Homélie 16 avril 2023, par l’abbé Gaël de Breuvand,
Ac 2, 42-47 ; Ps 117 ; 1P 1, 3-9 ; Jn 20, 19-31
I – Jésus est ressuscité !
Dimanche soir, l’ambiance est particulière… Jeudi, il y a eu le Dernier Repas de Jésus ; dans la nuit de jeudi à vendredi, Il a été arrêté, Il a passé la nuit en prison, Il a été condamné, chargé de la Croix, Il a été crucifié et, vous le savez, à ce moment-là, au pied de la Croix, il ne reste pas grand monde. Quelques femmes, Marie la mère de Jésus, Marie-Madeleine, et puis un disciple, Jean, le plus jeune. Et puis, le dimanche matin est arrivé. Représentons-nous ce moment : des femmes sont allées au tombeau, Marie-Madeleine en particulier, et là elles ont découvert un tombeau vide ; Pierre et Jean sont allés voir au tombeau : il était effectivement vide… et puis Jésus est apparu à Marie-Madeleine, Il s’est fait connaître – cela a été difficile de Le reconnaître : elle L’a pris pour le jardinier – et elle est allée dire aux disciples : « J’ai vu Jésus ».
Et les disciples – on en est là – le soir de Pâques, sont enfermés dans cette salle, dans ce cénacle, au moment du repas, et ils ont peur des Juifs ; parce que si Jésus a été mis en Croix, les disciples ont peur qu’il leur arrive la même chose, et ils n’en ont pas très envie ! Ils sont dans la crainte, dans la tristesse : ils ont vu Jésus mourir et…, en même temps, il y a cette histoire un peu folle de résurrection ! Ils aimeraient bien y croire, mais ils n’en sont pas sûrs… et voilà que Jésus vient au milieu d’eux ! Et le premier mot de Jésus c’est « La paix soit avec vous », l’opposé de la crainte et de la peur : la paix… « La paix soit avec vous. »
Et là, à la vue de Jésus, ils se réjouissent d’une grande joie. Ce n’est pas un rêve ! Ce ne sont pas des affabulations de quelques excités du bulbe qui auraient imaginé la résurrection de Jésus, non, ils L’ont vu ! Et Jésus a pris du temps avec eux, mais Thomas n’est pas là. Alors, que dit Jésus dans cette conversation de ce premier dimanche soir ? On peut imaginer qu’Il les enseigne encore, Il leur montre à eux – comme Il l’a montré aux disciples d’Emmaüs – combien il fallait qu’Il souffre tout cela à travers les Écritures ; peut-être qu’Il les secoue un peu, comme Il l’a fait à Emmaüs : « Esprits stupides et insensés, vous n’avez donc rien compris » … Mais les disciples sont plein de joie, car Jésus est là devant eux, et Jésus, solennellement, souffle sur eux, et leur dit : « recevez l’Esprit Saint », le cadeau par excellence ! peut-être qu’ils n’ont pas encore tout compris, mais, quand Jésus leur dit cela, c’est Dieu tout entier qu’Il leur donne. Et ils sont remplis de Son amour, de Sa force, cela va tout changer pour eux !
II – Jésus ressuscité, miséricorde pour le monde
Cet Esprit Saint change tout pour eux ; mais cet Esprit, ils ne le reçoivent pas comme un cadeau qu’ils garderaient juste pour eux : qu’est-ce que je suis bien avec le Saint Esprit… Non, ce n’est pas cela. Cet Esprit Saint donné c’est un envoi en mission, « recevez l’Esprit Saint », pour quoi faire ? « Recevez l’Esprit Saint : à qui vous pardonnerez les péchés, ils seront remis, à qui vous maintiendrez les péchés, ils seront maintenus. » Qu’est-ce que cela veut dire ? Cet Esprit Saint est donné à l’Église tout entière, nous tous, en fait c’est un des lieux de fondation de l’Église. Celle-ci se caractérise, elle se définit par l’Esprit Saint, « Je crois en l’Esprit Saint – et juste après – je crois en l’Église catholique », ça va ensemble. Pas d’Église catholique sans l’Esprit Saint ! L’Église est une, parce que l’Esprit-Saint, l’Église est sainte parce que l’Esprit-Saint, l’Église est catholique parce que l’Esprit Saint, l’Église est apostolique parce que l’Esprit Saint. Donc Jésus fonde l’Église, et quelle est la mission de celle-ci ? Annoncer la parole de réconciliation ! Remettre les péchés, pardonner au nom du Christ ! Les auteurs français du XVIIe siècle aimaient dire que « l’Église, c’est le Christ continué » : le Christ est monté au ciel mais Il habite toujours au milieu de nous ; c’est l’Église tout entière, parce qu’elle est pleine de l’Esprit-Saint, cette Église !
Alors évidemment, les premiers pardonnés dans cette Église, ce sont les disciples. Pardonnée leur lâcheté, pardonné leur reniement, pardonnée même la trahison de Judas – bon, pas sûr que Judas soit capable d’accueillir ce pardon – mais tout cela, le Christ veut le pardonner, et l’Esprit-Saint qu’Il donne, c’est pour pardonner les péchés. Or ce cadeau que nous avons reçu, nous, d’être pardonnés, c’est pour que nous puissions, à notre tour, être les témoins de la réconciliation, les témoins de son pardon, les relais de Son amour. Ce n’est pas seulement la mission des prêtres, c’est la mission de l’Église, et donc de chacun des chrétiens que vous êtes. C’est finalement là que se déploie la Miséricorde de Dieu, c’est pour cela qu’on a appelé ce dimanche celui de la Miséricorde. Qu’est-ce que la Miséricorde ? C’est l’amour de Dieu qui vient à notre rencontre. C’est quelque chose qu’on connaît depuis longtemps. : le psaume 117 qu’on a entendu, « comme le disait Israël, éternel est Son amour », et il serait plus juste de traduire par « éternelle est Sa miséricorde », autrement dit, oui, cet amour qui vient à notre rencontre.
III – La Foi en la Résurrection, source de conversion
Au début, nous disions que Thomas n’était pas là ; Thomas, c’est l’incrédule, Jésus le dit, d’ailleurs. Toutefois, un évêque de Lyon avait l’habitude de dire que Thomas, – alors que tous les disciples étaient enfermés car ils avaient peur -, lui, il sort ; donc, en fait, c’est plutôt un courageux, il n’a pas peur, il va rencontrer les gens. Mais tout le monde lui dit : ‘Tu ne sais pas ? On a rencontré Jésus, vraiment Il est ressuscité, ce n’est pas juste une histoire de bonne femme, c’était vrai ! On aurait mieux fait de les croire, celles-là !’ Et Thomas reste là, le cœur fermé. Thomas, en même temps, pourrait prendre ses amis pour des fous profonds, et pourrait les fuir. Mais non, il reste encore avec eux. Ils se sont peut-être tapé la tête contre un mur, mais Thomas reste avec eux…
Et la semaine suivante, il est là. Et lorsque Jésus vient, la reconnaissance est immédiate ! En fait, Thomas rêvait de croire, et il n’y arrivait pas. En fait, il lui manquait la confiance en ses amis. Mais il savait bien que ses amis venaient d’où ils venaient : comme lui, ils avaient tous fui. Donc, est-ce qu’ils étaient vraiment crédibles ? Mais Thomas est converti. Et il rencontre Jésus, qui lui montre bien qu’Il n’est pas un fantôme : « Touche, mets les doigts. », ‘regarde, c’est bien moi, j’ai un vrai corps’. Dans d’autres passages, on nous précisera qu’Il a mangé avec eux. C’est vraiment Jésus et, en même temps, c’est quelque chose de tout à fait différent, Il est capable d’être là, alors qu’Il n’était pas là. Il est capable de ne pas se laisser reconnaître, ou de ne pas être reconnu.
En fait, le message qu’il y a dans cette scène, c’est que si Jésus est vraiment ressuscité, c’est bien Son vrai Corps, son vrai Lui, c’est bien Jésus tout entier, mais, en même temps, ce n’est pas comme la résurrection de Lazare, ce n’est pas seulement un mort qui s’est relevé. Non, on entre dans une Histoire nouvelle : il y a bien une continuité, c’est le même Jésus et, en même temps, c’est une vraie rupture, c’est Jésus ressuscité vivant pour toujours, et c’est le chemin sur lequel nous sommes invités à entrer. Il est à la fois la même chose et c’est tout autre chose.
Cette résurrection, nous sommes invités à y entrer ; en fait, nous y sommes déjà entrés : le jour de notre baptême, nous avons été plongés dans la mort et la résurrection du Christ. C’est ce que nous rappelle saint Pierre dans la Deuxième Lecture : « Nous avons été plongés dans la mort et la résurrection du Christ et nous sommes devenus vivants de la vie de Dieu. » En fait, nous sommes déjà ressuscités ; alors toutes les dimensions pratiques de la résurrection ne sont pas encore entrées dans nos vies, il va nous falloir mourir tôt ou tard, mais nous serons vivants ; et nous pouvons, dès aujourd’hui, être vivants.
Cette résurrection du Christ, dans laquelle nous avons été plongés dès notre baptême, change notre vie, elle fait de nous des pardonnés, d’abord. Nous avons reçu le pardon. Et elle fait de nous des témoins de la résurrection, de témoins de la réconciliation : Dieu nous aime, nous et le monde entier, chacun de nous est une perle précieuse aux yeux du Seigneur, chacun de nous qui habite sur cette Terre. Les sept milliards et quelques sont des perles précieuses à Ses yeux. Tous, sans aucune exception, sont aimés, et c’est le message que nous avons à porter.
IV – la foi, fondement de la communauté chrétienne
Et je conclus, par la Première Lecture, celle des Actes des Apôtres : « les fidèles sont assidus à l’enseignement des apôtres » – est-ce que moi je suis assidu à l’enseignement des apôtres ? – « ils sont assidus à la communion fraternelle » – est-ce que moi je suis assidu à veiller à la fraternité de notre communauté, assidu à la fraction du pain, à la messe du dimanche, aux sacrements, assidu aux prières ? C’est la première communauté. Elle est peut-être un petit peu comme une belle photo, c’est le meilleur côté, le meilleur angle, le plus beau point de vue sur cette communauté des débuts : « la crainte de Dieu était dans tous les cœurs à la vue des nombreux prodiges et signes accomplis par les apôtres, tous les croyants vivaient ensemble et ils avaient tout en commun. » C’est beau… est-ce que ce sera vrai tout le temps ? Pas certain, mais, à ce moment-là, ça l’est. Et si ça l’est, à ce moment-là, c’est que c’est possible pour nous ! Cela implique, pour nous, de nous convertir, de nous bousculer, de déplacer nos priorités ; et tout cela, toute cette splendeur de l’amour de Dieu qui se déploie, elle ne l’est pas juste pour que nous soyons confortables : le but, la finalité de notre vie sur Terre : « chaque jour, le Seigneur leur adjoignait ceux qui allaient être sauvés. » Il s’agit que nous soyons des témoins rayonnants de l’amour et de la résurrection du Christ, pour que tous soient sauvés : c’est le projet de Dieu.