Homélie 5 juin 2022, Pentecôte, année C,
par l’abbé Gaël de Breuvand,
c’est la transcription d’une prédication orale
Ac 2, 1-10 ; ps 103 ; Rm 8, 8-17 ; Jn 14, 15-16.23b-26
Intro – Le don de la Loi nouvelle
Fête de l’Esprit Saint : Pentecôte, cinquante jours après Pâques. Vous le savez peut-être, chez les Juifs, c’était déjà une fête, c’est pour cela qu’il y a tant de monde à Jérusalem ce jour-là. Fête de Chavouot : on faisait mémoire du moment où Dieu avait fait le don de Sa loi, les dix commandements, cette loi qui avait été gravée sur des tables de pierre. Et les prophètes, tout au long des âges, avaient annoncé qu’une loi nouvelle serait donnée, et que cette loi nouvelle serait désormais inscrite, non plus sur des tables de pierre, mais dans les cœurs. Et c’est ce qui s’accomplit aujourd’hui. La loi qui nous est donnée n’est plus une loi écrite, mais une loi que nous sommes appelés à vivre ; et c’est l’Esprit Saint qui accomplit cela.
I – Qu’est-ce que l’Esprit-Saint ?
Alors qu’est-ce que c’est que l’Esprit Saint ? C’est un peu difficile à dire ! Autant le Père, on arrive à le concevoir, et je dirais qu’on n’a pas besoin d’être chrétien pour percevoir l’existence d’un Dieu Créateur, qui existe depuis toute éternité. Le Fils, Lui, on fait mieux que Le concevoir, car on L’a vu, on L’a entendu, on L’a touché. Mais l’Esprit Saint… Il nous est présenté comme ‘souffle’, c’est le premier mot, « roua’h » en hébreu, « l’Esprit de Dieu planait sur les eaux », « le souffle de Dieu planait sur les eaux »… C’était au moment de la Création. Il nous est présenté comme un ‘feu’ – on l’a entendu aujourd’hui – qui brûle, éclaire et réchauffe. On l’a vu aussi descendre sur Jésus comme une ‘colombe’. Oui, l’Esprit Saint est créateur, Il participe à l’action de Dieu tout entier dans la Création du monde, Il est donneur de vie : « Dieu insuffla un souffle de vie dans l’homme qu’Il avait modelé ». Ici, dans l’évangile, Il nous est présenté comme un ‘défenseur’. En grec, le mot est « paraclet » ; on peut le traduire aussi comme « avocat ». Il prend position pour nous. Et puis, Il nous est aussi présenté comme un ‘enseignant’. C’est Lui qui nous fera entrer, connaître la vérité toute entière. Voilà ce qu’on peut dire de l’extérieur sur l’Esprit Saint.
II – Que fait l’Esprit ?
Nous avons de la chance, cette année : autant la Première Lecture ne change jamais – nous avons toujours celle de la Pentecôte, des actes de Apôtres –, autant la Deuxième Lecture et l’Évangile changent. Et, cette année, nous avons entendu ce passage de saint Paul dans la Lettre aux Romains. Saint Paul nous explique que, par le don de l’Esprit Saint, nous devenons Fils, et c’est là le cadeau de Dieu. Nous sommes, par création, des créatures aimées de Dieu, voulues en tant que personnes par Dieu, créées à Son image ; mais il n’y a pas, encore, ce lien de filiation. Parce que, pour qu’il y ait un lien de filiation, il faut à la fois que le Père veuille, et que le Fils veuille. Par l’Esprit Saint qui vient s’installer dans nos cœurs, nous devenons capables de nous reconnaître en Dieu, notre Père et nous pouvons l’appeler « Père », « Abba », « Papa ». C’est Dieu ! C’est là le grand cadeau. Nous devenons capables de répondre à la Parole de Dieu. Et la Parole de Dieu sur nous, c’est d’abord un « Je t’aime » et c’est parce que nous avons l’Esprit Saint dans le cœur que nous pouvons lui répondre : « je T’aime ». Il n’y a que chez les chrétiens qu’on aime Dieu ! Dans toutes les autres religions du monde, il y a un immense respect pour Dieu, il y a une adoration de Dieu ; mais, pour nous, chrétiens, notre choix et le cadeau qui nous est fait, c’est que nous pouvons ‘aimer’ Dieu, parce que Lui nous aime. Oui, nous devenons Fils, non pas par notre propre force, vous le savez bien, c’est parce que Jésus est venu habiter au milieu de nous que Lui, le Fils de Dieu, s’est dévoilé au jour de Son baptême, où nous avons vu le ciel s’ouvrir : nous avons l’Esprit Saint, « comme une colombe », descendre sur Lui, et nous avons entendu cette voix : « Tu es Mon Fils bien-aimé ». Et pour nous, chaque fois que nous choisissons d’accueillir l’Esprit Saint dans nos vies, – et au premier moment, c’est au jour de notre baptême -, nous sommes des Jésus, des Christ, des chrétiens, nous sommes des fils, comme Jésus est Fils, et nous pouvons entendre cette parole de Dieu sur chacun de nous « tu es mon Fils, mon enfant bien-aimé, en Toi je trouve Ma joie ». Et nous sommes invités à répondre : « Père », « Abba », « Je t’aime ». Ce qui était vrai pour le Fils, le Verbe éternel de Dieu, depuis toute éternité, par ce cadeau de l’Esprit Saint devient vrai pour nous.
III – L’Église est missionnaire dans son essence
Mais, vous allez me dire : on parle de Pentecôte, et vous nous parlez de baptême ! Il y a quand même un lien, car c’est l’Esprit Saint qui agit dans le baptême. Mais, effectivement, quand on pense Pentecôte, on pense peut-être plutôt confirmation. Cette confirmation, elle est bien exprimée dans la Première Lecture, cet événement de la Pentecôte, des cinquante jours : « Un grand coup de vent », « l’Esprit Saint comme une flamme de feu », et les voilà capables de parler, de sortir de chez soi, d’annoncer la bonne nouvelle du Christ : « Dieu a tellement aimé le monde, qu’IL a envoyé Son Fils unique », Dieu a tellement aimé le monde qu’Il fait de chacun de nous Ses fils.
Est-ce qu’on pourrait se poser une question : à Jérusalem, ce jour-là, Pentecôte, fête de Chavouot, il y a foule, et ils viennent de partout, mais ils sont tous Juifs ; donc, a priori, ils comprennent tous la langue juive. Pourquoi l’Esprit saint a-t-il jugé bon de leur parler dans leur langue maternelle ?
Cela nous fait un signe, c’est quelque chose d’un peu exceptionnel, mais l’Esprit Saint est habituellement plus discret que cela… C’est aussi un signe qui – en tout cas c’est comme cela qu’on peut le dire – qui correspond à l’essence même de l’Église. L’Esprit Saint s’adresse à tous ces peuples, aux Parthes, aux Élamites, aux Mèdes, à ceux qui viennent de la Mésopotamie, à ceux qui viennent de Chypre, de Crète, ou les Arabes, à tous ces gens-là, Il leur parle dans leur langue pour leur donner les mots dont ils auront besoin pour témoigner à leur tour. Cette Parole que donne Dieu, elle n’est pas pour qu’on La garde juste pour nous : elle est pour qu’on La donne, qu’on L’apporte au monde. L’Église est par essence missionnaire. Les chrétiens qui se disent : ‘non, moi, c’est bon, on ne va pas déranger les autres avec notre histoire de Jésus’ eh bien, ils ont perdu une dimension essentielle de ce qu’est l’Église, de ce qu’est être chrétien. Mais, évidemment, ce n’est pas mon idéologie, ma façon de penser, qu’il me faut exprimer, raconter, dont il me faut témoigner : je suis appelé à transmettre la Parole de Dieu lui-même, et c’est bien pour cela que nous sommes invités à L’accueillir. Il nous faut prier : si nous voulons témoigner, il nous faut accueillir Dieu dans nos vies. Il nous faut appeler l’Esprit Saint. C’est le cœur du sacrement de confirmation, cet Esprit Saint qui fait de nous des missionnaires. C’était déjà donné dans le baptême, mais maintenant c’est déployé. Avec ce sacrement adulte, nous sommes envoyés. Le Christ fait de nous Ses collaborateurs, Ses coopérateurs, Ses plénipotentiaires. Nous avons tous pouvoirs en Son nom. Tellement tous pouvoirs, que nous sommes chargés par Lui de transmettre l’amour de Dieu, la miséricorde de Dieu, le pardon de Dieu.
Alors aujourd’hui, en cette fête de Pentecôte, il s’agit de nous replonger dans notre baptême, de nous replonger dans notre confirmation, d’accueillir cet Esprit-Saint qui nous est donné. Lui qui nous a créés. Lui qui nous recrée chaque jour et qui fait de nous chaque jour, un peu plus et un mieux mieux des Fils. Il s’agit d’accueillir cet Esprit Saint qui nous envoie pour porter le plus beau cadeau : le Christ lui-même.