Homélie du Jeudi Saint 2022

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Homélie du Jeudi Saint, 14 avril 2022
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.

Chers frères et sœurs,

Un petit mot d’introduction car nous entrons dans le triduum, ces trois jours, qui sont au cœur de notre année liturgique, puisque c’est de là que toutes les autres fêtes découlent. Si nous fêtons la naissance de Jésus, c’est parce qu’Il est mort et ressuscité. Si nous fêtons la Pentecôte, c’est parce qu’Il est mort et ressuscité et qu’Il nous envoie son Esprit. Et on pourrait faire toutes les fêtes comme cela. Y compris les fêtes de saints, parce que s’il y a des saints, c’est parce que Jésus est mort et ressuscité. Ces trois jours, nous voulons faire mémoire.

Ce qui s’est passé une fois dans l’Histoire, puisque c’est Dieu qui l’a accompli, nous pouvons le contempler et lorsque nous le contemplons, cela se réalise à nouveau pour nous. Ce n’est pas un nouvel événement, c’est le même, mais nous y sommes présents. Nous allons, ces trois jours, accompagner Jésus pas-à-pas. Ce soir, cette Cène, ce lavement des pieds, nous l’avons attendu, puis ce soir, au jardin des oliviers, Jésus dans son agonie et nous sommes invités à prier avec Lui jusqu’à 11h30 (et même toute la nuit pour ceux qui le peuvent, il y a une petite feuille pour s’inscrire car il y a des heures creuses, entre minuit et six heures du matin).

Nous sommes invités à entrer dans une sorte de retraite spirituelle pendant ces trois jours. Ce soir, jusqu’à demain soir, de vendredi soit jusqu’à samedi soir et la résurrection de samedi soir à dimanche. Trois jours où nous sommes invités un peu à nous retirer du monde. Il va bien falloir accomplir nos tâches quotidiennes, mais prendre une halte, choisir de ne pas se laisser disperser, reprendre les évangiles de chaque jour, venir aux différents rassemblements de prière paroissiale à 8h, 15h et 19h encore… Il s’agit d’accompagner Jésus pas-à-pas.

Aujourd’hui, nous sommes dans la Cène du Seigneur. Ce repas du Christ, ce dernier jour. Ce repas prend place dans le cadre du repas pascal. Qu’est-ce que la Pâque du Seigneur ? C’est d’abord le témoignage d’une alliance. Ça tombe bien, c’est le nom de notre paroisse. C’est le témoignage d’une alliance que Dieu veut déployer, tisser avec son peuple. Cette alliance qui a commencé dès la création du monde, mais qui s’est manifesté en premier lieu il y a 3200 ans, lorsque Moïse a entraîné les Hébreux pour que Dieu puisse les libérer d’Égypte, leur faire franchir la mer Rouge. Ce jour-là, et nous l’avons entendu en première lecture, il a fallu faire confiance au Seigneur, il a fallu tout lâcher et partir. Et chaque année, après cet événement qui se passait 1200 ans avant Jésus, chaque année, les Hébreux, puis les Juifs, ont fait mémoire de cet événement, se rappelant de la Libération que Dieu leur avait donnée, étant à nouveau présent à cette libération, et en renouvelant un acte de confiance, un acte de foi. Oui, Dieu a fait le premier pas, Il a fait une alliance avec ce tout petit peuple hébreu et Il en a pris soin, tout au long de l’Histoire. Et le peuple juif se souvient de cela en faisant mémoire de la Pâque. Et aujourd’hui, les Juifs font aussi mémoire de la Pâque. On est à quelque chose près le 14 Nisan, (le premier mois des juifs) et ce jour-là, c’est la Pâque du Seigneur.

Mais le projet de Dieu est beaucoup plus large, il ne veut pas seulement s’intéresser à un petit peuple. Il l’a choisi pour être une « lumière pour les Nations ». Et au sein de ce petit peuple, un Messie est attendu. Et ce Messie, nous le connaissons, c’est Jésus ; et en Jésus, une nouvelle alliance est tissée. Cette nouvelle alliance n’enlève rien à la précédente. Elle est un accomplissement. Elle déploie tout ce qui était déjà dans la première alliance. Il y a quelque chose en plus. Il s’agit non seulement que le petit peuple juif soit le peuple sacerdotal, autrement dit le peuple qui fait le pont entre toute l’humanité et Dieu, il s’agit que l’humanité toute entière devienne ce peuple sacerdotal qui fait le pont entre toute la Création, et Dieu. Dieu veut faire de nous un peuple de prêtre, un peuple sacerdotal. Voilà le projet de Dieu. Un projet d’alliance, un projet d’Amour.

Pour cela, Dieu a envoyé son propre fils. Quel intérêt ? Pourquoi Dieu a-t-il besoin de s’engager dans notre monde ? Parce que de notre côté, on est un peu faible. On ne sait pas être paisiblement en relation avec notre Dieu. Nous avons trop de mal. Alors Dieu s’engage et Dieu se fait Homme. Et Jésus est Fils de Dieu parce qu’Il est Dieu ; il est dans une relation parfaite, une offrande parfaite au Père. Et Jésus, parce qu’Il est homme, pleinement homme, Il nous entraine avec Lui. Nous sommes appelés, chacun, tous, personnellement, à nous unir au Christ pour être offert au Père. Pour pouvoir entrer dans cette union au Christ, que faire ? Parce que, moi, je suis baptisé depuis longtemps et j’ai toujours du mal… Je pense que c’est partagé.

Et bien écoutons ! Écoutons l’esprit de l’Évangile ! Il nous dit d’abord, dans les premiers mots de Jésus dans l’Évangile : « Convertissez-vous ! ». Tournez-vous vers Lui, Dieu, le Sauveur. « Convertissez-vous ! ». Tous les mots d’amour que l’on pourra dire s’ils ne se traduisent pas en acte. Convertissez-vous à quoi ? « Aimez-vous les uns les autres, comme moi, je vous ai aimés ». C’est bien l’appel de Jésus. Aimer comme Dieu. Parce que nous sommes créés à son image. Aimer. Comme Jésus le fait, parce que Lui, il est pleinement Dieu et il est pleinement homme. Comment aimer ? « Mon corps, pour vous ! Mon sang versé pour vous ». Ce don-là, c’est celui de l’Amour. Alors vous allez me dire et vous aurez raison, on n’est pas tous appelés à verser notre sang concrètement. Alors Jésus, comme on est un peu sourd d’oreille, nous donne cet exemple. « C’est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez de même les uns pour les autres ». Et cette conclusion à un acte qu’Il vient de poser, c’est l’appel qu’Il nous fait au lavement des pieds.

Cette alliance, entre Dieu et les hommes, elle s’accomplit pleinement en Jésus, parce que Dieu, Lui, Il est converti, entièrement tourné vers le Père. Jésus, il aime absolument, sans rien retenir. Jésus donne son corps, sa vie tout entière au Père, au frère ; Jésus est serviteur. « Le Christ Jésus ayant revêtu la condition d’esclave, de serviteur ». C’est Lui. L’alliance, que Dieu rêve depuis toute éternité avec nous, elle s’accomplit en Jésus.

Et voilà que nous sommes baptisés. Donc nous sommes connectés au Christ, nous sommes membres du corps du Christ. Nous l’avons chanté en entrant en célébration. Et donc nous sommes appelés à faire ce que fait le Christ. Nous pouvons reprendre toutes ses paroles à notre compte, à mon compte. Dans quelques instants, nous célébrons l’eucharistie. Le prêtre prête sa voix à jésus : « Mon corps donné pour vous ». Cela s’accomplit de toute façon parce que Jésus est Dieu, que Sa Parole est efficace. Mais pour moi, cela n’a aucun sens si je n’y mets pas un peu de moi. Lorsque je vous dis « mon corps donné pour vous », si je ne le donne pas, c’est trop dommage pour moi et pour la communauté. Mais cette parole que je dis, chacun de nous est invité à la faire sienne. C’est déjà le cas, Dieu merci !, et rendons grâce pour cela. Un certain nombre d’entre vous se sont mariés il y a peu où il y a plus longtemps. En vous mariant, vous avez dit : « je te reçois et je me donne à toi ». Et vous êtes invités chaque jour à renouveler cette parole. Mon corps, mon sang livré pour toi. Les mamans ont porté leurs bébés. Les mamans ont donné leurs corps pour leur enfant. Et les papas aussi, on espère. Les enfants sont invités à donner leur vie à leur parent. Les amis sont invités à donner leur vie à leurs amis. Et nous chrétiens, nous sommes invités à donner nos vies pour nos ennemis. « Aimez votre ennemi ». C’est l’appel de Jésus. C’est ce qu’il fait, Lui, sur la Croix, ce qu’Il accomplit pleinement. « Mon corps donné pour vous ». Alors à chaque messe, nous le prions. « Nous le demandons. Seigneur, fais de nous une offrande éternelle à Ta gloire ».

Peut-être qu’aujourd’hui, nous sommes invités à répondre à cette parole que nous disons. « Fais de nous une offrande éternelle à Ta joie ». Voulons-nous entrer dans cette offrande au Père et au frère ? Il y a pleins de fois où nous allons rater. Et nous avons déjà ratés plein de fois. Mais ce n’est pas cela qui est premier. Ce qui est premier, c’est : « Voulons entrer dans l’offrande du Christ ? Voulons-nous être une éternelle offrande à la gloire du Père, pour la gloire de Dieu et le Salut du monde ? ».