Homélie du 4e dimanche de l’Avent, Année B, Dimanche 24 décembre 2023
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.
Nous voici, au sens propre, à la veille de Noël. Et si nous avons vécu ces trois petites semaines d’Avent, c’était dans un esprit d’attente, un esprit de vigilance, – il s’agit de veiller -, mais au cœur de la disposition d’esprit, de la disposition de cœur que nous devons avoir pendant ce temps de l’Avent, c’est peut-être ce mot, cette vertu qui est relevée plusieurs fois dans les textes d’aujourd’hui : la vertu d’obéissance.
I – L’obéissance, une vertu ?
Je voudrais revenir avec vous sur cette notion d’obéissance. C’est saint Paul qui nous le dit dans la deuxième lecture : « Il s’agit maintenant de faire connaître ce mystère à la connaissance de toutes les nations pour les amener à l’obéissance de la foi ». Toutes les nations, c’est nous ! Et donc il s’agit que nous entrions dans l’obéissance de la foi. Qu’est-ce que cela veut dire ? D’autant plus que le mot obéissance, de ne nos jours, il a pris un peu une mauvaise réputation. Parce que lorsque l’on pense à obéissance, on pense soit à cette petite phrase : « réfléchir, c’est déjà désobéir ». Je ne suis pas sûr que ce soit cela la bonne obéissance. Ou bien l’on peut penser à l’obéissance que l’on impose. Tous ceux qui ont eu des enfants ou vous qui avez été enfants, vous vous souvenez de cette phrase, où une volonté essayait d’en imposer à une autre : « Mais tu vas obéir, oui ? ». Et puis quand on pense obéissance, on pense à celle de l’esclave qui ne fait pas ce qu’il veut.
Une chose est évidente : l’obéissance, au sens de l’Évangile, ce n’est pas cela. Ce que je viens de décrire, on l’appelle l’obéissance servile, l’obéissance de l’esclave. Et d’une certaine manière, cela est même contradictoire avec le mot obéissance. Ce mot vient du latin ob audire. Une décision, un choix de se mettre à l’écoute. Audire, c’est entendre, écouter. Et ob, c’est choisir de se mettre en position de réception. Je reçois ta parole, pour la faire mienne. Et c’est un acte libre, une décision, un choix conscient.
Et nous voyons Marie, à qui l’ange prend le temps d’expliquer, qui répond : « Voici la servante du Seigneur, que tout m’advienne selon ta parole ». C’est lorsque saint Paul s’est converti : « Que dois-je faire Seigneur ? ». Et c’est même, d’une certaine manière, l’aventure qui arrive au roi David. ‘J’ai maintenant un palais. Il s’agit que maintenant Dieu ait aussi un palais. Qu’est-ce que tu en penses, mon prophète ?’. Et Nathan, dans un premier mouvement : ‘c’est plutôt une bonne idée… Construis donc un temple à Dieu’. Et puis voilà que le prophète reçois la parole de Dieu dans la nuit qui suit et il change d’avis. ‘Non, finalement, ce n’est pas à toi de construire’. Et David va faire sienne cette parole. Il ne construira pas le temple et il laissera son fils le faire.
II – L’obéissance, engagement de l’intelligence et de la volonté
Obéissance, un choix libre, une décision consciente qui implique de recevoir la parole avec bienveillance. Cela n’implique pas de déposer notre intelligence. On le voit très bien avec Marie, qui avant de répondre oui, pose une question pour éclaircir, tout de même : « Comment cela va-t-il se faire puisque je ne connais pas d’hommes ? » C’est une bonne question… Les pères de l’Eglise nous disent que si elle pose la question, c’est parce que, certainement, elle avait fait une promesse, et que Joseph avait accepté, une promesse de virginité. Et voilà qu’on lui demande d’être la mère du sauveur. Et donc elle demande : « Est-ce que ma promesse est caduque ? ». L’ange lui explique : « Rien n’est impossible à Dieu » et Marie peut adhérer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa volonté. Elle va faire ce que Dieu veut. Parce que c’est cela l’obéissance. Accueillir une parole, la faire sienne, et y mettre toute son énergie pour l’accomplir.
Alors pour nous, l’obéissance… Quand est-ce que cela nous concerne ? On pense à l’obéissance dans le cadre naturel. On pense à l’obéissance par rapport aux autorités civiles. Notre intelligence ne doit jamais être servile. L’opposé, c’est une obéissance filiale ; nous sommes partie prenante du projet de celui qui nous demande. Nous nous faisons partie prenante. Nous le choisissons. Et si nous sommes dans une obéissance filiale véritable, nous sommes capables aussi de donner des objections.
Obéissance à l’Église qui est porteuse de la parole du Seigneur et qui nous la transmet jour après jour, qui est porteuse de la grâce de Dieu pour accueillir ce message dans nos vies. L’Eglise, qui est le moyen par lequel le Christ a choisi de s’adresser à nous aujourd’hui, dans notre temps maintenant. Evidemment, obéissance à Dieu lui-même : savoir accueillir son projet d’amour pour nous
Et puis il y a une obéissance particulière, qui est liée à nos choix de vie. Moi, il y a une dizaine d’année, j’ai mis mes mains entre les mains de l’évêque et il m’a demandé : « Me promets-tu obéissance ? ». Et je lui ai répondu que oui. Je lui promettais obéissance à lui, et à ses successeurs. Cette obéissance, là encore, n’est certainement pas une obéissance bête, mais une obéissance de fils, qui est partie prenante, qui partage le même projet. Et puis il y a aussi une obéissance des époux : savoir accueillir la parole de son conjoint et la faire sienne. Cela n’est pas si naturel ! De temps en temps, on souhaite plutôt faire des compromis, ou des concessions. D’une certaine manière, je vous invite à ne pas faire de concessions. Parce que la concession, elle reste un peu coincée en travers de la gorge. Non, il s’agit de faire un choix : un choix d’amour, un choix de vérité. Et pour pouvoir faire ce choix, il faut recevoir la parole de l’autre comme étant bonne. Et là, encore, comme toujours, je ne dépose pas mon intelligence. Je peux émettre des objections. Je peux ne pas être d’accord.
Toute cette obéissance, nous sommes invités à la déployer à la vivre, mais ce n’est possible que si nous accueillons le don de la foi. Et le mot foi nous fait penser à deux préalables : tout d’abord à la confiance, – je ne peux obéir en vérité qu’à celui en qui je fais confiance, que ce soit mon évêque, que ce soit, mon mari, ma femme, Dieu ou les autorités civiles, il faut que je fasse confiance ; c’est une grâce que l’on demande, le confiance -, et à la fidélité. Lorsque j’ai engagé ma volonté dans un choix d’obéissance, ensuite, il faut tenir. Tenir ses promesses. Et là aussi, la fidélité, encore le lien avec le mot « foi », la fidélité, ça se demande comme une grâce.
Préparons-nous à accueillir le Seigneur qui vient, ouvrons-lui notre cœur, demandons-lui tout ce dont nous avons besoin, accueillons-le dans la sainte obéissance, l’obéissance des fils de Dieu.