Homélie du 1er dimanche de carême, année B, 18 février 2024.
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.
I – Dieu promet alliance
Dans la première lecture du livre de la Genèse, nous avons entendu la fin de l’histoire de Noé, sur quatre chapitres. Et là, c’est la toute fin, après le déluge, après avoir sauvé les huit personnes qui étaient dans l’arche, Dieu prend la parole et dit : « je fais alliance avec vous ». C’est la première fois que l’on a ce mot alliance qui vient. Même s’il y avait déjà une proposition d’alliance à Adam et Eve… En toutes lettres, nous est dit cinq fois dans le même texte, – il y a huit versets ! -, cinq fois nous est dit : « je veux faire alliance avec vous, et avec votre descendance et avec tous les animaux, toute la création finalement ». Dieu veut faire alliance avec nous. Donc il nous tend la main, et comme Lui, Il est fidèle, comme Lui, quand Il s’engage, c’est une bonne fois pour toute, eh bien c’est une main qui nous est toujours tendue. On le sait, l’homme, face à cette proposition d’alliance… Noé a répondu à cette proposition d’alliance, nous, on n’est pas très bon, on oublie, on n’est pas très fidèle, on a pas mal de tentations qui se proposent à nous et c’est quand même plus facile d’entrer dans la tentation qui est là, tout de suite, immédiatement palpable, plutôt que de choisir le vrai bien et la vraie joie qui sont nettement plus loin et pas très visible. Dans l’Ancien Testament, Dieu, personne ne l’a jamais vu !
II – Jésus, accomplissement de la promesse de Dieu
Et puis Jésus vient. Jésus vient ! Il arrive comme la 7e proposition d’alliance que Dieu nous fait, après l’alliance avec Abraham, l’alliance avec Moïse, le roi David, les prophètes… Jésus vient comme le dernier mot de Dieu. Il vient renouveler cette alliance et l’Evangile que l’on a lu aujourd’hui commence juste après le baptême et le baptême, c’est justement le signe de cette alliance. Un homme entend dire pour lui une parole de Dieu : « Tu es mon fils bien-aimé. En toi, je trouve ma joie ». Cet homme-là, vous allez me dire, il est fils de Dieu, c’est Jésus, donc c’est normal ! Oui. Mais c’est quand même un homme. C’est le premier homme à s’entendre dire : « Tu es mon fils bien-aimé ». Et depuis, il y a eu beaucoup d’hommes qui ont entendu cette parole là car à chaque baptême, elle est pour nous. Elle est pour moi cette parole. « Tu es mon fils bien-aimé. En toi, je trouve ma joie ». Donc Jésus est signe de l’alliance entre Dieu et les hommes, Il est l’incarnation même de cette alliance. Le voilà poussé au désert, il est comblé de l’Esprit saint, et au désert, Il est tenté. Les évangélistes Mathieu et Luc insistent plus, ils détaillent, quelle tentation éprouve Jésus. Marc passe… Quelles sont les tentations auxquelles Jésus a à faire face ? Il s’agit des mêmes que les nôtres. Il y a d’abord la tentation d’avoir le résultat sans passer par le chemin. Un des buts de Jésus, c’est d’être roi du monde finalement. Eh bien être roi, en multipliant les pains et en faisant intervenir les légions d’anges, oui, c’est une tentation. Ce serait plus facile que la croix. Mais Jésus n’entre pas dans la tentation. Il sait mettre à l’écart cette tentation. Comment fait-il ? Il est la Parole de Dieu.
III – Le combat d’aujourd’hui, la promesse pour demain
Je vais reprendre juste trois phrases de l’Evangile. En grec, dans la langue d’origine, il n’y a pas de ponctuation au départ. Quand on entend cela : « dans le désert il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages et les anges le servaient ». On peut faire le découpage un peu différemment. On pourrait entendre : « Tenté par Satan, il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient ». Et du coup on obtient trois membres de phrases… petit effort intellectuel : « Tenté par Satan, il vivait parmi les bêtes sauvages ». Quand on a juste ces deux membres de phrases, on perçoit les bêtes sauvages comme de vraies bêtes sauvages, cruelles, méchantes. Et cette histoire de bête sauvage, avec cette histoire de tentation liée, cela fait penser à l’histoire de Caïn et Abel, où Dieu dit à Caïn : « Que fais-tu Caïn ? le péché est tapi en toi comme une bête sauvage ». C’est alors que Caïn a l’idée de tuer son frère Abel mais il n’est pas encore passé à l’acte. Et Dieu le met en garde : « attention ! le péché est pour toi comme une bête sauvage ». Il va détruire… lacérer ton âme. « Tenté par Satan, il vivait parmi les bêtes sauvages »… Ce que vit Jésus, c’est ce que nous vivons. Parce que les bêtes sauvages, il y en a à l’extérieur, il y a des êtres humains qui se conduisent comme des bêtes sauvages, et peut-être qu’en nous-même, il y a un petit peu de bête sauvage.
Et on peu l’entendre d’une autre manière en découpant le texte un peu différemment et prendre : « Il vivait parmi les bêtes sauvages et les anges le servaient ». Et là, on est dans une autre ambiance. Les bêtes sauvages sont simplement des bêtes qui n’ont pas été domestiquées, mais elles ne sont pas nécessairement cruelles. Et en fait, si les anges servent Dieu, chaque chose est à sa place. Et les bêtes sauvages sont le projet de Dieu pour la création en fait. Chaque chose à sa place, en paix. En sérénité. C’est ce qui nous était montré dans le récit de la Genèse. Lorsque l’homme prend le temps de nommer toutes les créatures, a priori, elles ne veulent pas lui sauter dessus immédiatement et les anges le servaient, car les anges sont à leur place. Ils servent Dieu. Chaque chose à sa place. C’est le projet de Dieu pour nous. Que chaque chose soit à sa place. Que, finalement, dans nos vies, les bêtes sauvages soient domestiquées, en tout cas, soient en paix. En fait, que nous soyons de véritables adorateurs en esprit et en vérité.
« Tenté par Satan, il vivait parmi les bêtes sauvages ». Eh bien Jésus a éprouvé ce que nous vivons nous maintenant. « Il vivait parmi les bêtes sauvages et les anges le servait ». C’est l’annonce de ce qui sera.
Conclusion : Entrons dans le combat de Dieu !
Un dernier mot : l’oraison qui nous dit… « Toi qui nous invites chaque année à vivre le carême en vérité ; donne-nous de progresser dans l’intelligence du mystère du Christ ». Donne-nous de connaître un peu mieux Jésus. De comprendre ce qu’il veut pour nous, de nous mettre en relation avec Lui, de l’accueillir tel qu’Il est, en tout cas pas tel que l’on aimera bien qu’Il soit. Parce que Jésus est Dieu et Il est notre sauveur. « donne-nous de progresser dans l’intelligence du mystère du Christ et d’en rechercher la réalisation par une vie qui lui corresponde ». Contempler Jésus pour pouvoir se mettre à sa suite et vivre comme lui. « Les yeux fixés sur Jésus-Christ, entrons dans le combat de Dieu ». Il s’agit du verset du psaume invitatoire. C’est la première prière du jour pour tout le clergé et tous les moines. « Les yeux fixés sur Jésus-Christ, entrons dans le combat de Dieu » Le combat que nous voulons mener, c’est un combat pour la sainteté, pour l’amour ; Et ce combat-là, nous ne pouvons pas le mener par nos propres forces. Il suffit de regarder Jésus, c’est Lui qui nous sauve. Donc concrètement, dans nos efforts de carême, c’est le dernier jour, le bon jour pour fixer nos efforts de carême. On n’y arrive pas. Mais ce n’est pas grave. Le tout c’est que quand on ne le fait pas, on se dise : « Hier, je ne l’ai pas fait mais aujourd’hui, je le fais ». Il faut prendre un petit peu de temps pour regarder Jésus, pour écouter sa Parole et un peu de temps pour entrer dans le combat et choisir des petits actes concrets d’amour.