Homélie du 4e dimanche de Pâques,
par l’abbé Gaël de Breuvand.
En présence des parents préparant le baptême de leur enfant
Ac 13, 14.43-52 ; ps 99 ; Ap 7, 9.14b-17 ; Jn 10, 27-30
Aujourd’hui, dimanche du Bon Pasteur, l’Évangile que l’on a entendu était assez court, alors qu’on avait eu auparavant des lectures plutôt longues. On l’a entendu dans le chant de l’Alléluia, « Je suis le Bon Pasteur », dit Jésus. S’Il est pasteur, berger, c’est donc que nous sommes un troupeau. Mais, et c’est là toute la finesse de l’Évangile de Jésus, Il ne nous appelle pas à être des moutons qui le suivraient bêtement, mais Il nous appelle à être des « brebis ». C’est beaucoup plus délicat d’abord, et puis cela implique une fécondité, cela porte la vie.
I – Jésus délègue la mission de pasteur
Il se trouve que, dimanche dernier, nous avons entendu un évangile de la Résurrection : Jésus était apparu aux disciples, et c’était la troisième fois qu’Il apparaissait aux disciples, c’était sur les bords du lac de Galilée, et il y avait une conversation entre Jésus et le premier de Ses disciples, Pierre. Et à ce disciple, Jésus avait demandé : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » À cette question, Pierre était un peu gêné, et il avait répondu « oui, oui, je T’aime, Seigneur », et, à nouveau, Jésus avait reposé la question « Pierre, m’aimes-tu ? » et Pierre, toujours gêné, répond oui. Et, encore une fois – pour la troisième fois – la question, et Pierre répond encore une fois « oui » ; ce sont des tous petits « oui » qu’il donne, pas très sûr de lui : il se connaît. Pierre sait que deux semaines avant cet événement, il avait renié Jésus « Connais-tu cet homme ? Non, je ne Le connais pas ». Pierre avait renié… Alors, quand Jésus lui pose la question, on sent la gêne. Et pourtant, malgré cette trahison, Jésus avait dit à Pierre : « Sois le berger de Mes brebis ». Jésus est le Bon Pasteur, c’est Lui qui veut prendre soin du troupeau, des brebis. Vous l’entendez bien : un berger qui s’assoit sur un caillou en disant aux brebis « Venez me servir », cela ne marche pas. Le berger, c’est celui qui est devant le troupeau, au milieu du troupeau, celui qui est derrière le troupeau, et qui veille à la bonne direction du troupeau, sur un pâturage où elles auront à manger, où elles éviteront les précipices et les trous où elles pourraient se blesser. Voilà, le berger ! Et Jésus a choisi Pierre en premier lieu pour être, à Sa suite, berger du troupeau.
En fait, cette mission du berger, c’est bien celle de Jésus en premier lieu, mais c’est aussi celle de celui qui est connecté à Jésus, qui est lié à Lui, qui fait un avec Jésus, donc ceux qui sont baptisés. Donc, moi, prêtre, je le suis, en tout cas je suis invité à l’être. Pasteur, certainement, bon, c’est tout un travail… Mais ce n’est pas réservé aux prêtres : les époux, les épouses, sont invités à être berger, pasteur, l’un pour l’autre, à prendre soin l’un de l’autre ; les parents sont invités à prendre soin de leurs enfants. En politique, dans les sphères de leurs responsabilités, dans l’associatif, ou même en entreprise, nous avons tous, à un moment ou à un autre, un ‘lieu’ où nous sommes invités à être des bergers. Et vous le savez, un bon berger, ce n’est pas un tyran, non, il doit prendre soin.
II – La symbolique des ornements
Alors je vais me déshabiller devant vous, attention !
Le prêtre, quand il s’habille, il met l’aube, signe de la vie que Jésus lui a donnée, ce qui correspond au vêtement blanc que vous remettez à vos enfants après leur baptême. Et puis sur cette aube, le prêtre revêt ce qu’on appelle l’étole. Cette étole c’est le signe de sa charge, de cette responsabilité de berger, c’est un petit peu comme si c’était la brebis que je portais sur mes épaules. On a une représentation de Jésus Bon Pasteur : vous pourrez passer à la chapelle de la cure, il est représenté sur le tabernacle, où Jésus porte la brebis sur Ses épaules. Mais, cette représentation – ce signe de la brebis portée sur les épaules – est cachée par la chasuble, que l’on revêt et que l’on remet : cette chasuble est un grand manteau, qui nous enveloppe totalement, et qui indique la manière dont on doit être berger : parce que ce manteau, cette chasuble, c’est le signe de l’amour du Christ, qui doit nous envelopper complètement. La responsabilité que nous portons, comme pasteur, comme parent comme prêtre, comme époux, épouse, comme homme en politique, ou en association ou en entreprise, elle doit être enveloppée dans l’amour du Christ. En fait, ne doit rayonner de nous que l’amour du Christ ! C’est la symbolique du vêtement du prêtre, mais évidemment c’est ce qui doit se manifester pour chaque chrétien.
III – Non seulement être pasteur, mais être bon pasteur, un appel pour chaque chrétien.
Et là, vous allez me dire, ce n’est pas si facile d’être un bon berger et de ne rayonner que de l’amour du Christ ! Vous avez des enfants, et vous êtes bergers pour ces enfants. Et peut-être que parfois – très très occasionnellement ! – ces enfants vous exaspèrent. Cela n’arrive presque jamais… À ce moment-là, on se rend compte que l’on n’est pas un bon berger tout le temps, et d’ailleurs on s’en veut. Et ne vous inquiétez pas, moi, prêtre, avec les paroissiens, c’est pareil ! Et je pense que les paroissiens par rapport à leur prêtre, c’est pareil aussi, et parfois vous excédez vos enfants aussi…
De fait, nous le savons, cette responsabilité que nous avons, qui nous est confiée par le Christ, celle d’être des pasteurs et non seulement des pasteurs, mais de bons pasteurs, c’est un chemin. Et si nous voulons accomplir cette mission vraiment, il nous faut être connectés au Christ. Parce que, à notre niveau seulement, c’est trop dur pour nous, on n’arrête pas de rater ! Alors, il faut être unis au Christ, connectés au Christ pour que ce soit Lui qui manifeste, qui déploie Sa tendresse à travers nous. Alors, comment être unis au Christ ?
IV – Bon pasteur par l’union au Christ
C’est beau, parce qu’on est en temps de Pâques, et les signes de la Résurrection sont là : c’est le cierge pascal, il sera allumé le jour du baptême de vos enfants. Signe de la Résurrection, c’est l’eau, qui sera tout à fait utile le jour du baptême. Les cierges sont allumés parce que le Christ est lumière et nous sommes invités, avec Lui, à devenir lumière. Comment devenir lumière ? En prenant du temps avec Lui, en se laissant brûler à Son feu, en écoutant Sa parole. On a le droit d’ouvrir la Bible, on a le droit d’ouvrir l’Évangile et de le lire tous les jours. C’est même bien, en fait ! Un petit passage de la tendresse de Dieu qui nous dit à quel point Il nous aime. Et lorsque je reçois cette Parole-là, à mon tour, je peux me mettre à brûler et je peux rayonner. Cela ne m’empêchera pas de rater : parfois j’oublie de rayonner, j’oublie d’aimer, j’oublie d’être un bon pasteur. Mais je me rappelle que le Christ m’aime, et qu’à ce titre-là je peux à mon tour, moi aussi, aimer. Et cette eau ? C’est celle qui lave, c’est peut-être là le point le plus essentiel, celui dont on parlait dans la Deuxième Lecture, celle de l’Apocalypse : « ceux-là viennent de la grande épreuve : ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau ».
Jésus est l’Agneau. Il est à la fois l’Agneau et le Berger ! Il est l’Agneau, et Il lave nos robes. Tous nos manquements à l’amour, Il peut nous en libérer, Il peut nous pardonner. Et le lieu du pardon par excellence, c’est le baptême. À une époque, au IIIe-IVe siècle, il fallait être baptisé le plus tard possible dans notre vie, comme cela on pouvait faire n’importe quoi avant et, au dernier moment, on était baptisé ! Aujourd’hui, on est sorti de cette logique-là, qui n’était pas une logique chrétienne. Aujourd’hui, on a déployé le sacrement du pardon. Celui de la réconciliation. Et ce sacrement, c’est quoi ? C’est quand Jésus vient nous replonger dans les eaux du baptême. Il vient nous pardonner, blanchir nos robes.
Comment être unis au Christ ? Comment être bon pasteur ? Écouter Sa parole, accueillir les sacrements : le baptême, l’Eucharistie, le pardon de Dieu, le sacrement du mariage, le sacrement des malades, la confirmation, et le sacrement de l’ordre, celui qui fait les prêtres. Il s’agit essentiellement de vivre en amitié avec Jésus. C’est Lui qui nous sauve. Parce qu’on a besoin d’être sauvé. On ne peut pas acquérir la perfection par nous-mêmes, nous avons besoin que quelqu’un prenne soin de nous. Et ce quelqu’un, c’est Jésus. C’est Lui qui le dit : « Je suis le Bon Pasteur je connais mes brebis. » Et nous sommes invités à entrer dans ce Salut, nous sommes invités à entrer dans ce troupeau, en connaissant la voix du Christ. « Mes brebis écoutent Ma voix » : faire confiance. Faire confiance à Jésus, aux moyens qu’Il a déployés pour venir à notre rencontre. Si vous avez demandé le baptême pour vos enfants, c’est que, oui, vous croyez que Dieu veut le meilleur pour eux. Il veut aussi le meilleur pour vous ! C’est cela le point essentiel : en étant bons pasteurs, chacun de nous à notre niveau, à notre place, nous le serons pour la Gloire de Dieu, parce que c’est Dieu qui déploie Sa puissance d’amour à travers nous, et nous ne serons ces bons pasteurs pour notre propre joie. Et notre propre joie passe par la joie que nous donnons aux autres. Aimer et se laisser aimer.