La lèpre du corps et la lèpre du cœur

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Lv 13, 1-2.45-46 ; ps 31 ; 1Co 10,31-11,1 ; Mc 1, 40-45
11 février 2024 – 6e dimanche de TO – B
Par l’abbé Gaël de Breuvand
C’est la mise par écrit d’une prédication orale… le style reste donc ‘parlé’

I – La lèpre, maladie qui exclut, et Jésus, qui inclut.

La lèpre… Oui une maladie, que l’on ne connaît plus beaucoup dans nos régions, dans nos pays, mais qui existe encore. Il y a des associations, Raoul Follereau, l’Ordre de Malte, qui prennent soin des lépreux. Pourquoi ? Parce que la lèpre est une maladie qui défigure. Elle attaque la peau, fait des crevasses, peu à peu on a les nerfs qui meurent, et du coup la chair tombe, on perd son nez, ses oreilles ; cela défigure, c’est très moche ! Et donc quand on voit quelqu’un qui a la lèpre, on a deux réflexes. Avant Jésus, c’était déjà le cas, et à l’époque de Jésus, ça l’est encore, on a deux réflexes ; un : ouh la, il faut que je reste à distance parce que peut-être il va me passer sa maladie ; et le 2e réflexe, c’est : ah s’il est malade comme ça, c’est qu’il y a une raison. Son visage défiguré représente son âme, son cœur. Donc peut-être qu’il a fait le mal, et ça se voit sur son visage.

On voit dans le Lévitique toutes les règles d’isolement que devait vivre le lépreux : il y avait un vrai principe de précaution. De fait, le principe de précaution et le confinement ne sont pas des inventions récentes ; cela existe depuis au moins 3000 ans, certainement plus. Donc, celui qui est soupçonné de lèpre, celui qui a une tache sur la peau qui pourrait être de la lèpre, on le met à l’écart, il a un habit particulier, et surtout il ne vient pas nous rencontrer.

Or quand Jésus passe par là, voici que nous avons un lépreux qui fait l’inverse. Il s’approche de Jésus, il tombe à genoux aux pieds de Jésus, et il lui dit « Seigneur, si tu le veux, tu peux me guérir. » C’est un grand acte de foi, un acte de confiance. Et, de fait, quand Jésus fait face à la foi, à la confiance, Son cœur s’embrase, Ses entrailles se serrent, Il est ému de compassion, et Il veut accomplir la tendresse de Dieu : « Il le toucha ». Vous imaginez ? Jésus touche un lépreux ! Le lépreux, c’est justement celui qu’on ne peut pas toucher, c’est celui qui ne peut pas s’approcher et qui aurait dû rester à distance ; mais Jésus s’approche et le touche : « sois guéri, sois purifié ». Et la Parole de Jésus est efficace : « à l’instant même la lèpre le quitta et il fut purifié ». On voit que Jésus casse un peu les barrières, ce lépreux est allé courageusement à la rencontre de Jésus, et Jésus casse les barrières.

II – Le péché et la maladie

Alors, pour nous, qu’est-ce que cela va nous dire ? Pour comprendre ce texte, le mystère d’amour de Dieu, il est intéressant de reprendre le psaume. Je ne suis pas sûr que vous ayez bien entendu le psaume, qui est un chant d’action de grâces, qui remercie le Seigneur : « Heureux l’homme dont la faute est enlevée et le péché remis, heureux l’homme dont le Seigneur ne retient pas l’offense, dont l’Esprit est sans faute. Je t’ai fait connaître ma faute, je n’ai pas caché mes torts, j’ai dit : je rendrai grâce au Seigneur en confessant mes péchés. Toi, tu as enlevé l’offense de ma faute. Que le Seigneur soit votre joie, exultez, hommes justes, hommes droits, chantez votre allégresse. »

Je vous ai relu ce psaume car il est extrêmement important : c’est le psaume 31. Si vous avez cinq minutes aujourd’hui, je vous propose de prendre une Bible ou de prendre votre téléphone et de chercher le psaume 31 – parfois il s’appelle 32, cela dépend des bibles – mais « Heureux est l’homme dont la faute est enlevée ». « Heureux est l’homme dont la faute est enlevée ». Cela nous parle du mystère d’amour de Dieu ; vous savez ce que c’est que la faute : la faute, c’est un manque d’amour, c’est ce péché qui nous pourrit la vie, qui blesse notre relation d’amour avec Dieu, qui blesse notre relation avec les autres, qui blesse notre relation avec nous-mêmes. Et si les anciens pensaient qu’il y avait un lien immédiat entre le péché et la maladie, ils n’avaient pas tout à fait raison, ils avaient même tout à fait tort : ce n’est pas parce que je suis malade que je suis pécheur, ce n’est pas parce que je suis pécheur que je suis malade ; mais il y a une forme de ressemblance entre les deux, en ce que la maladie fait sur mon corps, elle me fait mal, elle m’abîme, elle me défigure, elle m’isole, exactement ce que le péché fait sur mon âme : le péché me défigure, m’isole, me fait souffrir et fait souffrir les autres.

III – La guérison, la libération

Donc, ce n’est pas la même chose, ce n’est pas lié en soi, mais il y a comme une comparaison possible entre les deux. Et Jésus, en guérissant ce lépreux, montre qu’Il est capable de guérir les péchés. Comment a fait ce lépreux ? Il s’est présenté dans sa honte, parce qu’être lépreux, ce n’est pas une maladie dont on est fier. Il n’a pas hésité, il s’est approché de Jésus et lui a dit « Jésus, si tu le veux, tu peux me purifier » ; eh bien, c’est exactement ce que nous dit le psaume 31 : J’étais pécheur, j’avais fait le mal, j’en avais honte, ça pesait sur moi, je n’osais pas sortir de ma honte, et puis je suis allé vers Dieu et je lui ai fait connaître ma faute. J’ai dévoilé ma blessure, ce qui était moche en moi. Parfois, on a des blessures ou des plaies mal placées, cela a dû vous arriver ; et parfois on n’a pas bien envie de le montrer au médecin, car ce n’est pas très bien placé.

Jusqu’au jour où vraiment c’est insupportable ou on a des compagnons, ou des proches, qui nous disent : allez il faut aller voir le docteur ! Et quelle libération ! Parce que le docteur nous dit : mettez cette petite pommade et cela ira mieux. Et cela va tellement mieux ! Eh bien, dans l’ordre du péché, c’est la même chose : il y a bien des fautes dont nous avons honte et qu’on ne peut dévoiler, et pourtant elles pèsent sur nous, elles nous dérangent ; eh bien approchons-nous du Christ, de Jésus, approchons-nous de Lui et disons-Lui notre blessure, notre péché, et Jésus… hop une petite pommade ! Non ! Un grand pardon, et nous serons tellement mieux après cela !

Donc c’est ce que je nous invite tous à faire. Il y a un sacrement spécial de la guérison, ce sacrement, c’est le sacrement de la réconciliation, du pardon, de la confession. Se confesser, ce n’est pas seulement dire tout ce qu’il y a de moche dans notre vie – on va bien le faire, car il faut montrer au docteur ce dont nous avons besoin d’être soignés – mais c’est aussi dire à Dieu : merveille des merveilles, car Tu me pardonnes et Tu me guéris. C’est l’occasion de rendre grâce au Seigneur. « J’ai dit : je rendrai grâce au Seigneur en confessant mes péchés. » En fait, je Lui donne l’occasion de faire ce qu’Il veut faire pour nous. Quelle joie pour Jésus, quelle joie pour Dieu lorsqu’Il nous guérit, lorsqu’Il nous pardonne. Quelle joie pour moi, prêtre, lorsqu’au nom de Dieu, je peux dire sur vous : « Je te pardonne tous tes péchés. »

Voilà, c’est la petite réflexion que je vous invite à faire à partir de cet évangile : il y a des lèpres du corps, il y a des lèpres de l’âme, et nous sommes invités à présenter tout cela au Seigneur. Et le Seigneur, Lui, comme un grand frère, comme un bon père, Lui, nous libérera et nous rendra la vraie joie.