Les chrétiens sont-ils hypocrites ? 7e de TO C

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Homélie du 7e dimanche du Temps ordinaire, Année C, 20 février 2022
par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.

La semaine dernière, Jésus est descendu dans la plaine, et Il nous a proposé les deux voies : la vie ou la mort. Le chemin de la joie, ou le chemin du malheur. Jésus poursuit son grand discours, toujours dans la plaine, face à cette foule qui veut le suivre, les disciples, et Il leur présente un art de vivre chrétien : le chemin des disciples.

I – Trouver une raison d’aimer

Alors, je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais, lorsque j’entends ce texte, je le trouve un peu dur : il est raide… parce que, oui, aimer ses amis, ce n’est pas très compliqué, on sait faire, et encore, il nous arrive de rater ! Mais, là, Jésus nous fait faire un pas de plus. Et ce pas de plus, en fait, c’est comme la conclusion d’un long parcours qui a commencé le jour de la Création, qui s’est poursuivi avec Abraham, avec Moïse, et qui s’est poursuivi avec David, c’était la Première Lecture. Vous vous souvenez, entre David et Saül cela n’est pas très facile. Saül est jaloux, il veut la mort de David, ce dernier a été obligé de s’exiler, de partir, et le roi Saül est parti à la poursuite de David pour l’éliminer. Et, lorsque Saül est entre ses mains et que David peut en faire ce qu’il veut, voilà que David choisit de ne pas tuer Saül. Pourquoi ? Quel argument ? Parce que Saül est un « oint » du Seigneur, il est messie, il a été choisi par Dieu. Finalement, au cœur de David résonne cette parole : cet homme-là, Je l’ai choisi et Je veux que tu en prennes soin pour Moi. Alors, à l’époque de David, il a fallu se trouver au moins une bonne raison d’aimer quelqu’un. Aimer tout le monde, ça n’était pas encore le projet. Mais il a trouvé une raison d’aimer Saül : il est l’oint du Seigneur. Et ce sera la poursuite de la Révélation, de découvrir, pour nous, que tout homme est aimé, choisi, appelé par Dieu, et donc s’il y a une raison d’aimer celui qui est là, près de moi, et celui qui est un peu plus loin, c’est qu’il est enfant de Dieu.

II – Dieu se nomme, Dieu se donne

On voit bien cet élargissement du cœur que le Seigneur nous demande… mais, de fait, nous ne pouvons pas aimer sans raison. Alors accrochons-nous à cette parole, à cette réalité : Dieu aime chaque homme d’un amour particulier et Il nous appelle, nous, à L’aimer. Jésus nous invite à déployer notre cœur comme cela. Alors, pourquoi ? La raison profonde, ultime, fondamentale de cet amour ? Parce que Dieu est Dieu. Lorsqu’on entend le psaume – c’est le psaume 102 – un long psaume qui dit les merveilles de Dieu, et, le verset 8, « Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ». On est dans les années 500-600 avant Jésus-Christ, au moment où on écrit cela ; et, un peu avant, dans le Livre du Deutéronome, Moïse avait demandé à Dieu : Seigneur, je veux te voir. Et Dieu s’était montré – en tout cas, Moïse l’avait vu de dos – mais Dieu s’était montré et avait proclamé Son nom : « Mon Nom est le Seigneur. » Dieu de tendresse, de pitié, – ou de miséricorde, c’est le même mot, – « Dieu de tendresse et de miséricorde, lent à la colère et plein d’amour », – autrement dit, qui déborde : il n’y a pas de place pour autre chose que de l’amour, – « et de fidélité » – autrement dit, Sa parole est vraie pour toujours. Dieu se présente à nous comme Miséricorde. C’est l’être même de Dieu ; ce n’est pas une qualité de Dieu, la miséricorde : si c’était une qualité, ce pourrait être quelque chose qu’Il a, ou qu’Il n’a pas. Il n’y serait pas tenu d’une certaine manière. Pour nous chrétiens, Dieu EST Miséricorde, il n’y a pas un moment où Il n’aime pas, il n’y a pas un moment où Il ne fait pas miséricorde, il n’y pas un moment où Il ne pardonne pas. C’est la raison pour laquelle nous chantons au tout début de la messe le Kyrie. « Kyrie, Eleison » cela signifie : « Seigneur, tu fais miséricorde ». Nous contemplons Son être même, et nous le disons. Alors, nous le traduisons par ‘Seigneur, prends pitié’, alors c’est proche, mais, essentiellement, d’abord, c’est une proclamation : « Seigneur, tu prends pitié. » « Seigneur, tu fais miséricorde ».

III – A l’image de Dieu

Et nous sommes créés à l’image de Dieu. C’est un peu le thème de la Deuxième Lecture : Seigneur nous sommes à ton image, mais nous n’y arrivons pas : alors le Christ fait de nous des images un peu plus ajustées, un peu plus parfaites. De même que nous aurons été à l’image d’Adam, de même nous serons à l’image de Dieu. C’était la conclusion de la Lecture que l’on a entendue. Nous sommes des fils d’Adam, mais nous sommes aussi des fils et filles de Dieu, et il s’agit de Lui ressembler, à Lui, Dieu. Alors, là encore, on se retrouve avec le même problème que dans l’Évangile, c’est juste trop, c’est difficile… Aimer ses amis, déjà, c’est dur, alors aimer ses ennemis, aimer tout homme, aimer ceux qui nous font du mal…
C’est au cœur aussi de la prière du Notre Père. Ce passage est comme une explication, alors que le Notre Père arrive chez saint Luc dans 3 ou 4 chapitres. C’est déjà comme un commentaire du Notre Père, « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. » Soyons miséricordieux, comme Notre Père est miséricordieux pour nous. Dieu pardonne, c’est Son être. Nous sommes pardonnés, c’est fait, nous n’avons pas à gagner le pardon de Dieu, il est donné ! Il s’agit pour nous de l’accueillir. Il s’agit pour nous d’accueillir ce pardon, d’ouvrir nos cœurs, et cette ouverture de cœur, vous le savez bien, elle se fait dans notre relation à Dieu, dans la prière et dans notre relation à nos frères, dans le don que nous faisons de nous-mêmes, comme Jésus. Il nous fait miséricorde en se donnant. Il s’agit de L’accueillir, Lui, pour que nous nous donnions, nous aussi. C’est toujours difficile, c’est toujours un peu plus haut que ce que nous sommes capables de faire, et c’est bien pour cela que c’est Jésus qui le fait en nous.

En conclusion… hypocrisie des chrétiens ?

Nous devons nous rappeler l’objectif. L’objectif n’est pas une vie confortable sur la Terre, c’est une ambition un peu ras les pâquerettes ; non, notre objectif, c’est le ciel, la Vie éternelle, la vraie joie, pour toujours. Et, ensemble, nous sommes là pour être sauvés, pour accueillir le Salut, le don de Dieu, la miséricorde du Seigneur. Et nous sommes là pour L’accueillir ensemble, et puis emmener tout le monde avec nous. C’est le Christ qui nous porte. Alors, aujourd’hui, il s’agit d’entrer dans une conversion : tout ce que nous disons là, c’est beau, ce sont des jolies paroles, et, vous le savez, la critique qu’on nous fait, c’est : ah les chrétiens, ils ont des bons mots mais ils ne font pas tout à fait pareil. Et je suis le premier concerné… Il s’agit de demander au Seigneur qui vient de nous donner Sa grâce pour que nous fassions un pas, une chose : une personne que nous ne sommes pas allés voir depuis longtemps, un pardon que nous ne sommes pas allés donner, une consolation qu’il nous faut répandre. Une chose. Peut-être, là, prenons quelques instants de silence, et pensons à un acte concret, pratique, un acte d’amour que nous pourrions poser aujourd’hui, juste un, et puis, demain, on en prendra un autre, mais demain, c’est demain, c’est aujourd’hui qui compte.

C’est aujourd’hui qui compte, le Seigneur nous appelle à être des Christ les uns pour les autres, alors laissons-nous emplir de Jésus.