Anniversaire de la dédicace de nos églises

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29 octobre 2023 – par l’abbé Gaël de Breuvand –
1R 8, 22-23.27-30 ; ps 83 ; 1P 2, 4-9 ; Mt 16, 13-19 –
Transcription d’une prédication, le style reste oral.

Cette église (Chassieu) a été bâtie dans les années 1831, 1832, et elle venait remplacer une église plus petite et orientée dans l’autre sens ; c’est pour cela que la porte du clocher est là : c’est l’ancienne porte principale. Et lorsqu’on a mis en œuvre, la première fois, ce bâtiment pour qu’il serve de lieu de prière, de lieu de culte, on a célébré un rite qu’on appelle le rite « de la dédicace ». On a consacré ce lieu, on l’a donné au Seigneur, d’une certaine manière.

I – La dédicace, comme un baptême

Ce rite de la dédicace est très intéressant. Il est un peu long, mais il commence par une bénédiction : avec l’eau bénite, on asperge tous les murs, on asperge l’autel, l’ambon, on va asperger toutes les choses importantes dans le bâtiment. Ensuite, on va prendre de l’huile, le saint-chrême, avec lequel on va marquer ces murs, et puis on va allumer les cierges ; et cette église devient, à ce moment-là, véritablement une « église ». Elle est illuminée de cette lumière qui veut représenter la lumière du Christ. Ces trois rites, vous les avez reconnus, ce sont les rites du baptême : l’eau, l’huile, la lumière. On peut dire que ce bâtiment a été comme baptisé au jour de sa dédicace. Et lorsqu’on parle d’une église et lorsqu’on parle de nous, il y a des points communs, des liens à faire.

II – Du temple à l’église

Dans les temps très anciens, lorsqu’on voulait prier Dieu, on allait au temple. C’était vrai pour les païens, déjà, mais aussi pour les Juifs, et on l’a entendu, c’était le roi Salomon, dans la Première Lecture, qui célébrait la première prière publique dans le tout nouveau temple de Jérusalem. Il y avait une différence entre les temples païens et celui de Jérusalem : c’est que dans les temples païens, on mettait une statue du dieu et on considérait que le dieu était là, vivant dans le temple, alors que pour les Juifs à Jérusalem, le temple n’est que le marche-pied de Dieu : Il n’est pas enfermé dans le temple. Et d’ailleurs, vous le savez, il n’y avait rien dans ce temple, pas de statue, pas de représentation.

Et puis, les siècles ont passé, et Jésus est venu, Il aimait ce temple. Il nous en a annoncé la destruction, et, quelques années plus tard, il a été effectivement détruit, et plus jamais reconstruit. Les chrétiens, eux, quand ils se réunissaient pour le culte, pour rendre gloire à Dieu, ils se réunissaient au bord des rivières, au petit matin, avec le soleil levant, qui leur rappelait le Christ ressuscité. Et plus tard, au moment des persécutions, ils se sont mis à l’abri, dans les maisons particulières, mais aussi dans les catacombes. Et puis dans les années 300, c’est la paix de l’Église, et à ce moment-là, on va pouvoir construire des temples chrétiens.

Mais étonnamment, on ne va pas construire un temple classique : on va construire un temple qui existe déjà, qu’on appelle la « basilique ». C’est une sorte de grand grand marché couvert. On n’a pas pris le plan d’un temple, on a pris le plan d’une basilique. Pourquoi ? Il faut bien comprendre ce qu’est le temple. C’est l’endroit où l’homme peut rencontrer Dieu, mais pour cela seuls certains hommes peuvent rentrer dans le temple, et ce sont les prêtres. Seul le prêtre entre dans le temple, et dans le temple de Jérusalem c’est encore plus vrai, car il y a trois pièces : la première pièce est ouverte à tous les prêtres, la deuxième à quelques prêtres, et puis, la toute dernière, le « saint des saints », seul le grand-prêtre y rentre, une seule fois par an. Donc ce bâtiment, celui du temple de Jérusalem, n’était pas plus grand que notre église : ce n’était pas très grand. En revanche, ce qu’il y avait autour du temple, c’étaient de grandes esplanades, et c’était là que le peuple se tenait. On le voit bien lorsqu’on relit l’évangile selon saint Luc, on voit Zacharie qui va offrir le sacrifice dans la deuxième salle du temple – vous le savez, il est muet depuis qu’il a rencontré l’ange – et la foule l’attend, et se rend bien compte qu’il y a eu quelque chose.

Quand les chrétiens bâtissent un temple, ils ne choisissent pas le plan d’un temple classique mais celui d’une basilique qui est plus grand. Pour vous dire, la première basilique a avoir été construite, c’est Saint-Jean-de-Latran, et la deuxième, c’est Saint-Pierre-de Rome. Et les versions actuelles, qui sont les églises les plus grandes de la chrétienté, sont à peine plus grandes que les originales du IVe siècle. Donc vraiment, c’est un bâtiment immense. Mais pourquoi faire un bâtiment aussi grand ? Il y a une raison théologique : c’est que, pour nous, chrétiens, nous n’avons qu’un seul prêtre, qui est le Christ. Et nous avons été baptisés, et donc connectés au Christ ; Il est devenu notre tête, et nous sommes Ses membres. Et nous, par Jésus, en Jésus, avec Jésus, nous sommes prêtres. Par notre baptême, nous sommes prêtres, et nous portons, avec le Christ, la mission de faire le pont entre la terre et le ciel. Et donc il faut que le prêtre tout entier puisse rentrer dans, dans ce bâtiment, ce lieu de culte, ce temple, donc il faut un grand bâtiment pour qu’il y ait de la place. Et ce bâtiment, on l’appelle d’ailleurs église.

Or le mot « Église » ne désigne pas un lieu, mais une assemblée : « ceux qui sont appelés ». Qui est l’Église ? C’est nous. Parce que nous sommes appelés par Dieu pour nous rassembler, pour chanter Sa gloire ensemble. Donc ce bâtiment ne s’appelle « église » que parce que l’assemblée s’y réunit. C’est pour cela que parler d’une « église désaffectée », quand elle arrête de servir comme église, c’est une sorte d’oxymore, cela ne marche pas ensemble. Une église, soit elle accueille le peuple de Dieu, soit elle ne l’accueille pas. Si elle ne l’accueille pas, elle n’est plus église, parce que l’Église c’est le peuple de Dieu, uni au Christ, et qui avec le Christ chante la gloire de Dieu.

III – Une église vivante et l’Église vivante

Nous avions dit que cette église avait été comme baptisée, il y a environ 190 ans, à un an ou deux près – il faudra penser à faire quelque chose pour dans dix ans, pour fêter ses deux cents ans ! -. Elle a été comme baptisée, et d’ailleurs saint Pierre apôtre, qu’on a entendu dans la Deuxième Lecture, saint Paul aussi, aime à utiliser la comparaison avec ce bâtiment de pierres, qui n’est pas simplement un tas de pierres mises les unes sur les autres, mais un bâtiment dans lequel il y a un souffle ; et ce souffle, c’est celui de la prière : c’est la maison de la prière, c’est la maison de l’adoration, c’est la maison où l’on rencontre Dieu.

Mais toutes ces pierres, on pourrait les comparer à nous. Nous sommes le temple que Dieu veut pour lui, pas simplement individuellement. Certes, il le faut, il faut que chacun accueille l’Esprit Saint dans sa propre vie – en fait, l’Esprit Saint dans mon cœur, c’est comme le mortier qui va me permettre de me lier aux autres -. Et s’il me manque, cet Esprit saint, s’il me manque l’amour mutuel – c’est l’œuvre de l’Esprit Saint : l’amour entre nous – alors, nous ne sommes pas une Église. Nous ne venons pas dans une église juste pour prier individuellement ; mais rendons grâce, dans cette église ouverte, il y a peut-être deux cents personnes par mois qui viennent en dehors des heures de liturgie, pour y rencontrer Dieu en face à face ; pourquoi ? Parce qu’on est humains et qu’on a besoin d’avoir des lieux et des temps particuliers pour rencontrer Dieu.

Pour autant, ce qui fait le cœur de l’Église, c’est la messe, l’Eucharistie. Et ce qui fait qu’une église est une église, c’est son autel, structurellement. Ce qui fait qu’une église est lieu d’Église, ce sont les gens qui y viennent. [On est dans un monde où l’on pleure parce que les églises sont fermées, mais elles le sont surtout parce qu’on manque de chrétiens ! Ce n’est pas tellement le manque de prêtres]. Il s’agit donc pour nous d’être des pierres vivantes – c’est ce que dit saint Pierre – d’être des pierres vivantes connectées à la pierre d’angle, connectées à Jésus, et vous savez comment Il l’a fait : c’est accompli, nous sommes connectés à Lui, par notre baptême. Il nous a fait un cadeau qu’on appelle la foi : c’est la connexion. Et si nous voulons être vraiment des pierres vivantes, être une Église, ensemble, il faut que, par cette foi, nous accueillions l’amour de Dieu dans nos vies. Et que cet amour de Dieu déborde en direction de Dieu, en direction de nos frères : tout est lié. Nous sommes appelés à mettre en œuvre le commandement nouveau : « Aimez-vous les uns les autres, comme moi je vous ai aimés.»

Alors nous allons célébrer encore une fois, la messe, l’Eucharistie, le sacrifice du Christ, celui qui a eu lieu une fois dans l’Histoire et qui est rendu là présent maintenant. Et, dans quelques instants, Jésus sera présent sur cet autel, corporellement, sensiblement.

Et je vais conclure avec cette petite réflexion : tout ce que je viens de dire relativise l’importance de cette église, de notre bâtiment : on en n’a pas besoin finalement, puisque l’important, c’est d’être connecté au Christ et les uns aux autres. Mais le Seigneur nous connaît bien, de la même manière l’Église nous connaît et sait que nous avons besoin de principes et de théorie, d’une certaine manière, et puis qu’on a besoin de choses concrètes : nous sommes une religion de l’Incarnation, nous ne sommes pas des purs esprits, et donc nous avons besoin d’avoir un lieu où nous retrouver, d’un lieu pour nous tourner vers Dieu et accueillir Son amour, pour nous laisser aimer et L’aimer en retour. Nous avons besoin d’un lieu pour pouvoir nous aimer les uns les autres. Mais il ne faut pas que cela reste dans cette enceinte, évidemment, il faut qu’en sortant nous ayons fait le plein d’amour de Dieu, et que nous puissions ressortir pour être Ses témoins, pour être les relais de Son amour. Vous le savez, notre monde a bien bien besoin d’amour, et c’est à nous que le Seigneur a confié cette mission d’être des porteurs de joie