Passion selon saint Marc

Si nous sommes nombreux dans cette église aujourd’hui, c’est parce que c’est la fête des Rameaux, et que nous aimons acclamer Jésus. Nous aimons exulter de joie parce qu’avec les foules de Jérusalem, nous le reconnaissons comme roi, Hosanna, ô fils de David ! Nous nous réunissons pour fêter les Rameaux et, pendant les dix premières minutes de notre célébration, nous sommes effectivement dans l’exultation.
Puis, par la suite, on change d’ambiance. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’en ayant écouté ce passage de l’Écriture, l’ambiance n’est pas tout à fait à l’exultation, bien au contraire. On a un sentiment d’inexorabilité : tout conduit à la mort de Jésus. Nous y voyons une immense injustice, parce que Jésus n’est pas coupable de ce dont on L’accuse : on L’accuse de blasphème car Il se prend pour Dieu. Mais nous, nous le savons, Il est Dieu. On l’accuse de lèse-majesté, parce qu’Il se prend pour un roi ; mais nous, nous le savons, Il est roi. Il n’est pas coupable, Il est l’innocent par excellence. Et Lui qu’on voyait comme un messie, comme Celui qui viendrait délivrer Israël – c’est pour cela qu’on L’a acclamé – Il meurt sur la Croix comme le dernier des bandits, et personne n’est venu à Son secours, Lui qui déclarait à Pierre : si je le souhaite je pourrais faire venir douze légions d’anges… Mais nous ne les avons pas vues. Et finalement, les quelques amis qui lui restaient, au soir de la Cène, ont disparu dans la nuit. « Ils L’abandonnèrent, tous ».
Car Jésus est roi, mais pas à la manière du monde, pas à la manière humaine : c’est bien ce qu’Il nous montre, ce qu’Il nous manifeste, ce qu’Il nous dévoile. En réalité, Il nous montre ce qu’est véritablement un roi, non pas un potentat assis sur son trône, qui gagnerait des batailles et des guerres et se ferait servir ; pas quelqu’un qui est sur son cheval de bataille, acclamé par les foules. Oui, Il est acclamé par les foules, mais Il est sur un âne. Et je ne sais pas si vous avez déjà essayé de monter sur un âne, ou vu quelqu’un monté sur un âne, ce n’est pas très glorieux ! Et pourtant, c’est bien la monture royale de Jésus, le petit âne. Jésus nous montre ce qu’est la vraie royauté, qui est d’être un serviteur. La vraie royauté, c’est d’être celui qui ouvre le chemin, la vraie royauté ce n’est pas celui qui pousse les autres, mais celui qui marche devant. C’est ce que Jésus nous montre : un chemin qui est celui de la vraie victoire, le chemin de la vraie vie, celui qui nous comble vraiment. Et ce chemin est un chemin d’humilité, un chemin de silence. Jésus, une fois qu’Il a été arrêté, ne dit plus que deux mots. La plupart du temps, Il garde le silence. C’est paradoxal, on aurait pu penser que c’était le grand moment de l’enseignement. Mais non, Il ne parle pas. Et Il avance sur ce chemin qui Le conduit à la mort. Il entre dans ce chemin – celui dont Il ne veut pas dans toute son humanité – personne d’entre nous ne veut mourir, certainement pas dans ces conditions-là, – parce que cette mort-là est pour Lui et Il va choisir de donner Sa vie. « Ceci est Mon corps pour vous, Mon sang pour vous, ma vie pour vous. »
Ainsi, Il nous montre que dans les plus grandes tribulations, les plus grands combats, les plus grandes épreuves, les plus grandes souffrances, il y a un chemin pour nous, qui est un chemin de vrai bonheur. Certes, il ne sera pas confortable, il ne sera pas agréable, mais c’est le chemin d’un amour vrai, total, donné. Et cet amour-là est absolu. Il se maintient même quand tout le monde L’abandonne. Pour Lui, d’une certaine manière, même Dieu Son Père n’est plus là : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Nous le connaissons, ce psaume 21, nous savons qu’il commence par un cri de détresse, ce cri que nous avons tous le droit de pousser, comme Jésus l’a poussé, mais nous savons qu’il se termine par un acte d’exultation « Tu m’as répondu, Seigneur ! » Mais en attendant, sur la Croix, Jésus est dans la détresse, Il est dans cette nuit-là où Il se sent perdu, abandonné par tous, y compris Ses plus proches amis, ces douze-là, qu’Il avait choisis entre tous. Dans ces douze-là, il y en a dix qui se sont enfuis, un qui a renié, et un qui a trahi. Pourtant, Jésus continue Son chemin en donnant Sa vie pour eux, tout comme il donne Sa vie pour nous.
Il s’agit aujourd’hui que nous choisissions d’accueillir Jésus dans nos vies. Si nous ne nous mettons pas à Sa suite, d’une certaine manière, Il sera mort pour rien, parce qu’Il n’est pas mort pour tous comme une masse indéterminée, non, Il est mort pour moi, Il est mort pour chacun de nous, car chacun de nous est une perle précieuse aux yeux du Seigneur, chacun de nous est le préféré de Dieu, chacun de nous est appelé à vivre d’une vie plénière, complète, totale, une vie où on est aimé, et où on aime.