Homélie 26 novembre – le Christ-roi
en présence des couples qui se préparent au mariage
Ez 34, 11-12.15-17; ps 22 ; 1 Co 15, 20-26.28 ; Mt 25, 31-46
Nous fêtons le Christ-Roi, fête qui vient couronner notre année ; la semaine prochaine, nous commencerons une nouvelle année liturgique, et nous reviendrons au point de départ avec la naissance de Jésus, dans un mois. Mais pour l’instant nous regardons notre but, notre fin, là où nous voulons arriver.
I – Le roi biblique, hiérarchie de service et tentation de la mainmise
Tout d’abord, il faut revenir sur la notion de roi. Qu’est-ce qu’un roi ? Vous le savez, notre humanité a besoin, fondamentalement, d’une hiérarchie. Et lorsqu’on regarde la Bible, on voit que cette hiérarchie est d’abord, et essentiellement, une hiérarchie de service. Nous avons besoin, et cela dans toute société, de personnes qui se mettent au service du bien commun, au service des autres ; et l’un des services à rendre est celui de la décision : de telle sorte que nous parlions d’une seule voix, que nous agissions comme un seul peuple. Et voilà pourquoi, dans la Bible, vient un moment où l’on choisit un roi. Le problème – parce qu’il y en a un – c’est que nous sommes tous pécheurs, autrement dit, nous avons beaucoup de mal à aimer, nous avons beaucoup de mal à nous dépenser, à travailler à la joie de ceux qui sont autour de nous, sans chercher à attirer tout cela vers nous.
En fait, notre grande tentation, notre grand combat, c’est celui de la convoitise. Nous aimons mettre la main sur les choses, nous aimons mettre la main sur les personnes. Et nous le savons bien, dans nos sociétés, celles d’aujourd’hui comme celles du passé, celui à qui l’on confie une grande responsabilité, celle de la royauté ou celle du gouvernement, est tenté de mettre la main sur ce pouvoir, de non pas se mettre au service des autres, mais de se servir. C’est pour cela que nous avons entendu cette Première Lecture du Livre d’Ézéchiel, où Dieu met le doigt sur ce combat, cette difficulté humaine ; et Il promet que Lui, Dieu, sera le bon berger. Parce qu’un bon roi, selon la Bible, c’est un bon berger. D’ailleurs, il suffit de se représenter cette image. Imaginez un bon berger qui se prend pour un pharaon, ou pour un empereur, et qui va dire aux brebis : « Venez, les brebis, venez me servir. » Eh bien, il sera sur son caillou, certainement, assis noblement, mais les brebis n’en ont rien à cirer !
II- le Bon berger : Dieu veut prendre lui-même soin de son peuple
Le bon berger, au contraire, c’est celui qui suit ses brebis, qui s’en inquiète, qui va les chercher lorsqu’elles se perdent, qui vient les rassembler, et qui les emmène sur les bons pâturages, là où il y a vraiment de l’herbe, et qui, lorsqu’elles sont au fond du trou, va descendre au fond du trou pour les remonter. C’était le psaume : « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien, sur les prés d’herbe fraîche, il me fait reposer. » Le Seigneur est mon roi, Il veut prendre soin de moi, Il veut prendre soin de nous, nous sommes Ses perles précieuses, Ses brebis, et Il veut nous conduire sur un chemin qui est le chemin de la vraie joie et du vrai bonheur.
Alors les siècles passent – entre Ézéchiel et Jésus, il y a près de six siècles – et Jésus vient. Il est né d’une femme, Il est pleinement homme, mais Il est aussi Fils de Dieu et Dieu Lui-même. Et, tout au long de Sa vie, Il va montrer comment être roi. Le roi, dans notre imaginaire à nous, c’est celui qui est debout, voire sur son cheval, et il se fait acclamer par la foule. Le roi, tel que Jésus nous le présente, c’est plutôt celui qui est à genoux, et qui se met au service de ceux qui en ont besoin. Cela change complètement notre vision de la royauté ! En fait, dans l’ordre naturel, les plus grands rois, les meilleurs rois, ce sont certainement les parents qui se mettent au service de leurs petits enfants, qui se mettent en quatre pour leur bien et leur joie, qui se fatiguent, parce qu’ils aiment ; parce que c’est ça, aimer !
III – Soyons des rois
Alors, quand nous pensons à cette royauté du Christ, regardons, nous aussi, le chemin sur lequel nous devons L’imiter. Jésus est Le roi, parce qu’Il se met au service. C’est notre appel à tous et à chacun ! Et c’est là que je m’adresse tout particulièrement à ceux qui vont se marier dans l’année ; mais je m’adresse aussi à ceux qui sont déjà mariés, et peut-être depuis longtemps, et à ceux qui n’ont pas encore prévu de se marier mais peut-être que cela viendra un jour. Si vous voulez être ce que le Christ veut que vous soyez, il faut que vous soyez des rois, des rois l’un pour l’autre. Que l’époux soit au service de la joie et du bonheur de son épouse, qu’il se mette à genoux devant elle, qu’il la serve, qu’il veille à son bien-être. Et c’est tout à fait réciproque, évidemment ! En fait, dans le mariage, comme dans la vie chrétienne, il y a un lâcher-prise : ce n’est plus moi qui vais m’occuper de mon propre bonheur, je fais confiance à l’autre pour s’occuper de mon bonheur. Et moi, je vais prendre soin du sien. C’est un lâcher-prise, qui n’est pas très à la mode, vous le savez comme moi : on entend plutôt, « attention, veillez à votre propre bien-être ». Eh bien, non, veillez au bien-être de l’autre. Cela ne veut pas dire être complètement aveugle, cela ne veut pas dire se faire manger par l’autre, non, mais cela veut dire changer de regard. Quand je me marie, ce n’est pas pour moi, c’est pour l’autre ; quand j’ai des enfants, ce n’est pas pour moi, c’est pour eux. C’est ce que Dieu nous montre, c’est ce que Dieu réalise lorsqu’Il nous crée. Ce n’est pas pour Son bien, à Lui : Il est dans la perfection la plus parfaite, Il est dans le Bien total, Il n’a pas besoin de nous. Lorsqu’Il nous fait advenir à l’existence, c’est pour que nous trouvions la vraie joie et le vrai bonheur.
IV – « Bénis du Père » ou « maudits »
Et viendra le jour – c’est le dernier point – où Jésus viendra dans la gloire : Il a vécu sur la Terre, Il nous a confié une mission : cette mission, c’est de continuer ce que Lui a fait, cette mission, c’est d ‘aimer en Son nom ; viendra un jour où Il viendra, et face à Lui, nous aurons à nous positionner. Le premier mot de la parole du roi à ceux qui sont à droite, c’est « Venez, les bénis de Mon Père », parce que la bénédiction vient de Dieu. Dieu dit du bien de chacun de nous, dit du bien sur chacun de nous. Et alors, oui, lorsque nous avons accueilli cette bénédiction, nous trouvons le chemin de la joie et du bonheur, nous trouvons la force de nous mettre au service, de donner à manger, de donner à boire, d’accueillir, d’habiller, etc. C’est pour cela que nous allons à la messe tous les dimanches, c’est pour accueillir cette bénédiction de Dieu, pour accueillir cette force de Dieu, pour accueillir cet amour de Dieu, pour pouvoir nous-mêmes aimer, bénir. Et puis, il y a la parole adressée à ceux qui sont à gauche : « Allez-vous en loin de moi, maudits !». J’attire votre attention sur le fait qu’Il ne dit pas « les maudits de mon Père » : non, parce que Dieu ne fait que bénir ; et celui qui est maudit, c’est lui qui l’a choisi, c’est lui qui n’a pas accepté l’amour de Dieu dans sa vie, c’est lui qui n’a pas accepté la bénédiction de Dieu dans sa vie. C’est juste un constat du roi : « Allez-vous en loin de moi, maudits ! » parce que vous n’avez pas su accueillir l’amour de Dieu dans votre vie et vous n’avez pas su le transmettre, vous ne vous êtes pas mis au service, vous n’avez pas aimé.
Je n’en sais rien pour vous, je n’en sais rien pour ceux qui sont dehors, mais ce que je sais, pour moi personnellement, c’est que je suis concerné par cet appel. Est-ce que, cette bénédiction, je l’accueille dans ma vie ? Est-ce que je change de vie ? Ou est- ce que je me laisse placidement pousser le ventre, en espérant que tout me soit donné comme sur un plateau ? Est-ce que je ferme la porte à la tendresse, à l’amour de Dieu ? Ou est-ce que je décide, en conscience, d’aimer parce que je suis aimé ? En fait, le Seigneur nous appelle à être véritablement rois, avec Lui, en Lui, par Lui, serviteurs. Parce que dans le langage chrétien, « roi » et « serviteur » sont synonymes.