Celui qui ne change pas d’avis…

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Homélie dimanche 1er octobre 2023,
rentrée paroissiale,
par l’abbé Gaël de Breuvand

Ez 18, 25-28 ; ps 24 ; Ph 2, 1-11 ; Mt 21, 28-32

Peut-être pourrait-on titrer notre évangile : « Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. » Mais si on ne dit que ça, on risque de passer à côté de l’essentiel : parce que, ce que nous dit l’ensemble des lectures, et la Bible tout entière, c’est que seul Dieu ne change pas d’avis. Il a décidé de nous choisir, de nous aimer, et là-dessus, Il ne change pas d’avis !

Nous sommes nombreux dans cette église pour vivre une rentrée paroissiale. Nous sommes à la fin du mois, on a couru tout le mois, et maintenant, c’est l’occasion d ‘une petite pause : l’occasion de se mettre sous le regard du Seigneur, et de Lui offrir l’année qui commence.

I – Recherchez l’unité

Reprenons la Deuxième Lecture. « S’il est vrai que dans le Christ, on se réconforte les uns les autres, si l’on s’encourage avec amour, si l’on est en communion dans l’Esprit, si on a de la tendresse et de la compassion, alors, pour que ma joie soit complète, ayez les mêmes dispositions, le même amour, le même sentiment, recherchez l’unité. » Voilà un beau texte pour une rentrée paroissiale ! Parce que, vous le savez bien, s’il y a bien un combat qu’il nous faut mener chaque jour, c’est bien celui de l’unité. L’unité dans le mariage entre mari et femme, l’unité en famille, l’unité en paroisse, l’unité dans l’Église tout entière, l’unité dans notre commune, dans nos associations, dans notre pays. Et, vous le savez, c’est un combat que, souvent, on perd…

Mais cela n’empêche que la parole de saint Paul, qui est finalement parole de Dieu, reste valide : « recherchez l’unité ».

II – Jésus nous appelle à l’unité de vie

Et Jésus nous travaille, nous donne une parabole, vous l’avez entendue comme moi, cette parabole : « Un père va voir ses deux enfants, et leur dit : va travailler à ma vigne. » Quelle est la vigne du Seigneur ? Quelle est la vigne à laquelle nous sommes envoyés ? Ne nous leurrons pas : ces deux fils, c’est nous ! Alors, quelle est cette vigne ? C’est de faire advenir le royaume de Dieu. Pas grâce à nous, car le royaume de Dieu vient par Jésus, avec Jésus, en Jésus. Donc, ce n’est pas grâce à nous ; mais Jésus nous choisit et nous appelle, et nous sommes partie prenante de Son règne, qui advient dès aujourd’hui sur la Terre. Si nous le voulons bien…

Alors, que répondrons-nous au Seigneur ? ‘Oui, Seigneur, nous allons nous mettre au travail’… et puis on va faire autre chose… L’évangile nous le manifeste assez nettement, ce n’est pas le bon chemin. Pour autant, répondre ‘non Seigneur’, et puis finalement y aller, c’est un meilleur chemin, mais ce n’est pas le meilleur qui soit ! Évidemment, nous sommes invités à être cohérents, à dire ce que l’on fait, à faire ce que l’on dit ; à gagner en unité et en simplicité, à être unifiés, finalement.

Mais Jésus, quand Il nous appelle, Il nous prend tels que nous sommes, et vous le savez bien, nous avons en nous de grandes fragilités. Il nous est difficile de voir la vérité d’un coup d’un seul, de tout comprendre et de poser les bons actes immédiatement. Bien souvent, il nous faut tâtonner, bien souvent, il nous faut nous tromper. Et c’est là que, seuls, les imbéciles ne changent pas d’avis ! Parce que si nous nous sommes trompés, mais que, par orgueil, ou pour une raison quelle qu’elle soit, nous ne voulons pas sortir de notre ornière, nous irons droit dans le mur…

Il s’agit d’accepter de se convertir, et ce n’est pas si évident… C’est pourtant le premier mot de Jésus. Dans l’évangile, quand Il commence à enseigner, son premier mot est « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile ». Changez de vie. C’est d’ailleurs intéressant de voir que le « convertissez-vous » précède le « croyez à l’Évangile » Parce qu’en fait, j’ai besoin déjà d’une première conversion, celle de l’ouverture du cœur, pour pouvoir croire. Oui, nous sommes bien capables de nous leurrer, de prendre des vessies pour des lanternes, de croire qu’une habitude, un mode de vie que j’ai correspond à ce qui est bien, alors que ce n’est pas vrai. Mais le Seigneur ne se lasse pas, et Il vient sans cesse frapper à la porte de notre cœur ; même quand elle est très barricadée, notre porte, le Seigneur vient. « Veux-tu être mon ami ? » C’est ce que dit Jésus : « Pierre m’aimes-tu ? » Prenons chacun notre prénom, et écoutons la parole de Jésus pour nous, pour moi. « M’aimes-tu ? »

III – la conversion, premier pas dans l’amour

Il y a quelque chose d’important dans cette parabole, qui vient accomplir la parole d’Ézéchiel que l’on a entendue en Première Lecture : « Si le juste se détourne de sa justice, commet le mal, et meurt dans cet état, c’est à cause de son mal qu’il mourra ». Autrement dit, notre salut n’est pas garanti. Nous avons été baptisés, nous avons reçu l’amour de Dieu, mais si nous ne vivons pas en cohérence avec ce baptême, dans un choix d’amour, alors nous passerons à côté du Salut, qui est justement l’amour.

Mais, je peux m’être trompé toute ma vie, si avant de mourir, je fais ce choix d’aimer, de me tourner vers le Bien, de me tourner vers Dieu, alors tout devient possible. Il y a quelques années, j’avais célébré des funérailles d’un jeune homme de 35-37 ans. Pas très vieux… Et ce gars-là, c’était un type intelligent, brillant, rayonnant. Un type qui avait une prestance, qui réussissait tout dans sa vie, il était patron d’une boîte, et tout marchait bien. Un jour, on lui a appris une nouvelle terrible : il avait une tumeur au cerveau. Et on le sait, les diagnostics ne sont pas bons. Tout son univers s’effondre… Il a une très jolie jeune femme, un bébé qui va bientôt naître, tout s’effondre. Et il va entrer dans cette maladie, en luttant pas à pas, et puis il va avoir une rémission, et puis à nouveau la rechute, et finalement, deux ans après le diagnostic, effectivement, il meurt. Dans sa vie à lui, Dieu, il ne Le connaît pas. Et pourtant, sa femme et sa mère ont souhaité célébrer des funérailles à l’église. Vraiment, pour lui, ce n’était même pas une question. Et pourtant, deux mois avant sa mort, il était en train de perdre sa capacité de parler, il a dit à sa femme et à sa mère : ‘j’aurai eu une belle vie, et si je devais reprendre, je reprendrais tout’. C’est violent, comme parole : il est à deux pas de la mort, cela fait un an et demi qu’il traîne sa maladie, et quand il dit ‘je reprendrais tout’, il parle aussi de la maladie ! Que s’est-il passé dans son cœur ? Il s’est passé une chose fondamentale : lui, qui était le soleil pour tout le monde, il donnait beaucoup, mais n’avait jamais besoin de recevoir, jamais. Et voilà qu’il est tombé malade et découvre et qu’il est aimable, même quand il n’est plus capable de rien, parce qu’il a des amis fidèles, une mère et une épouse fidèles. Même quand il n’était plus capable de rien, il était aimé. Et cette découverte-là, il ne l’aurait échangée pour rien au monde !

Il n’est jamais trop tard pour se convertir. Le Seigneur parfois tape fort ; mais il nous est toujours possible d’accueillir l’amour qui nous est donné, c’est une chose certaine. Alors ce garçon-là, qui vraiment n’a pas vécu en chrétien, il a rencontré Dieu face à face, et le Seigneur lui a dit : ‘Viens, mon garçon, car je t’aime’ ; et lui, sans aucun doute : ‘ah c’est Toi, c’est Toi que j’avais cherché et que je n’avais pas reconnu, c’est Toi, qui m’aimes alors que je ne l’ai pas mérité… Oui, Seigneur, je veux bien entrer dans ta joie’. Il n’est jamais trop tard pour se convertir, il n’est jamais trop tard pour ouvrir les yeux, il n’est jamais trop tard pour demander au Seigneur de nous ouvrir les yeux, parce que parfois on est bien aveugle, quand même… Jamais l’histoire de notre vie n’est complètement écrite. Jamais, si graves que soient nos fautes, nous ne pouvons dire : ‘je suis perdu, il n’y a plus d’espoir pour moi’. Non, le Seigneur nous tend toujours la main, Il ne se lasse pas de nous tendre la main. Il veut que nous Le choisissions, et c’est là que nous trouverons la vraie joie et le vrai bonheur.

            Alors le Seigneur nous bouscule, on a entendu comme Il a bousculé les Pharisiens et les scribes, qui sont des fils, et qui répondent oui au Seigneur, mais qui ont bien du mal à aller effectivement travailler à la vigne. Il nous bouscule : c’est violent, ce qu’Il dit : « Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu. » Pourquoi vous précèdent-ils ? Parce qu’ils ont accepté de se convertir. Et vous ? Et nous ? nous, qui avons tant de mal à nous laisser bousculer, à nous laisser convertir. Le Seigneur nous bouscule, et c’est tant mieux, car ce qu’Il veut pour nous, c’est la plus grande joie et le plus grand bonheur. Vous l’avez entendu – c’est le conseil que je vous donne – prenez trois, cinq minutes, et relisez la deuxième partie de la Deuxième Lecture : « ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus », et voilà une description de Jésus. Qui est Jésus ? Lui, « Dieu, qui n’a pas retenu le rang qui l’égalait à Dieu, mais qui s’est anéanti, prenant la condition de serviteur », regardons le Dieu qui vient se faire tout petit près de nous, pour nous accompagner pas à pas jusqu’à la plus grande joie et au plus grand bonheur.

Dieu seul ne change pas d’avis et Il nous aime !