Homélie de la Toussaint, 1er novembre 2022
par l’abbé Gaël de Breuvand
Ap 7, 2-4.9-14 ; ps 23 ; 1Jn 3, 1-3 ; Mt 5,1-12
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.
Voilà un jour de joie. Nous fêtons les saints du ciel, la Toussaint. Et d’abord, première réflexion, qu’est-ce que cela signifie, qu’est-ce que la Toussaint nous dévoile ? La Toussaint nous apprend que l’amour est vainqueur. Tout est là ! Tout est là : l’amour est vainqueur ! Parce que Dieu est Dieu, Dieu qui est Amour, Il nous aime. Nous n’avons pas mérité cet amour… Il nous aime ! Cet amour pour nous ne dépend pas de nous, mais de Lui seul. Il nous aime. Et puisqu’Il nous aime, Il veut notre joie et notre bonheur, Il veut nous faire rentrer dans une joie parfaite, et cette joie parfaite, ce sera lorsque nous Le verrons face à face. Aujourd’hui, il y en a des milliers, des milliers et des milliers qui voient Dieu : 144000 ! Il faut entendre les nombres au sens symbolique dans la Bible : 12, c’est une totalité, qui est multipliée par 12, qui est une totalité, multipliée par mille, qui est une multitude. Donc, une totalité fois totalité fois multitude, cela fait vraiment beaucoup ! Et ils sont dans la joie, et ils nous attendent. Parce que nous sommes tous appelés à entrer dans cette joie. L’Amour est vainqueur ! L’amour a vaincu, par Jésus, avec Jésus, en Jésus. Il s’agit maintenant que cette victoire de Dieu, cette victoire de l’amour, entre dans nos cœurs.
I – Un art de vivre chrétien pour la Joie
Et aujourd’hui, pour cette fête de la Toussaint, nous avons entendu cet évangile, que nous connaissons presque par cœur – cela serait intéressant de le savoir effectivement par cœur – : « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des cieux est à eux ». Heureux : c’est vraiment le projet de Dieu. Il s’agit que nous soyons vraiment dans la joie, et ces Béatitudes nous présentent un art de vivre chrétien, un art de vivre qui nous permet de vivre dès aujourd’hui la joie du ciel.
La joie du Ciel… Je n’ai pas parlé de confort, je n’ai pas parlé de tranquillité, je vous parle de ‘joie’. En fait, Jésus nous donne quelques clés pour avancer, dès aujourd’hui, sur le chemin de la vie. C’est un peu paradoxal, car cela ne correspond pas tout à fait à ce que le monde nous propose. Vous le savez, vous les entendez ces sirènes du monde ; celles qui nous proposent sans cesse : ‘jouis, fais-toi plaisir, repose-toi, ne te fatigue pas trop’ . Or Jésus, lui, nous invite à nous dépenser, à nous fatiguer, à nous épuiser. Mais non pas pour rien : au contraire, pour le meilleur ! Vous le savez, nous sommes chrétiens et nous avons entendu le message du Christ, et comme tout bon chrétien – et moi le premier – on filtre un peu, on a du mal à tout prendre. C’est un peu difficile, de tout prendre ! Cela risquerait de nous forcer à changer de vie, à nous convertir… Alors, on filtre : et on entend Jésus, et on comprend bien que ce qu’Il nous propose, c’est de ne pas faire le mal et de faire le Bien.
Souvent, dans notre vie, on se dit qu’on va commencer par la première partie, on va commencer par ‘ne pas faire le mal’. Le problème, c’est que nous sommes humains, et il y a dans notre cœur une tendance au péché, une tendance au Mal. Alors, souvent – si on fait un peu notre examen de conscience, de temps en temps – on réfléchit à ce que nous avons vécu… et on se rend compte… que nous avons fait le Mal. Échec… donc c’est un peu désespérant ! Du coup, pour sortir de cette impasse, nous choisissons de ne pas faire de ‘grand Mal’, et ce sera confortable ! Je me rappelle une personne qui qui m’a dit : ‘vous savez, mon père, je n’ai pas tué, je n’ai pas volé, je n’ai pas frappé mon enfant, je n’ai pas trompé ma femme’. Heureusement, et tant mieux ! Mais ce n’est pas suffisant. Parce que si, à la fin de ma vie, je me dis : ‘je n’ai pas tué, je n’ai pas volé, je n’ai pas trompé’, je ne suis pas sûr que cela me remplisse le cœur, je ne suis pas sûr que cela me comble de joie… Au contraire, cela peut ressembler à de la frustration. Oui, on aura eu une vie, elle aura été ‘correcte’, mais quand on dit qu’elle a été correcte, cela veut dire qu’elle aura été un peu médiocre ! Malheureusement, c’est souvent notre tentation – la mienne aussi – de choisir une petite vie confortable, et un peu médiocre.
II – l’ambition du Christ pour nous
Ce que nous invite à vivre Jésus, ce n’est pas une petite vie confortable et médiocre. Au contraire. Il nous invite à un peu plus loin, un peu plus haut. Il nous invite à la vraie joie et au vrai bonheur. Il nous invite à croire en la miséricorde et en l’amour de Dieu. Dieu nous aime, et ça cela ne dépend pas de nous. Dieu nous aime et Il ne se lassera pas de nous aimer. Et Il nous invite à une réponse, et cette réponse sera le chemin de notre joie et notre bonheur. Et, vous le savez, cette réponse, c’est que nous aussi nous aimions. Et, donc, entre éviter le Mal, ou choisir une petite vie médiocre, ou bien la troisième voie, choisir d’aimer sans nous lasser, à la mesure de Dieu. Et vous le savez, la mesure de Dieu, c’est d’aimer sans mesure.
Peut-être que nous serons peut-être un peu fatigués à la fin, mais ce n’est pas grave : parce que nous serons dans la joie. C’est cela la « grande épreuve » dont nous parlait la Première Lecture : « Ces gens vêtus de robe blanche, qui sont-ils, et d’où viennent-ils ? (…) Ils viennent de la grande épreuve. Ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies dans le sang de l’Agneau. » Ils se sont laissé entraîner dans une ambition folle : ressembler à Dieu. Rien que cela !
Alors, ce que Jésus nous invite à faire, c’est de choisir d’être ambitieux, d’aimer sans compter, de la manière un peu paradoxale qui n’est pas tout à fait la manière du monde. Oui, pleurer avec ceux qui pleurent, avoir le cœur pur, simple, transparent. Être artisan de paix. Accepter la persécution. Avoir le cœur pauvre. Ce n’est pas la logique du monde ; mais, si nous choisissons cela, nous sommes sûrs d’une chose : c’est que le monde ne va pas aimer, et, que pour nous, ce ne sera pas confortable… Mais cela n’est pas grave, car le but dans la vie, ce n’est pas d’avoir une vie confortable. Notre but dans la vie, c’est d’être tout entier dans l’amour, dans la plus grande joie et le plus grand bonheur.
III – Rien n’est possible sans Jésus
Alors, tout cela, c’est un beau programme, nous l’avons vu. Et lorsque nous essayons de le mettre en œuvre, cela rate encore… parce que nous avons une petite tendance à compter sur nos propres forces. Et aimer sans mesure avec nos propres forces, cela ne marche pas. Il s’agit de nous appuyer sur Dieu, il s’agit de nous appuyer sur le Christ Jésus. Il se trouve qu’il y a quelques années maintenant, notre pape François a publié une petite exhortation apostolique ; et celle-ci commence par ces mots, et c’est donc son titre, : « Gaudete et Exultate ». Autrement dit, réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse. Cela nous invite très concrètement à poser des actes d’amour chaque jour. Je vous la recommande, si vous ne l’avez pas lue. Cela coûte 4,50 euros, et on la trouve aussi sur internet. Très concrètement, il évoque les petits services rendus, les petites attentions à son mari, à sa femme, à ses parents, à ses voisins, aux gens qu’on croise dans la rue. Et il le fait en suivant le programme que sont les Béatitudes.
Mais « Gaudete et Exultate », « réjouissez-vous soyez dans l’allégresse », c’est la conclusion, non pas seulement de « Heureux les pauvres de cœurs », non pas seulement de « Heureux les doux », ou « Heureux les cœurs purs ». Non, c’est aussi la conclusion de « Heureux êtes-vous si on vous insulte, si l’on vous persécute, si l’on dit faussement toutes sortes de mal à cause de Moi ».
La vraie joie, le vrai bonheur, le plus grand amour, l’ambition pour laquelle nous sommes faits, ce que veut Dieu pour nous, tout cela passe par Jésus. Jésus. Jésus ! C’est Lui qu’il s’agit de mettre dans notre vie. Le saluer le matin, Lui parler le soir, être Son compagnon à toute heure et toute minute de la journée. Jésus qui nous enseigne, qui nous aime, Jésus qui meurt sur la Croix, Jésus qui nous sauve, qui ressuscite. Si nous voulons nous appuyer sur ce roc qu’est Jésus, pour entrer dans cette joie-là, il s’agit que nous Le regardions et que nous nous laissions regarder par Lui, que nous L’aimions, et que nous témoignions de Lui.