinon Il n’est plus Dieu. Et cela pose problème… car à un moment Dieu était seul, au moment où il n’y avait rien d’autre que Lui : est-ce qu’on peut aimer quand on est seul ? Non, pour aimer il faut quelqu’un qui donne et quelqu’un qui reçoit ; et c’est là que nous faisons la connexion : Dieu Trinité, c’est Dieu, un seul Dieu, une seule réalité, ce Dieu qui se donne, et Il aime à la manière de Dieu, donc Il donne tout, Il ne retient rien. Nous, humains, quand on aime, on en garde un peu pour nous, mais Lui donne tout ; et ce fait de donner, cela-même Le caractérise comme Père. Et Il donne quoi, et à qui ? Il se donne tout entier, mais à qui ? À Dieu, Fils, qui se caractérise parce qu’Il reçoit. Le Père se donne, et le Fils reçoit tout lui-même, le Fils reçoit quoi ? tout ce que donne le Père, donc entre le Père et le Fils, il n’y a pas de différence, c‘est bien la même réalité, c’est un seul Dieu, Dieu qui donne et Dieu qui reçoit ; et l’Esprit Saint, c’est Dieu qui est donné, c’est le cadeau que le Père fait au Fils ; donc il n’y a pas de différence entre Père, Fils et Esprit : Dieu ! Et là on pense qu’il y a un tourbillon, un échange permanent d’amour, un amour donné, un amour reçu, un amour cadeau, tourbillon… En grec, le mot savant pour dire « tourbillon » c’est « périchorèse », « Chorè » comme dans « chorégraphie », la danse. La « périchorèse », c’est la danse de Dieu entre Père et Fils et Saint Esprit.

Et là, on vient d’entendre le dernier mot de Jésus dans l’Évangile selon saint Matthieu, « Allez de toutes les nations, faites des disciples, baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. » « Baptiser », cela veut dire « plonger ». Plongez-les dans la danse de Dieu ! C’est ça être baptisé, c’est cela être chrétien, c’est entrer dans la danse divine ! C’est un beau projet, non ? Les chrétiens se compliquent la vie, peut-être, avec cette histoire de Trinité, mais c’est la condition nécessaire pour pouvoir penser que Dieu est Amour. Si Dieu n’était pas Trinité, Il ne pourrait pas être Amour, ce serait juste une qualité pour Lui qu’Il pourrait avoir ou ne pas avoir.

Une dernière objection est de penser que l’on est polythéiste : vous croyez en plusieurs dieux, regardez : le Père, le Fils et la Sainte Vierge ! [D’abord, c’est le Saint Esprit et non la Sainte Vierge, et c’est un seul Dieu]. C’est d’ailleurs Jésus qui nous le redit lorsque le scribe pose la question : « Quel est le plus grand commandement ? » Jésus répond « Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est Un, et tu l’aimeras de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit, et tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Notre Dieu est Un, empli d’amour, donc tellement Un qu’Il est trois, et qu’Il veut nous faire entrer dans cet amour-là ; il s’agit que nous nous tournions vers Lui, que nous L’accueillions, que nous nous laissions transformer pour danser avec Lui, toute notre vie, toute notre éternité.

IV – Prier dans la Trinité

Chaque fois que nous commençons une prière, comme nous l’avons fait au début de la messe, nous commençons par ce petit geste « Au Nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit ». Vous le savez, c’est une profession de foi, parce qu’en disant « Au Nom », un seul nom, Celui du Père et du Fils et du Saint Esprit, un seul nom, nous disons « Dieu est Amour ». Et nous le proclamons, c’est pour cela qu’il faut le dire souvent, et il faut le dire bien, car c’est déjà une prière. « Dieu est Amour », « Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ». En faisant le geste, ce signe de la Croix, c’est l’amour de Dieu pour nous : nous sommes enveloppés, plongés dans cet amour de Dieu.

Alors, nous sommes invités à nous convertir. Lorsque nous faisons un signe de la Croix, faisons-en un acte réfléchi, un acte d’amour.
 Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, amen.