L’action de grâce, à la source de la Foi

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Homélie du 28e dimanche de TO, C – 9 octobre 2022
par l’abbé Gaël de Breuvand
2 R 5, 14-17 ; ps 97 ; 2 Tm 2, 8-13 ; Lc 17, 11-19

La semaine dernière, il y avait eu une question des disciples, ou plutôt une demande : « Augmente en nous la foi » ; et, d’une certaine manière, Jésus n’avait pas répondu. Il leur avait dit : ‘si vous avez la foi grosse comme une graine de moutarde, vous pourriez transporter des montagnes’. Ce qui implique qu’il n’y a pas besoin de beaucoup de foi : avec un tout petit peu de foi, on peut changer le monde ! Mais cela ne répond pas à la demande de « Augmente en nous la foi » et cela ne répond pas non plus à la question : comment est-ce qu’on fait pour avoir une foi qui grandit ? Et là, dans les textes de cette semaine – dans l’Évangile, c’est même la suite de ce qu’on a entendu la semaine dernière – on a comme une réponse.

I – Dieu est le Dieu de tous

            Tout d’abord, j’aime beaucoup ce texte de Naaman, ce général syrien qui a la lèpre ; vous savez, c’est une maladie de la peau qui défigure, qui isole, d’autant plus qu’à l’époque on pense que c’est très contagieux, donc on met les gens hors de la société. Voilà qu’on distingue une lèpre chez Naaman, donc, pour lui, c’est quasiment une mort sociale qui arrive… Et puis voilà qu’il y a une petite jeune fille, une servante, qui dit : ‘Ah si mon maître allait en Israël, il trouverait un prophète qui serait capable de le guérir’. Alors, Naaman, en désespoir de cause – c’est peut-être la dernière chance – y va. Et le prophète Élysée ne le regarde même pas ! Il lui fait dire, alors que c’est un général syrien, un païen, certes, mais quelqu’un d’important, de se baigner sept fois dans le Jourdain. Et Naaman, tout d’abord, repart fort mécontent en disant : « il me prend pour qui ? Se baigner sept fois dans cette petite rivière comme le Jourdain ? J’ai des fleuves bien plus importants chez moi ! » Heureusement, il y a un serviteur – il est bon d’avoir des serviteurs, des gens plus petits que soit – qui lui dit : si le prophète t’avait demandé de faire quelque chose de difficile, tu l’aurais fait, et là il te propose de faire quelque chose de très simple : tu peux peut-être le faire…. Alors, Naaman décide de le faire. Rien à perdre, quoi… On ne peut pas dire qu’il le fasse dans une logique de foi : il est inquiet, stressé, c’est peut-être un dernier recours… Cela ne lui fera pas de mal, en tous les cas. Et voilà qu’il se baigne sept fois dans le Jourdain… et il est guéri ! Et là, son cœur se remplit de joie, et il décide – et c’est là un point très important – d’aller manifester sa reconnaissance. Il va voir Élysée et lui dit : « tout ce dont tu as besoin je te le donne », et Élysée lui dit : « non je n’ai pas de besoin, moi. Les dons de Dieu sont gratuits ».

Et c’est là que, chez Naaman, on a cette parole étonnante : « Je reconnais maintenant le Dieu d’Israël comme mon Dieu. » Il fait un acte de foi, « je ne veux désormais honorer, vénérer, et servir que le Dieu d’Israël. » Et cela nous dévoile deux choses : un, c’est que Naman est le premier non Israélite à croire en le dieu d’Israël, parce qu’à l’époque les dieux sont limités : chacun son pays, on ne se mélange pas ! Et cela nous dévoile que Dieu est le dieu de tous, Il veut le Bien pour tous, qu’ils soient juifs, païens, chrétiens, non chrétiens. Dieu est le Dieu et le Père de tous. Et en 700 avant J.-C., c’était une incroyable nouveauté ! Aujourd’hui, on est un peu plus habitué. L’action de grâce de Naaman qui se transforme en un acte de foi !

II – Jésus guérit les corps, mais surtout les cœurs

Et puis, quelques siècles plus tard, Jésus est entre la Galilée et la Samarie, et voilà qu’au loin, Il voit dix lépreux, qui Lui crient : « Maître, prends pitié de nous ! ». Et Jésus ne s’approche pas, et ne les laisse pas non plus s’approcher. C’est de loin qu’Il leur dit « Allez vous montrer aux prêtres », de loin, et ils y vont… Là aussi, on peut se dire qu’ils sont un peu désespérés. Chez eux, il y a quand même une petite confiance, car ils savent que Jésus a déjà guéri des lépreux. Il ne l’avait pas fait comme ça : la dernière fois qu’Il a vu un lépreux, il l’avait touché. Là, de loin Il dit : « Allez vous montrer aux prêtres. » Et les dix sont guéris ! Or, quelle est la différence entre les dix ? Les dix sont guéris physiquement, mais il n’y en a qu’un qui revient. Et celui qui revient, ce n’est pas un très bon Juif, c’est un Samaritain : ils ne sont pas très bien vus des Juifs, les samaritains : leur religion ressemble au judaïsme, mais pas tout à fait. Et c’est celui-là qui revient auprès de Jésus pour rendre grâce, non pas pour Le reconnaître comme un maître, mais pour Le reconnaître comme un Messie, un fils de Dieu. C’est pour cela qu’il se jette aux pieds de Jésus, face contre terre. Imaginez : il se met à genoux et vient poser sa tête par terre… et on ne fait cela que devant Dieu !

Il vient rendre grâce, et Jésus conclut avec une parole étonnante ; parce que la guérison physique, c’est une chose, mais ce que lui dit Jésus, c’est autre chose : « Ta foi t’a sauvé. » « Ta foi t’a sauvé ». Autrement dit, l’acte de reconnaissance, l’acte d’action de grâce, de remerciement – en grec, on dirait l’acte d’eucharistie – que ce lépreux guéri vient d’accomplir, a fait grandir en lui la foi, et cette foi le sauve ! Ce qui montre le projet de Dieu pour nous. La lèpre, qu’est-ce que c’est ? Une maladie qui abîme notre corps, et qui nous isole, qui nous met à part de la société. Eh bien, dans l’ordre de la vie terrestre, corporelle, cette maladie-là ressemble à une autre réalité, spirituelle : elle ressemble au péché, qui est une maladie du cœur qui nous isole, qui nous abîme, et qui nous blesse. Et Jésus est capable guérir les corps, mais Il est aussi – et surtout – capable de guérir les cœurs.

, III – l’Action de grâce, chemin de Salut

Jésus, au jour de notre baptême, nous a fait le cadeau de la foi, pour nous guérir, pour nous sauver, pour nous sortir de notre isolement, de notre maladie, en particulier celle du cœur. Et il s’agit que nous accueillions ces cadeaux, ces dons. Comment faire ? En rendant grâce, comme Naaman, comme ce lépreux samaritain. Rendons grâce à Dieu pour les merveilles qu’Il accomplit dans nos vies. Il en fait tous les jours : certaines sont extraordinaires, dont on se souvient longtemps ; et puis, il y a toutes les petites choses de la vie ordinaire, qui nous montrent que Dieu est là, près de nous. Le Christ est là pour nous sauver, Il nous parle, Il nous aime. Si nous sommes ici, dans cette église, c’est que nous voulons faire Eucharistie, rendre grâce. L’Eucharistie, c’est véritablement la bonne action de grâce, l’action de grâce excellente. Pourquoi ? Parce que c’est celle de Jésus, et Il nous entraîne dans cette eucharistie, dans cette belle action de grâce. Et, du coup, en accomplissant cette action de grâce, en nous, la foi grandit, et le Salut nous est donné. « Oui, voilà une parole digne de foi », c’est saint Paul qui parle dans Deuxième Lecture. « Voilà, une parole digne de foi : si sommes morts avec Jésus, nous vivrons avec Lui ; si nous supportons l’épreuve avec Jésus, nous régnerons avec Lui ». Si nous manquons de foi, Lui est toujours là pour nous.

Il s’agit que nous nous tournions vers Lui, que nous fassions œuvre d’action de grâce pour nous-mêmes, et puis pour notre monde. C’est difficile, de nos jours : lorsqu’on regarde le monde, on n’a pas tellement envie de rendre grâce… Et pourtant, il y en a bien, des motifs, il ne faut pas se laisser disperser ou assommer par ces nouvelles, il y a de belles choses, et donc il faut les relever, les mettre devant nos yeux, et remercier leur auteur. Cela peut être quelqu’un de vivant sur la Terre, un frère, un mari, un enfant, un voisin, ou un peu plus loin, mais c’est aussi et surtout Dieu, en premier, qui donne Son amour, pour que cet amour brûle le monde, pour que cet amour incendie la Terre.