Homélie du dimanche 12 mai 2024, par l’abbé Gaël de Breuvand,
7e dimanche de Pâques – B
I – En retraite pour accueillir le don de Dieu
Dimanche entre l’Ascension et la Pentecôte : avec les apôtres, nous sommes dans l’attente du cadeau que le Christ a promis : « Le Père vous enverra une force, celle de l’Esprit Saint. » Regardons les apôtres, que font-ils ? Ils sont réunis dans cette attente de l’Esprit Saint, ils n’attendent pas seuls dans leur coin, ils sont ensemble. Ils sont présents, il y a les douze, ainsi que la Vierge Marie, de saintes femmes, et il y a aussi d’autres disciples. Et quand on dit d’autres disciples, cela fait même une foule, car ils sont nombreux : ils sont environ 120 ! Mais ils ne sont pas en stase, ils n’ont pas tout arrêté, la vie continue. Le Christ est monté aux cieux, Il a disparu à leurs yeux ; mais à la différence du moment où ils ont cru Jésus mort définitivement, ce coup-ci, l’espérance est bien présente dans leurs cœurs. La dernière fois, il y a 40 jours, ils s’étaient cachés dans le Cénacle, ils avaient verrouillé les portes par peur des Juifs, ils craignaient de se faire éliminer comme le Maître l’avait été. Là, Jésus est monté aux cieux, ils sont à Jérusalem, ils sont au Cénacle, mais ce n’est pas la peur qui domine.
Non, bien au contraire, ils sont déjà en train de s’organiser pour la suite, et c’est ainsi qu’ils appellent un remplaçant pour Judas. « Judas était l’un de nous et avait reçu sa part de ministère, il faut que quelqu’un prenne sa place. » D’ailleurs, les conditions pour trouver un successeur sont celles-ci : qu’il ait suivi Jésus depuis le commencement, qu’il ait été témoin de tout ce qu’a fait Jésus. Il n’y a pas que les douze qui ont suivi Jésus pendant les trois ans, il y en a d’autres. Ils ont choisi Matthias, avec l’aide de l’Esprit Saint : deux ont été distingués – « ces deux-là sont des bons témoins, ils sont représentatifs » – et on tire au sort en invoquant l’Esprit-Saint, et l’Esprit-Saint désigne Matthias. Il est associé. [Du coup, les douze apôtres deviennent treize et, on le sait, il y en a deux autres qui vont recevoir le titre d’apôtre : c’est Paul, qui lui, sera appelé plus tard encore, et puis Barnabé, qu’on appelle apôtre, les 12 apôtres sont donc 15]. Ils attendent, mais c’est une attente active, ils prient, et ils demandent l’Esprit-Saint.
II – La mission du Christ, continuée par l’Église
Jésus leur a fait la promesse de l’Esprit Saint, donc pourquoi ont-ils besoin de Le demander ? Parce que, pour nous qui sommes humains, lorsque nous demandons, cela nous ouvre le cœur. C’est un message de Jésus. « Demandez, vous recevrez ». Pourquoi demander ? Tu sais tellement mieux que nous de ce dont nous avons besoin… « Demandez, vous recevrez », car quand vous demandez, votre cœur s’ouvre, et il s’ajuste au projet de Dieu. Parfois lorsqu’on demande, ce n’est pas tout à fait ce qu’il faut demander.
Dans l’évangile, nous sommes au chapitre 17 de Saint Jean, c’est ce qu’on appelle la prière sacerdotale, où l’on voit Jésus prier le Père. Là encore, Il demande, Il demande au Père. On peut penser que ce n’est pas pour Lui-même, Il prie pour les autres, pour les disciples, pour les apôtres, il prie pour tous ceux – nous tous – qui entendront la parole des apôtres. On l’appelle ‘prière sacerdotale’, car Jésus accomplit, dans cette prière, sa mission de prêtre. C’est intéressant quand on se retrouve peu nombreux : nous chrétiens, parce que connectés au Christ nous sommes baptisés, et parce que nous sommes baptisés, nous sommes prêtres avec le Christ, en le Christ, par le Christ. Nous avons reçu mission, nous sommes députés pour le culte, ce qui veut dire que notre mission est de faire le pont entre la Terre et le Ciel. Nous avons à demander pour les autres, à rendre grâce pour les autres, pour tous ceux qui ne prient pas. Nous pouvons porter le monde dans notre prière. On avait travaillé, dans les « causeries de l’Alliance » lors de la catéchèse pour adultes, la notion de « Hors de l’Église, point de Salut ». Il n’y a pas de Salut en dehors de l’Église – c’est la dimension négative de la formule – mais on peut dire que tout Salut passe par l’Église. Peut-être que le papou qui n’a jamais entendu parler de Dieu, peut-être que notre concitoyen qui ne connaît de l’Église qu’une image déformée et peu attirante, si le Salut leur est donné, – et il leur est donné -, ils ne pourront accepter de l’accueillir que par l’Église. Parfois, pas tout à fait en pleine conscience, et ce n‘est pas notre évangélisation qui sera efficace, mais notre prière. Par notre prière, leur cœur pourra s’ouvrir, parce que Dieu agira, et Dieu se présentera à eux, et ils le reconnaîtront.
III – Unis pour être envoyés
Quand on entend la prière de Jésus, on distingue deux lignes de force : une première, c’est que nous soyons unis les uns aux autres, comme Jésus est uni au Père. Par le don de l’Esprit Saint lors du baptême, Jésus nous connecte à Lui ; si nous sommes connectés à Lui, nous sommes connectés au Père, et nous avons tous le même Père. Et si nous avons le même Père, il s’agit que nous reconnaissions que nous sommes frères les uns des autres. Cela n’est pas évident, cela ne saute pas aux yeux naturellement. Il y a une décision de notre part, à accueillir le don de Dieu, à reconnaître que nous sommes frères les uns des autres, pour que nous soyons vraiment fils, tous, chacun. Nous sommes tous fils de Dieu, donc nous sommes frères et sœurs, enfants du Père. C’est la première ligne de force.
La seconde, c’est que Jésus envoie Ses disciples, tout comme Il nous envoie. Il s’agit que nous annoncions la Bonne Nouvelle. Tout à l’heure, on disait que Jésus priait, c’est Son ministère sacerdotal. Jésus nous envoie comme Lui a été envoyé, et ça, c’est la dimension prophétique : nous avons à être les prophètes de notre temps. Nous avons à annoncer cette Bonne Nouvelle de Dieu, et elle est tellement bien résumée chez saint Jean : « Dieu demeure en nous, Dieu est amour ; qui demeure dans l’amour demeure en Dieu » ; nous sommes aimés de Dieu, pas un de nous n’est ignoré, au contraire, nous sommes tous Ses perles précieuses. Ce message-là, il s’agit que nous le vivions, nous nous savons aimés, nous ne pouvons pas désespérer, il s’agit que nous en témoignions. Celui que nous rencontrons, l’autre, est aimé de Dieu, et puisqu’il est aimé de Dieu nous sommes invités à l’aimer.
Finalement, c’est la troisième dimension du ministère du Christ qui s’exprime : la dimension royale. « Prêtre, prophète et roi ». Roi, en nous mettant au service de la joie pour nos frères. « Je parle ainsi dans le monde pour qu’ils aient en eux Ma joie, pour qu’ils en soient comblés. » Voilà la mission du Christ pour nous : nous donner Sa joie. Dans un autre passage Il dit « Que votre Joie soit parfaite ». Comme nous sommes connectés au Christ, nous portons avec Lui cette mission-là. Cette joie que nous recevons de Dieu, c’est l’Esprit Saint Lui-même : nous sommes invités à Le porter aux autres, à Le donner aux autres, et particulièrement, spécifiquement, par notre service. Nous sommes au service de la joie pour nos frères. C’est un appel.
Quand on a dit tout cela, cela fait une montagne qui est un peu haute, c’est un peu beaucoup, c’est un peu lourd… mais voilà : le Christ est là, présent au milieu de nous, Il nous donne sans cesse Son Esprit-Saint : on en profite, nous sommes dans cette neuvaine entre l’Ascension et Pentecôte ; prenons le temps de laisser l’Esprit Saint agir en nos cœurs. Réouvrons nos cœurs à l’Esprit Saint, Il veut vivre en nous pour que nous vivions en Lui, que nous soyons dans la joie parfaite, et que nous nous mettions véritablement au service de la joie pour nos frères.