Le poids de la gloire

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I – Le poids de la gloire

Cet évangile n’est peut-être pas le plus facile de toute l’année : nous sommes au chapitre 17 de l’évangile selon saint Jean. On est dans les discours après la Cène, juste avant d’aller au jardin des Oliviers pour l’agonie ; c’est le début de ce qu’on appelle la grande prière sacerdotale de Jésus. Il accomplit Sa mission, Sa fonction de prêtre, Il fait le pont entre les hommes et Dieu, le pont entre Dieu et les hommes. Et donc Il prie, et dans la première prière qu’on vient d’entendre, il y a un mot qui revient un certain nombre de fois : « glorifie », « rends gloire », « donne-Lui la gloire ». Pour nous, ce n’est pas immédiatement très clair : « Glorifie Ton Fils afin que Ton fils te glorifie. » « Moi je T’ai glorifié sur la Terre, et maintenant, glorifie-Moi, et Je suis glorifié en eux » … Qu’est-ce que cela signifie ? Il est bon de méditer un peu la Bible, de creuser un peu le sens des mots : la gloire, si on est d’un point de vue très très humain, c’est d’abord quelque chose qui scintille, qui brille. Mais dans la Bible, ce n’est pas tout à fait cela : c’est plutôt une question de poids – l’étymologie du mot en hébreu, c’est ça – c’est quelque chose qui pèse, pour prendre une expression contemporaine « il pèse dans le game ». Il a du poids ! Et celui qui possède la gloire par excellence, c’est bien évidemment Dieu. Dieu, Il a la gloire, Il pèse. Tout est par Lui, tout est de Lui, rien n’existe sans Lui, donc tout le poids de l’univers, c’est Lui. Il possède la gloire par excellence. Et pourtant, là, on incite à glorifier : le Père glorifie le Fils, le Fils glorifie le Père, et puis le Fils est glorifié en nous. Eh bien, « glorifier » c’est laisser de la place à ce poids dans nos vies. Mais, un poids positif !

Finalement, nous rendons gloire à Dieu, lorsque nous laissons un peu de place à Dieu dans nos vies. Il peut prendre la place dont Il a besoin, et alors nous nous mettons à être des relais, des relais de Sa puissance, de Sa gloire, de Son rayonnement, de Sa tendresse, de Son amour, de Sa miséricorde. Et si on a bien écouté l’ensemble des lectures aujourd’hui, l’Esprit de Gloire, l’Esprit de Dieu repose sur vous. Cette gloire, Dieu ne se la garde pas juste pour Lui-même, Il l’a en tant que telle, mais Il est Dieu et Il nous aime, et Il veut nous faire participer à Sa gloire. Vous écouterez bien, dans les textes de la messe, cela revient plusieurs fois. Dans les oraisons, celle qu’on a dite tout à l’heure et celle que l’on dira ensuite, on revient sur cette idée de gloire, qui appartient à Dieu et à laquelle nous sommes invités à participer, non pas pour dire : c’est moi qui pèse – non, moi je ne pèse rien ! –, la seule valeur que j’ai, moi, c’est que je suis capable d’accueillir Dieu dans ma vie, c’est la seule chose qui compte… Accueillir Dieu dans ma vie, cela veut dire accepter d’être aimé, et me laisser aimer, et donc transformer, et donc bousculer, et donc convertir. Vous le savez, c’est le premier mot de Jésus dans l’évangile : « Convertissez-vous »

II – La souffrance qui a du sens

Et j’attaque la deuxième partie. « Dans la mesure où vous communiez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous. » Pourquoi saint Pierre nous dit cela ? En fait, il veut nous expliquer qu’il y a des souffrances qui ont du sens. Souffrir comme un meurtrier, voleur, malfaiteur, agitateur, cela n’a pas de sens. Souffrir parce qu’on est chrétien et qu’on veut le vivre, qu’on veut accueillir la gloire de Dieu en nous, et donc que l’on accepte de se convertir, cela a du sens. Être chrétien, c’est-à-dire croire en Dieu et accepter que toute notre vie change, à cause de cela… eh bien cela pose problème : pas à nous, mais cela pose problème autour de nous. Cela peut poser des problèmes dans notre propre famille. Cela peut poser des problèmes dans la société, cela peut poser des problèmes même dans nos communautés chrétiennes. Si je choisis de me mettre résolument à la suite du Christ, eh bien, il y a certaines habitudes qu’il va falloir que j’abandonne, et abandonnant ces habitudes-là, d’autres vont considérer que je suis comme un reproche vivant, et vont m’en vouloir. Mais cette souffrance-là est une bonne souffrance, car c’est une souffrance de témoignage, et je suis là pour témoigner. Et quand je dis « je », je parle de chacun de nous. Il n’y pas de honte ni de tristesse à avoir cette souffrance-là. Il s’agit de rendre gloire à Dieu, de laisser encore un peu de place à Dieu dans nos vies, dans nos familles, dans nos communautés, dans nos sociétés toutes entières. En fait, rendre gloire à Dieu, c’est laisser la place qui revient au Seigneur.

III – L’Esprit Saint donne sens à nos, nous fait participer à la gloire de Dieu

Alors, est-ce que nous en sommes capables par nous-mêmes ? En réalité, non, vous le savez bien, et c’est le troisième et dernier point. Nous ne sommes pas capables de rendre gloire à Dieu par nos propres forces, c’est pour cela que le Christ nous a fait un cadeau : ce cadeau, c’est Son Esprit Saint. Aujourd’hui, juste après avoir vu Jésus s’en aller vers le Ciel – et Jésus leur a donné le cadeau de la liberté, Il leur a fait le cadeau de l’espérance en leur offrant une grande responsabilité, celle d’être Ses témoins – aujourd’hui, ils sont réunis dans la chambre haute – on peut penser qu’ils sont beaucoup puisque quelques lignes plus loin, on nous précise que pour choisir le remplaçant de Judas, ils sont 120 – Donc, là, on parle des onze apôtres, que l’on nomme : Pierre, Jean, Jacques, André, Philippe, Thomas, Barthélemy, Matthieu, Jacques, Simon et Jude, dans leurs diversités, Matthieu était publicain, collaborateur des Romains, Simon est zélote, autrement dit plutôt un résistant, donc pour mettre les deux ensemble, pff… Il y a les pêcheurs, il y a ceux qui sont plus intelligents que la moyenne, Barthélemy, Nathanaël, qui était certainement docteur de la Loi, pharisien, scribe, donc très au fait. Donc, tous ces gens-là, dans leur diversité, leur pauvreté, leur faiblesse, sont réunis dans cette chambre haute, et ils attendent, assidus à la prière. Et qu’attendent-ils ? Ils attendent le don de Dieu, la promesse du Christ.

Et c’est la conclusion, Jésus s’en va au ciel, Il leur promet l’Esprit Saint ; pourquoi ne le leur a-t-Il pas donné tout de suite ? C’était aussi simple : Il monte au Ciel, ils reçoivent l’Esprit Saint et en avant… ! Non, il faut attendre dix jours, dix jours pendant lesquels ils sont assidus à la prière avec Marie, avec des membres de la communauté et puis les onze, bientôt douze – lorsque Matthias aura été recruté -. Il leur faut attendre, et demander. Le Seigneur a besoin que nous demandions ce dont nous avons besoin. Sinon, nos cœurs ont du mal à être ouverts. Si le Bon Dieu précède nos désirs et nos demandes, il y a de bonnes chances pour que nous ne soyons pas prêts à accueillir le cadeau. C’est pour cela que, lorsqu’on vient frapper à la porte pour un baptême pour un adulte, on répond que c’est au moins deux ans. Et peut-être même plus, certainement plus ! Et quand on dit, j’aimerais faire ma première communion, je suis adulte, je sais tout…eh bien même, il y en a au moins pour un an ! Parce qu’il faut que se creuse en nous ce désir, que notre cœur s’ouvre, que nous puissions accueillir le don. Ensuite, quand on a tout, quand on est baptisé, qu’on a communié, qu’on est confirmé etc., cela n’empêche pas, il faut continuer à demander. La première demande à faire, c’est : « Seigneur, que Ta volonté soit faite. » Évidemment ! Le Seigneur, Lui, nous attend, nous appelle à être comme les disciples aux premiers temps de l’Église, à être assidus à la prière.

Hier soir, le nouvel évêque de Lille a été installé dans sa cathédrale, dans son diocèse, et c’est le cardinal Aveline qui l’a installé, et il lui a dit « Cher frère, je te donne deux conseils, tu as deux visites à rendre tous les jours : la première visite, c’est auprès du tabernacle (tu dois laisser la place au Seigneur dans ta vie, c’est moi qui rajoute), la deuxième visite, c’est auprès de ton peuple, ce sont les deux endroits où l’on rencontre le Seigneur : au tabernacle, et auprès de nos frères. »