Homélie 22 janvier 2023 – 3e dimanche de TO A, par l’abbé Gaël de Breuvand
Dimanche “de la parole” ; semaine de prière pour l’unité des chrétiens.
Is 8,23b – 9,3, ps 26, 1Co 1,10-13.17, Mt 4, 12-23
C’est la transcription d’une prédication orale, qui garde le style parlé.
Nous sommes au tout début du ministère public de Jésus, Il a une trentaine d’année, Il a l’âge pour être un rabbi, un maître, un enseignant. Et c’est dans saint Matthieu que nous lisons ce passage : et saint Mathieu a quelque chose à dire d’important : ce que vit Jésus, c’est l’accomplissement d’une promesse. Et donc, Matthieu nous fait une longue citation : « Pays de Zabulon et pays de Nephtali, route de la mer et pays au-delà du Jourdain. Galilée des nations ! Le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu une grande lumière. Sur ceux qui habitaient dans le pays et l’ombre de la mort, une lumière s’est levée. ». Nous l’avons eue deux fois aujourd’hui, cette parole, car nous l’avons aussi entendue dans le texte d’Isaïe en Première Lecture.
I – Prophétie à double détente
À l’époque, nous sommes dans les années 720 avant J.-C ., et le pays du Nord, ce qui deviendra la Galilée, la terre et le royaume du nord d’Israël, est tombé. C’est le début d’une invasion : la capitale, Samarie, a été détruite, et la population a été envoyée en exil. Et le prophète annonce une bonne nouvelle : une lumière viendra.
Alors, comme souvent dans la Bible, quand il y a une bonne nouvelle, elle est à double détente. Première détente, Isaïe a vu l’enfant du roi actuel, qui montera sur le trône et permettra la réunification du royaume. Ce roi, ce sera Ézéchias, et cela arrivera effectivement. Cette réunification ne va pas durer longtemps, mais cette lumière s’est levée. Et puis les années passent, et après que cette réunification a été accomplie, cette parole reste pourtant dans le Livre sacré, dans la Bible. Et, à force de la lire, de prier avec, à force de méditer cette parole, les Juifs se disent qu’elle leur dit peut-être quelque chose d’autre. Il y a peut-être plus à attendre de cette promesse… et du coup elle s’est appliquée au Messie !
Cette lumière qui vient, c’est le Messie ; et il se déploiera en premier en Galilée. Évidemment, sept siècles plus tard, quand Jésus, après être né à Bethléem de Judée, après avoir grandi à Nazareth, s’installe dans ce qui est l’équivalent de la capitale de la Galilée, Capharnaüm – une ville comme son nom l’indique où tout est un peu en désordre, il y a beaucoup d’animation – Matthieu dit : regardez, c’est l’accomplissement de la promesse, parce que Dieu est fidèle !
Accomplissement : Jésus vient mettre finalement le dernier mot à la Bible. Il y avait eu, jusque-là, beaucoup de promesses, un certain nombre qu’on avait vu s’accomplir, mais il en restait, et Jésus est celui qui vient mettre un point final à cette parole de Dieu, parce qu’en Lui tout est dit.
II – Appel à la conversion !
Tout est dit. Il le dit Lui-même, et c’est le premier mot de Jésus dans l’Évangile : « Convertissez-vous ». « Convertissez-vous », c’est le premier mot de Jésus dans l’Évangile, en tout cas, c’est le premier qu’Il nous adresse, à nous.
Il s’agit maintenant que nous le mettions en œuvre. On n’a pas très envie de se convertir, parce que généralement on n’est pas si mal… On a une sorte de petite coquille de bernard-l’hermite, et on n’a pas envie de la quitter. Or, se convertir, cela veut dire lâcher prise, abandonner des petits conforts, des petits objectifs qui nous vont bien. Se convertir, c’est regarder Jésus et entrer dans Son projet. Se convertir, c’est regarder Jésus et se mettre à Son écoute. Et vous les connaissez, les paroles fortes de Jésus : « Aimez-vous les uns les autres, comme moi Je vous ai aimés » : pas seulement à la manière humaine, non, à la manière de Dieu, en donnant tout ce que vous êtes. Pour me suivre, prenez votre croix et suivez-Moi.
Non, Jésus ne nous propose pas un chemin confortable. Mais Il nous propose le chemin de la vraie joie et du vrai bonheur. Il nous propose un chemin pour nous combler, pour nous rendre véritablement heureux. Cela n’enlèvera aucune tribulation, nous aurons toujours des épreuves et des combats, nous connaîtrons toujours des deuils, des maladies et des souffrances, mais, grâce à Jésus, nous savons que tout cela a un sens, cela nous tourne vers l’Éternité, vers Dieu lui-même, vers Dieu qui aime.
III – Suivez-moi !
Une parole qui s’accomplit, un appel à la conversion, un appel à suivre, Jésus, c’est la troisième partie. On l’a entendu, Jésus marche le long de la mer, et Il voit deux frères, qu’on appelle Simon et André, et Il les appelle : « Venez, Venez à ma suite », et puis ensuite Jacques et Jean, les fils de Zébédée. De même, Il leur dit : « Venez à ma suite. » Pourquoi suivre Jésus ? Parce qu’Il donne tout de suite la mission : « Je vous ferai pêcheurs d’hommes. » On est au bord de la mer, il y a donc beaucoup de poissons. Quand on en pêche, on les empêche de vivre, mais c’est pour une bonne cause. Quand on est en mer, et quand on doit pêcher des hommes, c’est parce que ce n’est pas tout à fait leur place, ils n’y sont pas très bien. Pêcher un homme quand il est dans la mer, c’est le sortir de la difficulté, de la mort, c’est le sauver.
Ce que Jésus fait en appelant Ses disciples, c’est qu’Il les sauve et Il les appelle à être Ses collaborateurs, Ses coopérateurs, à sauver avec Lui les hommes. C’est notre mission à tous. Nous avons été baptisés, nous avons été confirmés, et, si ce n’est pas fait, venez me voir ! Nous sommes faits pour sauver le monde. Pas tout seuls : si j’essaie d’être le sauveur du monde à moi tout seul, cela ne marchera pas… Si je suis fait pour sauver le monde, c’est avec Jésus, en Jésus, par Jésus. C’est Lui le Sauveur, évidemment, mais Il me choisit, comme Il a choisi les apôtres, Pierre, André, Jacques et Jean, comme Il a choisi tout disciple. Comme Il nous choisit, tout baptisé, pour être partie prenante de Son projet : sauver les hommes, faire gagner l’amour, faire gagner la joie, faire gagner la lumière.
Il s’agit que nous nous convertissions ! Là encore, on résiste, on préfère le confort, on est tous un peu paresseux, enfin je pense, en tout cas moi je le suis… Il s’agit que nous nous laissions bousculer et convertir. Que nous fassions un pas. De fait, la conversion d’un seul coup, si on peut le faire, tant mieux, c’est le Seigneur qui appelle, mais déjà, il y a des petites décisions, des petits pas que l’on peut faire. Un petit pas de prière, pourquoi pas ? Peut-être que si je ne prie pas beaucoup, je peux poser un rendez-vous régulier. Et puis, si je prie plus, essayons de prier un peu mieux. Un petit pas d’attention aux autres, un petit pas de charité, un petit pas de service, une petite conversion. Et puis, au bout de la semaine, dimanche, on se retrouve et on peut faire le point : est-ce que, ce petit pas de conversion, je l’ai fait ? Si on sort de la messe, et qu’il n’y a aucun changement par rapport à la semaine dernière, c’est dommage. C’est gâcher le cadeau que Dieu nous fait, c’est gâcher l’appel qu’Il nous fait : Venez, je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. C’est notre appel. Et puis enfin, dernière petite conversion, parce que Jésus appelle pour être coopérateur de Sa mission, pour porter le salut au monde. Mais, vous le savez bien, dès qu’il y a quelque part des hommes, il y a de « l’hommerie », chicanerie, dispute, etc. Ce n’est pas d’hier : parce que saint Paul est allé enseigner les Corinthiens vers l’an 50, il les baptise, il leur parle du Christ, il s’en va…et à peine est-il parti que ça se dispute : je suis chrétien, je suis fidèle du Christ, mais de Paul ; moi je suis chrétien, fidèle du Christ, mais de Pierre ; moi je suis chrétien, fidèle du Christ mais d’Apollos, etc. Cela n’a pas tellement changé, on sait encore faire cela ! Mais ce n’est pas à ça que le Seigneur nous appelle. Ce n’est pas pour ça que nous avons été baptisés. Saint Paul nous le dit : qu’il n’y ait pas de divisions entre vous, soyez en parfaite harmonie de pensée et d’opinion. Il y a entre vous des rivalités, cela ne va pas ! Qui a été crucifié pour vous ? Le Christ !
Il s’agit que nous nous convertissions. Vous le savez, la seule personne que je peux convertir, c’est moi. Je ne peux pas convertir les autres : je peux leur parler, leur donner la vérité, je peux leur présenter Jésus, mais je ne peux pas convertir les autres. D’ailleurs, ce n’est pas ma mission, celui qui peut convertir, c’est le Christ, et la personne elle-même. Donc moi, je peux me convertir, je ne peux pas convertir les autres, il faut le savoir. Et si nous voulons que notre communauté soit une vraie communauté, il s’agit que je ME convertisse : c’est d’abord là, et seulement là, que je peux agir.
Le Seigneur nous aime et, dans Son amour, Il donne une mission, qui est juste un peu trop grande et un peu trop lourde pour nous. Alors, accueillons-Le, lui, Il se donne à nous pour que nous puissions porter ce qu’Il nous propose. Accueillons-le : c’est notre joie et notre bonheur.