Homélie 30 juillet 2023, 17e dimanche de TO, A
par l’abbé Gaël de Breuvand
I – Salomon, le converti
La Première Lecture qui nous est donnée est tirée du troisième chapitre du Premier Livre des Rois : c’est le « songe de Gabaon », quand Dieu vient à la rencontre de Salomon pour lui demander ce dont il a besoin.
Mais c’est intéressant d’avoir un tout petit peu de contexte. Au chapitre 1, la question, c’est la succession du roi David, et il y a une intrigue de palais qui va se conclure par la prise de pouvoir de Salomon et l’élimination de ses ennemis. On ne peut pas dire que Salomon agisse avec tendresse, avec délicatesse, avec amour. Non, ses concurrents, y compris ses frères, vont subir son courroux et vont en mourir. Salomon n’est donc pas très exemplaire de ce point de vue-là, aux chapitres 1 et 2. Et puis au début au chapitre 3, il est dit que Salomon épouse la fille de Pharaon et qu’il lui permet d’adorer ses dieux, sur la Terre Sainte, sur la Terre promise. Là encore, ce n’est pas très exemplaire, d’autant plus que Salomon va adorer les dieux de sa femme avec elle…
Et pourtant, il nous est dit : « Salomon aimait le Seigneur ». Et il se rend dans un lieu de culte, un centre de pèlerinage, Gabaon. Il y passe la nuit comme tout bon pèlerin, et c’est là, pendant la nuit, que Dieu vient à sa rencontre, comme nous l’avons entendu dans ce récit. C’est, je trouve, extrêmement rassurant pour nous de savoir que Dieu ne vient pas nous chercher parce que nous sommes parfaits : Dieu n’est pas venu à la rencontre de Salomon parce qu’il était parfait, bien au contraire ! Déjà, dans l’Ancien-Testament, il nous est montré que le Seigneur vient sauver, que le Seigneur vient guérir. Salomon était, d’une certaine manière, malade, et le médecin qu’est Dieu est venu à sa rencontre. En plus, Salomon a eu le cœur ouvert, et il a su demander la bonne chose : un cœur attentif, un cœur qui écoute, un cœur qui discerne ; et le Seigneur accomplit sa demande ! Il y a la rencontre entre la liberté de Dieu qui aime et la liberté de Salomon appelé à aimer et qui choisit d’aimer. Et dans la suite du chapitre et au chapitre suivant, nous montrerons Salomon, rempli de la sagesse de Dieu, qui va juger et qui va bien juger.
Salomon, c’est aussi celui qui, selon la tradition, a écrit une bonne partie des psaumes. Salomon, c’est celui qui va faire rayonner le royaume d’Israël dans sa plus grande largeur, sa plus grande extension. C’est celui qui va construire le Temple de Dieu à Jérusalem. Nous assistons à une sorte de conversion chez Salomon : Dieu est venu à sa rencontre, et Salomon a répondu.
II – Le royaume des Cieux vient à notre rencontre
Bien des années plus tard – mille ans plus tard – Jésus vient, et Il annonce le royaume. Le chapitre 13 de l’évangile selon saint Matthieu réunit sept paraboles qui ont toutes le même thème, ‘le royaume des cieux’, et qui commencent toutes par : « Le royaume des cieux est comparable à ». Il y a quelques semaines, nous avons eu la première parabole, celle du semeur, puis nous avons eu la parabole de l’ivraie, la parabole de la graine de moutarde qui se transforme en arbre, et la parabole du levain, ce tout petit ajout à la pâte, qui permet à celle-ci de lever et de gonfler. Et là aujourd’hui, nous avons les trois dernières paraboles.
Souvent, on les lit un peu vite, on a l’impression qu’elles se répètent. « Le royaume des cieux est comparable à un trésor », et moi, qui suis invité à accueillir le royaume des cieux dans ma vie, lorsque je le trouve, il faut que je donne tout pour cela. Je vais vendre tout ce que j’ai, je vais tout donner, et je vais hériter de ce trésor. Celle-là, c’est la parabole la plus facile. Elle est un appel, mais on a quand même un peu de mal à la mettre en œuvre dans notre vie : tout donner pour Dieu, choisir de servir Dieu en premier, sachant que lorsque l’on dit premier, cela ne veut pas dire que c’est le seul, dans le sens où quand je sers mes frères, je sers Dieu aussi ; tout est lié.
Et puis la deuxième parabole – souvent on l’appelle la parabole de la perle – en réalité, c’est la parabole du marchand. Parce que « le royaume des cieux est comparable à un marchand » qui cherche des perles fines, et lorsqu’il a trouvé LA perle, il donne tout pour l’avoir. Et si le royaume des cieux, c’est le Christ lui-même, c’est le projet de Dieu, alors le Christ est comme ce marchand, et Il donne tout pour avoir une perle ; et cette perle c’est vous, c’est moi. Là encore il y a une liberté de Dieu qui vient à ma recherche, qui vient à ma rencontre, et il y a ma liberté, moi qui suis invité à discerner, à m’engager.
Et puis enfin cette troisième parabole : « le royaume des cieux est comparable à un filet que l’on jette et qui ramène toutes sortes de poissons. » Dans cette parabole, ce n’est pas le pêcheur qui est le royaume des cieux, ce ne sont plus les poissons, mais c’est le filet, le moyen. Et c’est un appel pour nous qui sommes invités à annoncer le Christ, qui sommes invités à évangéliser, à être des disciples missionnaires. Vous connaissez tous ces mots-là… Quel est le bon moyen pour annoncer le royaume ? Eh bien, c’est d’annoncer le Christ lui-même, le Christ est notre moyen. Le Christ est le moyen que Dieu a choisi pour venir à notre rencontre, pour dire à quel point Il nous aime. Pour que nous puissions, à travers le Christ, répondre à Dieu. Il est le pont, le pontife, l’intercesseur, celui qui est au milieu : entre Dieu dans toute Sa gloire et nous dans notre pauvreté, il y a Jésus qui fait le pont. Jésus qui est le filet. Laissons-nous attraper et lançons ce filet, lançons le Christ à tous ceux que nous rencontrons. C’est, nous le savons, pour nous-mêmes, notre joie, et pour tous ceux que nous rencontrons : le Christ est leur joie, même si eux ne le savent pas encore.
III – le tri de Dieu, pour nous entrainer au Ciel
Et puis il y a cette petite conclusion, qu’on avait déjà eue à la fin de la parabole de l’ivraie : « on ramasse dans les paniers ce qui est bon et on jette ce qui ne vaut rien ; ainsi en sera-t-il à la fin du monde ». « Les anges sortiront pour séparer les méchants des justes et les jetteront dans la fournaise, et là il y aura des pleurs et des grincements de dents. » Parfois, on est un petit peu naïf, on croit ce que le monde nous dit : vis comme tu veux, de toutes façons, à la fin c’est pareil : on ira tous au Paradis. Mais ce que nous dit Jésus, c’est que ce n’est pas si sûr ! Il y a un moment ou un autre où Dieu est respectueux de notre liberté, de nos choix, Il ne nous imposera pas l’amour plénier si nous refusons l’amour. En même temps, le Seigneur est capable de faire de grandes choses, avec tout petit petit… Donc s’il y a un tout petit peu d’amour en nous, le Seigneur est capable de faire grandir tout cela, parce qu’Il a tout donné pour nous avoir, parce que nous sommes ses perles précieuses. Mais ça nous appelle quand même à prendre au sérieux ce que nous vivons aujourd’hui. Il nous faut l’annoncer : non, tout ne se vaut pas !
Mais, vous le savez, la limite entre les méchants et les justes, elle n’est pas géographique, elle n’est même pas entre nous. Je ne peux pas dire : ceux qui sont ici, ce sont des justes, et ceux qui sont dehors ne le sont pas. C’est faux, vous le savez bien, la frontière entre les méchants et les justes est au milieu de mon cœur. Il y a en moi ce que j’ai exposé à la lumière de l’amour de Dieu, et ce que je me refuse à exposer. C’était l’enseignement de Jean-Baptiste au tout début de l’évangile : il explique que le Seigneur est là dans l’aire à battre le blé et Il fait le tri entre la paille et le bon grain. Et la paille ira dans la fournaise. Mais tournons-nous vers le Seigneur et demandons-Lui : « Seigneur, viens faire le tri dans mon cœur, viens brûler ce qui ne Te correspond pas, ce qui n’est pas amour. Ne laisse en moi que ce qui est bon, ce qui est vrai, ce qui est juste, ce qui Te ressemble. Parce que je le sais, Seigneur, je suis fait pour cela.
Il y aura peut-être des pleurs et des grincements de dents pour ceux qui sont dans la fournaise, et il y aura la plus grande joie et le plus grand bonheur pour ceux qui verront Dieu face à face, qui se laisseront aimer par Lui et qui L’aimeront en retour. Le Seigneur nous secoue pour que nous prenions conscience que nos vies ont un sens, et que nous pouvons choisir entre l’amour et le non-amour. Il ne nous dit pas qu’il y aura effectivement des gens dans les pleurs et les grincements de dents, il nous fait juste remarquer que nous sommes, chacun, capables de choisir la mauvaise voie.
Alors, aujourd’hui, il s’agit de nous laisser regarder par le Seigneur, qu’Il brûle en nous ce qui ne Lui correspond pas, et en plus notre tristesse, et, qu’au contraire, ce qui lui correspond grandisse, et que nous rayonnions de Son amour, que nous soyons dans la joie, que nous soyons porteurs de joie. C’est le projet de Dieu pour nous, c’est le chemin de la vraie vie, et c’est le chemin du vrai bonheur.