Moi, si j’avais commis tous les crimes possibles…

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24e dimanche du TO, année C

par l’abbé Gaël de Breuvand,
Ex 32, 7-11.13-14 ; ps 50 ; 1 Tm 1, 12-17 ; Lc 15, 1-32

Homélie du 11 septembre 2022 par l’abbé Gaël de Breuvand

L’Église a choisi de nous donner aujourd’hui dans l’Évangile selon saint Luc le chapitre 15 en entier. Cela nous fait une bonne tranche de parole de Dieu, qui nous est donnée pour nous nourrir. Si on reprend le thème des lectures d’aujourd’hui, on se rend compte qu’il y a une vraie cohérence. On nous parle d’abord du pardon et de la miséricorde du Seigneur. On nous parle ensuite du péché.

I – Le Christ abandonne tout pour nous…

Si on prend l’ensemble de ces lectures, il y a une phrase de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus qui vient comme donner la pointe de ce que nous devons retenir : « Moi, si j’avais commis tous les crimes possibles, je garderais toujours la même confiance, car je sais bien que cette multitude d’offenses n’est qu’une goutte d’eau dans un brasier ardent. »  Ce que dévoilent ces lectures, c’est que Dieu nous aime. Il nous aime sans condition, et Il veut notre bien et notre joie. Il veut faire de nous Ses amis, Il veut faire de nous Ses fils. Et cette main qu’Il tend vers nous, Il ne se lasse pas de la tendre. Jésus a raconté trois paraboles, celle de la brebis perdue, la pointe c’est que le bon berger, Jésus lui-même, est capable de tout abandonner, de tout lâcher pour nous. Vous êtes, je suis, la brebis perdue, et Il ne se lasse pas de nous retrouver. « Lequel d’entre vous, s’il a cent brebis, et qu’il en perd une, ne va pas chercher la centième ? » Moi, je n’y vais pas… En général, lorsqu’on en a cent et qu’on en perd une, on veille particulièrement sur les 99 autres. Mais ce n’est pas la logique du Christ. Chacun est un, une personne, unique, une perle précieuse aux yeux du Seigneur et Il ne peut pas se passer d’un seul d’entre nous. De même, pour cette femme qui cherche sa dixième pièce… Chaque fois qu’une brebis, qu’une pièce, qu’un homme se retrouve dans l’unité avec ses frères, dans l’unité avec son Père, il y a de la joie au ciel.

II – Le moteur de la conversion est au fond de notre cœur : l’Esprit qui nous est donné

Et cette 3e parabole, on la connaît par cœur, et pourtant on mérite toujours de la reprendre, parce que c’est la merveille de Dieu qui est dévoilée ici. Le fils cadet, le deuxième, a dit : ‘moi père je veux faire comme si tu étais mort, donne-moi ma part d’héritage.’ C’est violent, c’est le genre de choses qui ne se pardonne pas ! Puis, il s’en va, il gaspille tout, il ne compte pas… Et, quand il est au fond du trou, au fond de la misère, là, et c’est admirable, il pense à la maison, il pense à son père. Il se voit bien comme complètement indigne de reprendre ses droits dans la maison ; alors, il se voit revenir comme serviteur, comme esclave. Cette pensée-là est introduite par « il rentra en lui-même ».

Il a bien raison de rentrer en lui-même car, là où nous devons rencontrer Dieu, c’est au fond de nous-mêmes. C’est ce que nous dit saint Augustin : « J’ai cherché Dieu partout, et c’est seulement en l’intime de l’intime de moi-même que je L’ai trouvé. » Il s’agit pour nous de se mettre à l’école de ce fils prodigue, à l’école de saint Augustin, de rentrer en nous-mêmes pour aller rencontrer Dieu et découvrir qu’Il nous attend. Il s’est mis en route, il se convertit : « je me lèverai et j’irai vers mon père. » Il est parti dans un sens, et il fait demi-tour, il revient : c’est une conversion, c’est un changement de vie. Il a décidé, il ne sait pas exactement en quoi cela va consister, mais sa décision est prise. Et, lorsque son père l’aperçoit au plus loin – il faut imaginer que le père l’attendait – le père court vers lui. Cette histoire-là, c’est notre histoire à tous. Nous sommes tous invités à retourner vers notre Père et à aller vers Lui, et Lui ne nous attend pas, Il court vers nous, et Il se réjouit, et le ciel entier se réjouit lorsque nous choisissons d’avancer vers Dieu, vers notre Père, vers la maison.

III – Missionné pour transmettre la miséricorde du Seigneur

Et puis, il y a le fils aîné, c’est la même histoire. Parce que ce fils aîné semblait être resté dans le cercle intime, dans ses habitudes, ses bonnes habitudes ; mais il avait perdu le cœur, l’essentiel, il avait perdu l’amour. Et quand le fils cadet rentre, lui, l’aîné, refuse de rentrer, il reste dehors. Et encore une fois le bon berger intervient, le père sort, il va à sa rencontre, il veut retrouver son fils, il veut lui faire comprendre une chose : c’est que l’amour et la promesse de Dieu, nous en sommes chacun aussi dépositaire. Nous sommes chargés d’aimer au nom du Père. Dieu n’est pas très palpable et, dans notre monde, on a l’impression qu’Il est le grand absent ; mais c’est un choix d’amour qu’Il nous a fait. Cet amour et cette promesse de Dieu, c’est nous qui sommes chargés de la donner, de la porter au monde qui en manque tant. C’était le verset de l’Alléluia. « Dans le Christ, Dieu réconciliait le monde avec Lui, Il a mis dans notre bouche la Parole de la réconciliation. » Nous sommes chargés, nous, chrétiens, de nous témoigner de l’amour de Dieu et de le donner aux autres.

IV – C’est Dieu qui appelle, et cet appel nous dépasse

Et, un tout dernier point, avec ce passage de la Lettre de saint Paul à Timothée, ce disciple bien-aimé de Paul. « Moi, je suis le premier des pécheurs, s’il m’a été fait miséricorde, c’est afin qu’en moi, en moi, le premier, le Christ notre Seigneur bien-aimé montre sa patience et donne un exemple à ceux qui croient en Lui. » On pourrait se dire : ‘Dieu ne peut pas m’appeler, parce que je ne suis pas parfait’. Pour vous dire – petit témoignage personnel – lorsque je me suis posé la question, vers 20 ans, de devenir prêtre – pour la première fois, ça n’a pas été la dernière ! – je me suis dit : ‘non, prêtre, ce n’est pas pour moi, parce que, pour être prêtre, il faut être parfait’. Alors, à ce compte-là, si effectivement pour être prêtre il fallait être parfait, il n’y aurait pas beaucoup de prêtres. Non, le Seigneur prend des instruments, chacun d’entre nous à notre appel, notre vocation propre, tels que nous sommes, instrument loin d’être parfait, instrument blessé – c’est tragique – mais le Seigneur nous fait confiance, non pour faire parfaitement les choses, mais les faire du mieux possible, en donnant tout ce que nous sommes. Et le Seigneur, Lui, complète, fait déborder tout cela. Il s’agit pour nous de répondre à l’appel de Dieu. C’est accepter – ce n’est pas évident, et notre monde ne nous aide pas beaucoup pour cela – de répondre à son appel, c’est rentrer en nous-mêmes, faire silence et y rencontrer Dieu, L’écouter, Lui répondre certainement en changeant de vie.

La conversion, c’est l’histoire d’une vie. Parce que si le ciel est là, nous sommes en train d’y aller mais un petit peu décalé, il faut nous tourner vers le Seigneur, nous mettre à Sa suite, répondre à Son appel. « Oui, écoute, ton Dieu t’appelle, Il t’aime, Il te pardonne. » « Moi, si j’avais commis tous les crimes possibles, je garderais toujours la même confiance, car je sais bien que cette multitude d’offenses n’est qu’une goutte d’eau dans un brasier ardent. »