Assomption – En son corps et en son âme

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Homélie pour le 15 août 2022
par l’abbé Gaël de Breuvand

1er novembre 1950, il y a foule sur la place Saint-Pierre à Rome, et le pape Pie XII, suite aux réclamations nombreuses de tous les prêtres, de tous les évêques chrétiens, proclame que « la Vierge Marie, ayant accompli le cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire du ciel ». Acte solennel, acte fondamental, puisque c’est la proclamation du dogme de l’Assomption. Autrement dit, cette vérité, cette petite phrase, c’est une chose que nous, chrétiens, nous devons croire, parce que sinon nous ne pouvons pas nous dire catholiques. On va dire : à quoi ça sert ? La Sainte Vierge n’est pas si importante, le plus important, c’est Jésus… C’est vrai que Jésus est le plus important, mais la Sainte Vierge l’est aussi. Pourquoi ? Qu’est-ce qui nous est dit dans ce dogme ? Quelle est la vérité de foi qui fait qu’il faut y croire pour être chrétien ?

I – Dieu crée l’homme, un de corps et d’âme

Le passage le plus important est : « elle fut élevée corps et âme à la gloire du ciel. » Vous vous rappelez le début de l’histoire : Dieu crée, Il crée toutes choses, et Il crée l’être humain « Il le crée à Son image, à Son image, Il le crée, homme et femme, Il les a créés ». Et comment cela s’est passé ? Il a modelé un corps de chair à partir de ce qui existait déjà, et Il lui a insufflé un souffle de vie. C’est là que l’on voit l’apparition de ce corps, charnel, et l’apparition de cette âme spirituelle. Et il y a une tentation dans l’Histoire de l’Église et dans l’Histoire tout court : c’est de distinguer ce qui est spirituel de ce qui est charnel, et de les distinguer tellement qu’on les sépare. Et bien souvent – cela a existé : c’est le manichéisme – considérer qu’il y a un dieu du Bien qui gouverne tout ce qui est spirituel, et puis il y a un dieu du mal qui lui gouverne tout ce qui est corporel. Les Cathares ont cru cela, certaines tendances protestantes, les puritains, certaines formes de jansénisme, pour nous dire que tout ce qui est corporel, on s’en éloigne, et tout ce qui est spirituel, on le garde. Avant, en philosophie, c’était Platon qui pensait cela. Donc, dans cette logique-là, il faut se débarrasser au plus vite de nos corps, et puis, après, quand nous mourrons, ce sera un jour de joie, nous serons un ange, une étoile.

Le problème c’est que Dieu nous a créés de corps et d’âme ; et si je deviens un ange, alors je ne suis plus un homme. Comment Dieu peut-il m’aimer s’il veut que je devienne autre chose ? Je ne serai ni un ange, ni une étoile, une fois que je serai mort, mais un homme. Dieu nous aime tels que nous sommes, Il nous a créés un, de corps et d’âme ; et les deux sont nécessaires. Et c’est en contemplant ce que nous sommes, de corps et d’âme, qu’Il dit « cela est bon, cela est très bon. » Donc, notre corps est bon. Nous sommes un, de corps et d’âme ; et, en même temps, on le sent bien, il y a en nous un petit tiraillement entre nos appétits qui sont souvent un peu terrestres, et notre appel à devenir comme Dieu. C’est ce qu’il s’est passé au chapitre 3 de la Genèse : vous vous rappelez : le serpent s’approche et dit : « alors comme ça vous ne pouvez pas manger ni vous approcher des arbres du jardin ? » « Ah, si, si, mais celui-là, si on y touche, on meurt. » « Mais non, pas du tout, si vous en mangez, vous serez comme des dieux. » Ah c’est intéressant, c’est ça la tentation : devenir Dieu par nos propres forces, alors que le projet de Dieu c’est bien de nous rendre semblables à Lui. Mais comme êtres humains, comme hommes, toujours et encore avec nos corps et nos âmes.

Le péché, c’est de prendre un raccourci, qui est, je vous le dis, une fausse piste. Un raccourci en pensant obtenir la joie et le bonheur, en pensant atteindre notre finalité par nos propres moyens.

Nous sommes donc à l’image de Dieu et nous sommes créés pour aimer et pour nous laisser aimer. Et, vous le savez comme moi, c’est un combat de tous les jours. Aimer, ce n’est pas si facile, c’est donner son temps et son énergie pour la joie et le bonheur des autres. Pour la joie et le bonheur des autres ! Cela ne veut pas dire que cela me plaît, ce n’est pas forcément confortable, parce que nous sommes appelés à aimer chacun et tous ceux qui sont autour de nous, même ceux qui nous épuisent. Et, inversement, eux aussi sont appelés à m’aimer, même ceux qui sont insupportables, et parfois c’est rassurant. Et Lui, Dieu, m’aime et Il me donne Sa grâce, et pourtant même malgré ça, je n’arrête pas de perdre le combat, je n’arrive pas à aimer. Je me replie sur moi-même, je préfère prendre des raccourcis qui n’en sont pas. Mais, Dieu ne se lasse pas de nous aimer, alors, Il nous envoie Son Fils. Et, là encore, le Fils qu’Il nous envoie, c’est Jésus, qui est véritablement homme, qui a un corps et une âme, comme nous. Il est homme de corps et d’âme. Il n’est pas Dieu qui se serait déguisé en homme avec une sorte de costume. Non, Il est Dieu et Il est pleinement, complètement, et absolument homme. Et Lui, petit Jésus, pleurait quand Il avait faim, ou quand Il trouvait que c’était un peu long.

II – Par la croix, Marie atteint le Ciel

C’est Lui qui nous sauve, et comment est-ce qu’Il veut faire ? Il veut nous unifier. Que cette division qui est dans notre cœur, dont parlait sait Paul, – « Je fais le mal que je ne veux pas et je ne fais pas le bien que je veux. » – que cette division dans notre cœur soit guérie ; et comment le fait-Il ? Il nous offre Sa vie sur la Croix, pour nous.

Et puis il y a le cadeau de Marie. Parce que la Croix de Jésus, sur l’échelle du temps, elle n’est pas au milieu, elle est au-dessus, et elle éclaire toute l’Histoire de l’Humanité. Tous ceux qui ont rencontré Dieu, de puis Abraham, en passant par Joseph, Marie, et tous les prophètes, ils L’ont rencontré grâce à Jésus. La Croix de Jésus éclaire toute l’Histoire de l’Humanité, avant l’an 30 et après. Et Marie a reçu ce cadeau immense, grâce à la Croix de Jésus, d’être née sans péché, il n’est aucune division en elle. Elle est une, de corps et d’âme. Cela ne veut pas dire que le mal ne l’a pas attaquée, elle a vu son Fils mort sur la Croix, elle a eu le cœur transpercé comme par un glaive, voilà sa souffrance, mais une, de corps et d’âme, elle a toujours gardé son espérance et cette foi en Dieu, qui lui avait promis que Son Fils serait le Sauveur. Et Marie arrive au terme de sa vie terrestre, et elle ne connaît pas la division terrestre : elle est pleinement une de corps et d’âme. Il n’y a pas de rupture de péché en elle. Alors ? Conséquence ? Lorsqu’elle arrive à la fin de sa vie terrestre, elle est emportée au ciel. Mais, nous, lorsque nous mourrons, il y aura encore une fois une division : notre âme va rester auprès de Dieu, et notre corps restera sur la Terre et va se déliter. Mais elle, qui est déjà une, elle est emportée avec son corps, elle est déjà ressuscitée. Elle est la première des ressuscités, juste après Jésus, elle est là auprès de Dieu, elle peut aimer et se laisser aimer. Elle est aimée par Lui toute entière. Cela nous renvoie à notre avenir. Nous nous retrouverons tout entiers auprès de Dieu avec nos corps et nos âmes. Nous ne sommes pas faits pour être des anges, nous ne sommes pas faits pour être des étoiles. Nous sommes faits pour nous retrouver avec nos corps et, le jour où nous ressusciterons tous ensemble, ce sera un grand jour de joie, nous pourrons nous serrer dans les bras. Nous pourrons nous aimer humainement. Les aspects techniques de la question, on ne les maîtrise pas bien, mais c’est la promesse de Dieu, c’est ce qu’affirme le dogme de l’Assomption. Nous nous retrouverons tous : ce ne sera pas au ciel, mais sur une nouvelle terre. Et nous nous retrouverons, et nous vivrons. Les seuls exemples de ressuscités que nous connaissons, c’est Jésus et Marie, donc on n’en sait pas grand-chose, mais nous nous retrouverons pleinement humains.

III – Notre vie, un chemin de purification

Nous avons vu notre passé, nous avons vu notre avenir. Il faut parler du présent. Aujourd’hui, nous sommes sur un chemin, que Marie a connu, et Jésus, dans une certaine mesure, l’a également connu. En tout cas, Jésus nous entraîne sur ce chemin, un chemin de purification – on n’aime pas trop ce mot ; il faut repenser à la chimie : en chimie, un corps pur est un corps qui est sans mélange. Un bloc d’or, il n’y a que de l’atome d’or, à la différence de composé, etc.- Ce chemin de purification, c’est de faire en sorte qu’en nous il n’y ait aucun mélange, qu’il n’y ait que notre humanité sainte. D’ailleurs, « sanctification » cela veut dire la même chose que simplification, unification, purification. Pour purifier de l’or, si vous avez des particules étrangères à l’or, on le chauffe, on le fait fondre et alors surnage ce qui n’est pas de l’or, et on attrape ces particules. Mais sur terre, dès aujourd’hui cette purification, c’est de se laisser travailler par le Seigneur pour qu’Il ne garde que ce qui Lui correspond. Ce travail est un travail, véritablement. C’est se poser, se laisser regarder par le Seigneur et choisir d’aimer. Tiens, aujourd’hui, que vais-je faire pour telle personne, pour sa joie, pour son bonheur ? Ma voisine, cela fait longtemps que je ne lui ai pas parlé, que je n’ai pas pris le temps, et pourtant elle est bavarde, et c’est un peu pénible. Mais je prends ce temps pour l’autre. En fait, être unifié, être purifié, être sanctifié, c’est l’amour gagné dans nos vies. C’est ce qu’a fait Marie. Et le chemin, c’est d’entrer dans ce qu’elle est, ce qu’elle vit, cette humilité, cette obéissance, cette offrande. Pourquoi Marie est la toute pure, la toute simple ? Parce qu’elle a su s’offrir. L’offrande de soi doit être notre pain quotidien, c’est ce que nous devons vivre et travailler chaque jour. L’offrande de soi c’est se donner tout entier à Dieu d’abord, et puis cela s’articule dans nos vies et nous nous donnons à nos frères, à tous ceux qui nous entourent. C’est fatigant : parfois, cela ne nous donne pas envie, mais le Seigneur nous promet une chose, c’est que c’est le vrai chemin du bonheur et de la joie, c’est le chemin de notre unité, c’est le chemin de la purification, c’est le chemin de Dieu lui-même, parce que ce que veut Dieu, c’est que nous nous retrouvions avec Lui et que nous fassions ce pour quoi nous sommes faits : aimer et se laisser aimer.

Être dans la joie la plus parfaite, avec Marie, avec tous les saints du ciel, aimés de Dieu et en l’aimant. Cela commence aujourd’hui, et cela ne finira pas.