homélie du 5e dimanche de Temps Ordinaire, B,
Jb7, 1-4.6-7 ; ps 146 ; 1Co9, 16-19.22-23 ; Mc 1,29-39 ;
par l’abbé Gaël de Breuvand
Voilà trois semaines que nous parcourons l’évangile selon saint Marc : on est toujours dans le chapitre 1 et dans celui-ci, nous parcourons, avec Jésus, une journée. Et cette journée, c’est le jour du Sabbat. La matinée, il l’a passée à la synagogue, Il a écouté la Parole de Dieu, Il l’a commentée, et puis après avoir commenté cette parole et réalisé un miracle – il a libéré un possédé – Il s’en va dans la maison de Simon et d’André, « à la maison ». C’est beau, cette amitié qu’il y a entre Jésus et Ses disciples – et en particulier Pierre et André – amitié qui fait que, pour Lui, c’est « La maison ». Quand Jésus dit : ‘je vais à la maison’, c’est celle de Simon et d’André dont Il parle.
I – Jésus, libérateur
Et Jésus arrive… et il y a un problème : le mal est entré dans cette maison, puisque la belle-mère est malade. En ce moment, dans les théories à la mode, on entend parfois dire : ‘oui, regardez Jésus guérit la belle-mère de Pierre, et après elle se met à les servir ; donc, premièrement, Jésus est un peu misogyne parce qu’il faut que ce soient les femmes qui se mettent au service bien évidemment, et ensuite la guérison est intéressée, Jésus voulait un bon repas donc il faut guérir la belle-mère’. Évidemment, je ne suis pas sûr que ce soit la bonne façon de lire l’Évangile ! Non, imaginez juste quelques instants : la mère de Pierre est la maîtresse de maison, et lorsqu’un invité important – un ami de ses enfants, et un rabbi qui est capable de faire des signes, donc un peu exceptionnel – vient visiter sa maison, elle est malade, elle ne peut pas le recevoir dignement. Elle se sent enfermée, prisonnière, et Jésus voit sa peine et la guérit ; et puisque la fièvre l’a quittée, elle peut faire ce qu’elle veut faire : elle veut recevoir Jésus dignement et elle veut les servir.
II – la seule réponse à la souffrance : l’amour
La journée de Jésus ne s’arrête pas là : le soir venu, après le coucher du soleil, on sent que cette journée est longue, Jésus ne compte pas ses heures – ce n’est pas un fonctionnaire ! – on lui amène tous ceux qui sont atteints d’un mal, ou possédés par des démons, et Jésus guérit, Jésus libère. Pourtant, là encore, on pourrait s’exclamer en disant : Toi qui es capable de guérir, de libérer des démons, pourquoi est-ce que tu n’as pas guéri tous ceux qui étaient malades de Ton temps ? – Jésus a laissé plein de malades et de possédés en Son temps – pourquoi aujourd’hui Tu ne guéris pas plus ? Les guérisons par Jésus sont suffisamment rares pour qu’on les remarque, cela prouve bien qu’il n’y en a pas beaucoup. Des malades, on en a accompagné jusqu’à la mort, et, de temps en temps, on s’est tourné vers le Seigneur en disant : ‘qu’est-ce que Tu fais, je ne comprends pas…’
Jésus est venu manifester Sa puissance, mais le projet de Jésus pour nous, ce n’est pas de nous empêcher de n’avoir aucun problème. C’est Paul Claudel qui écrivait à celle qui, plus tard, va fonder l’association des paralysés de France, donc une jeune femme paralysée, il lui écrivait – car elle connaissait des moments de révolte, comme dans toute vie de souffrance – « le Christ n’est pas venu abolir la souffrance, Il n’est même pas venu l’expliquer – et de fait la souffrance n’a toujours pas de sens – Il est venu la vivre avec nous, Il est venu la remplir de Sa présence ». Finalement Jésus, on le verra bien, va affronter la Passion, Il va affronter la mort, et en les affrontant, Il va nous faire toucher du doigt comment vivre la souffrance, comment vivre la mort : en aimant.
C’est ça, la réponse : c’est l’amour qui est la seule réponse à tout chose. Mais, aimer – et Jésus ne nous promet pas que ce sera confortable et facile – c’est un travail, même Job dit : ‘je n’en vois pas le sens, la vie sur la terre est une corvée !’ Ce n’est pas scandaleux que de se révolter contre la souffrance, car ce n’est pas le projet de Dieu pour nous. C’est ce que nous dit la Genèse : la souffrance et la mort viennent se mettre en travers du projet de Dieu. Mais c’est là… Et puisque nous ne pouvons pas l’abolir, il nous faut apprendre à le vivre, et à aimer et se laisser aimer. Pas facile… et d’ailleurs c’est au-dessus de nos forces, nous n’en sommes pas capables. Alors nous sommes toujours invités à suivre Jésus et à L’imiter.
III- le temps de la prière
Et Jésus, qu’est-ce qu’Il fait ? Jésus se lève, Il s’est reposé – très important de savoir se reposer – Jésus se lève bien avant l’aube, Il sort et se rend dans un endroit désert, et là, Il prie. Il prend un temps spécifique, dans un lieu spécifique, pour prier. Alors que Lui est le Fils de Dieu, on pourrait penser que la relation est immédiate et en permanence, et c’est bien le cas. Lui en tant que Verbe de Dieu, le Père et le Fils sont connectés en permanence. Et pourtant, Lui, Jésus, le Fils, et homme aussi, a besoin de prendre un temps spécifique, dans un lieu spécifique pour être en relation avec Son Père. Pour se laisser remplir de cet amour. C’est parce qu’Il prend ce temps de la prière qu’il est connecté à la Source. Et grâce à celle-ci Il va pouvoir déborder, continuer et avancer. C’est pareil pour nous, c’est même encore plus vrai pour nous. Parfois, on a tous entendu cela : ‘moi je n’ai pas besoin de prendre le temps de la prière car je suis un peu toujours en prière : quand je fais la cuisine, je suis un peu en prière, quand je fais le ménage, je suis un peu en prière, quand je conduis je suis toujours en prière’ ; c’est bien, et il faut continuer, c’est vrai, c’est une bonne chose, mais faisons comme Jésus, prenons un temps spécifique, dans un lieu spécifique, et là, pendant cinq minutes, dix minutes, un quart d’heure, peut-être plus – si vous me dites pendant trois heures, je vous dirai que vous n’êtes pas carmélite, chaque vocation son appel – prenons un peu de temps, il y a quatre-vingt-seize quarts d’heure dans une journée, donnons 1% de notre temps, un quart d’heure ou 3 fois 5 minutes… Donc on doit bien pouvoir donner un tout petit peu de temps au Seigneur : c’est bon pour nous. Laissons-nous aimer.
On le voit, quand Jésus est dérangé dans Sa prière par les disciples « tout le monde Te cherche, ils veulent d’autres miracles », Jésus est reparti pour un tour, en avant. Alors, Il ne va pas répondre immédiatement, car son projet n’est pas de faire des miracles, Son projet est d’annoncer la Bonne Nouvelle de Dieu. « Allons ailleurs, que je proclame l’Évangile ». En fait, tous ces signes, ces manifestations de la puissance de Jésus, c’est juste pour nous dire l’évangile, la Bonne Nouvelle, l’annone heureuse. Et vous la connaissez, cette bonne nouvelle, celle que nous sommes invités à transmettre, à faire passer, à dire, à tous ceux qui nous entourent. Cette bonne nouvelle, c’est : Dieu m’aime, Dieu nous aime, Dieu aime chacun de nous à un point que l’on n’imagine même pas. Il est fou de nous et Il veut le meilleur pour nous : la joie et le bonheur. Il t’aime, et c’est sans condition, même si toi tu te sens loin de Lui, Il t’aime. Voilà la bonne nouvelle que Jésus annonce, et même ceux qui sont loin, perdus, abandonnés, ceux qui sont malades, possédés, sont aimés de Dieu et Jésus veut venir à leur rencontre.
Alors laissons-nous toucher par cet amour de Dieu, et puis soyons des témoins inlassables : annonçons, nous aussi, l’Évangile, Dieu m’aime, et Il t’aime, toi aussi.