Homélie de la fête de Toussaint,
Par l’abbé Gaël de Breuvand,
Ap 7, 2-4.9-14 ; ps 23 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12 ;
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.
Aujourd’hui, jour de fête, jour de joie… la Toussaint. Tous ceux qui sont morts, qui ont rencontré Dieu face-à-face, qui l’ont reconnu comme pur amour et qui se sont jetés contre son cœur. Ce sont eux que nous fêtons aujourd’hui, et nous espérons bien les suivre.
I – Saint par miséricorde
Comment être parmi ces saints ? Nous avons commencé la messe par une première prière : l’oraison, la collecte, la prière d’ouverture… « Dieu éternel et tout-puissant, qui nous donnes de célébrer dans une même fête la gloire de tous les saints, accorde-nous ce que nous désirons : l’abondance de ta miséricorde ». Et cela vient nous réveiller, parce que l’on ne demande pas à Dieu la force pour être des saints, la force pour être parfaits… non ! On demande à Dieu sa miséricorde. Autrement dit, nous demandons à Dieu qu’il jette sur nous un regard de bonté, de bienveillance, un regard d’amour adapté à ce que nous sommes. Et nous ne sommes pas des superman ! Nous demandons sa miséricorde : on le comprend très vite en se regardant soi-même. Dès que l’on regarde notre monde, d’ailleurs.
Commençons par regarder notre monde : qu’est-ce que l’on entend ? Guerres, désolation, pollution, disputes, meurtre, assassinats, viols… on pourrait continuer. Rien ne va plus dans notre monde. La question, c’est : est-ce qu’il y a déjà eu quelque chose qui est allé ? Depuis très longtemps, rien ne va plus. C’est bien pour cela que Dieu nous a envoyé un Sauveur. Et la voilà, l’abondance de sa miséricorde : Dieu a choisi de nous sauver, de nous rendre saints. Mais il ne le fera pas sans nous : Il aurait pu, d’un coup magique, – hop ! -, faire qu’on oublie tout ce que nous sommes et qu’on ait juste à contempler Dieu face-à-face. Or il nous aime, tels que nous sommes ; Il n’aime pas le schéma de l’homme, non ! Il aime chacun de nous, personnellement. Il nous connaît par notre prénom. Et c’est chacun de nous qu’Il veut sauver. C’est sur chacun de nous qu’Il veut répandre l’abondance de sa miséricorde. « Quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu ». Il nous a envoyé son Fils, Jésus, Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière. Il est venu habiter au milieu de nous. Et Lui, Jésus, est le seul homme à avoir pu répondre parfaitement à l’amour du Père.
II – Dieu sauve
Et alors, Jésus, qui est membre de notre famille parce qu’il est homme, eh bien, en notre nom, Il répond au Père : « Voici, je viens ». C’est comme cela qu’il nous sauve. L’humanité tout entière est sauvée par ce : « Je viens » de Jésus. Ok pour l’humanité… et moi ? Parce que le salut est donné, tout notre travail, maintenant, c’est d’accueillir ce salut. Et c’est pour cela que nous demandons à Dieu de répandre sur nous l’abondance de sa miséricorde. Parce que cette miséricorde, elle est déjà donnée. Mais il s’agit pour nous de la demander, afin que notre cœur s’ouvre, et que nous la recevions effectivement. Sinon, cela risquerait de glisser comme l’eau sur les plumes d’un canard. Il faut, au contraire, que cette miséricorde pénètre en nous, que nous soyons des éponges à miséricorde. « Voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu ». Il est venu habiter au milieu de nous en la personne de Jésus.
C’est Dieu qui nous sauve. Et c’est encore manifesté de manière claire dans l’Apocalypse, que l’on a lue en première lecture. « J’ai vu une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer… une foule de toutes nations, langues, tribus et peuples ». Le salut appartient à notre Dieu, qui siège sur le trône de l’Agneau. C’est Dieu qui sauve, et il veut que tout homme soit sauvé. Pas d’exception ! Pas d’exception ! Si on réfléchit quelques instants, cela va loin… nous, on a une petite tendance à vouloir qu’il y ait des exceptions : Je pourrais vous donner quelques noms… Mais Dieu, Lui, veut que tous soient sauvés.
III – La grande épreuve
Et ils sont là, tous ces sauvés, vêtus de robes blanches. « Qui sont-ils, et d’où viennent-ils ? » Qui sont les sauvés ? Le texte dit : « ceux-là viennent de la grande épreuve. Ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau ». En première lecture, on pourrait se dire : « ce doit être les martyrs ». Ils ont connu la grande épreuve. Leur robe est blanchie par le sang. C’est vrai ! mais c’est peut-être un petit peu court. Ce qui est dit, c’est qu’ils viennent de la grande épreuve. Il n’est pas dit quelle est cette grande épreuve, d’une part. Et ensuite la robe n’est pas lavée par leur propre sang, mais par le sang de l’Agneau. C’est le Christ qui lave. C’est le Christ qui sauve. C’est le Christ qui sanctifie, qui purifie, qui revêt la robe blanche. Cela nous rappelle quelque chose : au jour du baptême, l’un des derniers rites… Alors quelle est cette grande épreuve ? Car en réalité, ces gens vêtus de robes blanches, c’est nous ! Nous avons été baptisés. Nous avons été revêtus de la robe blanche.
Alors, quelle est cette grande épreuve ? Eh bien je ne peux pas vous le dire, parce que chacun de nous la rencontre dans sa vie, et elle est pour chacun, personnelle. En tous les cas, le point commun à toutes ces épreuves, c’est quand nous choisissons d’aimer, plutôt que de ne pas aimer ; lorsque nous choisissons de nous donner, plutôt que de nous garder ; lorsque nous choisissons de vivre en vérité, plutôt que de mourir à petit feu. Cette grande épreuve, elle peut être d’un coup d’un seul. C’est un affrontement soudain et brutal qui dure peu de temps. Ce peut être aussi le combat de toute une vie, pas très violent mais qui empoisonne la vie. Il s’agit de se rappeler, de nous souvenir, de faire cet effort de mémoire : le Christ nous a sauvés. C’est fait ! il s’agit aujourd’hui d’accueillir sa miséricorde. Il nous connaît mieux que nous-mêmes. Il s’agit de croire que rien n’est plus grand que l’amour et la tendresse de Dieu, pas même notre péché. Il s’agit d’accueillir le don qu’il veut nous faire, en particulier le don de la conversion, de nous tourner vers lui. Jésus nous invite à avancer vers lui, pas à pas. La sainteté, c’est le pape François qui nous le dirait, – je vous invite à relire son petit texte sur la sainteté qu’il a publié il y a trois ans, gaudete et exultate -, Réjouissez-vous, et exultez, qui sont les mots que l’on a entendus dans l’évangile : « Soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux. » La sainteté est un processus dynamique. Autrement dit, il n’y a pas un jour où je peux dire : « hop ! je suis saint ! je m’arrête là ! ».
La sainteté, c’est un point de départ. Et l’arrivée est au ciel. En attendant, sur la terre on avance. Certains avanceront à pas de géants. Souvent, ils meurent jeunes, ceux-là ! Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, sainte Bernadette, Carlo Acutis, et tous ceux que l’on ne connaît pas. Et il y a ceux qui font des petits pas de fourmis. Mais le tout, c’est d’avancer. Petits pas par petits pas. Choisir d’aimer, juste là, aujourd’hui. Juste une personne. Aujourd’hui. Aimer. La voilà la grande épreuve, mais c’est celle qui nous ouvre à la plus grande joie.