L’avoir, le pouvoir, la gloire – les tentations, 1er de Carême

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Homélie du 1er dimanche de carême, 6 mars 2022, Année C 
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.

I – Justice et Piété

Pour commencer nous allons parler un peu de justice et de piété ;
La justice, c’est le fait de rendre à chacun ce qui lui est dû. Et on particulier, pour une personne humaine, nous devons, par exemple, le respect. Nous devons nous assurer qu’elle ait de quoi manger. Nous devons nous assurer qu’elle vit dans des conditions dignes. Voilà la justice. Rendre à chacun ce qui lui est dû. Et il se trouve que dans notre relation à Dieu, il y a aussi à mettre en œuvre la justice. Et donc si on met en œuvre cette définition, c’est rendre à Dieu ce qui lui est dû. Qu’est-ce qui est dû à Dieu ? Tout ce qui lui appartient. Dieu nous donne la vie. Dieu nous accompagne. Dieu nous libère. Nous l’avons entendu dans la première lecture. Il est là, près de nous, Il a libéré le peuple hébreu, Il l’a fait traverser la mer Rouge, Il l’a accompagné, chaque jour, pendant quarante ans dans le désert. Dieu libère. Dieu accompagne. Il est là… « Je suis avec Lui dans ses épreuves ». Il est avec moi dans mes épreuves. Alors la justice, dans notre relation avec Dieu, c’est de lui rendre ce qui lui appartient. Ce que je suis, ce que je fais, ce que j’ai. Et l’acte de justice, la justice envers Dieu, on l’appelle piété. Et venir à la messe de dimanche, c’est un acte de justice envers Dieu. Nous sommes à la messe pour ‘faire Eucharistie’, pour rendre grâce, pour remercier le Seigneur pour toutes les merveilles qu’il accomplit dans nos vies. Nous sommes ici en train de célébrer l’Eucharistie pour nous rappeler qu’il est avec nous, y compris dans nos épreuves, dans les moments difficiles. Justice et piété. Quand nous accomplissons la justice, quand nous accomplissons la piété, nous faisons ce pour quoi nous sommes faits, nous mettons les choses dans l’ordre. Et vous le savez, travailler à la justice sur la terre, eh bien, c’est un moyen d’obtenir la paix. Quand nous travaillons à la piété, ça l’est encore plus. Et c’est bien pour cela que les chrétiens, lorsqu’ils parlent du conflit en Ukraine, effectivement, nous pouvons faire plein de choses, mais nous pouvons, aussi et d’abord, parce que nous sommes chrétiens, prier. Prier pour la justice ; prier pour la paix.
Donc nous sommes invités à rendre à Dieu ce que nous sommes, ce que nous avons, ce que nous faisons.

II – Le combat de Jésus

Et Jésus va au désert. Et le diable se présente devant Lui. Le diable, c’est celui qui divise. C’est celui qui dès l’origine, n’a pas voulu rendre à Dieu ce qui lui appartenait. Il n’a voulu faire acte de piété, il n’a pas voulu être juste. Et le diable, le diviseur, présente à Jésus, trois tentations. « Si tu es Fils de Dieu… »… On constate que le diable ne sait pas tout à fait à qui il s’adresse, sinon, il aurait dit : « Si tu es Le Fils de Dieu… ». Il sait que Jésus est quelqu’un de particulier, mais il n’a pas perçu qu’Il était Dieu Lui-même. « Si tu es Fils de Dieu, alors voilà ce que tu vas pouvoir faire ». Trois tentations : la tentation de l’avoir. « Transforme ces pierres en pain ». La tentation du pouvoir : « Tous ces royaumes sont à toi ». La tentation de la gloire : « Ah, si tu sautes du haut du temple, tu seras bien vu ». Ce que Satan propose à Jésus, et donc nous propose aussi, – c’est quelque chose que l’on a déjà un peu dans notre cœur – la tentation ultime, la convoitise : Je veux posséder en mon nom propre et juste pour moi ce qui m’a été donné. C’était déjà le cas au premier jour de la Création. « Cette terre, ce jardin, je vous le confie pour que vous le cultiviez. De tous les arbres du jardin, vous pourrez manger. Mais de celui-là, je vous demande de ne pas manger les fruits ». Et on le regarde, cet arbre. Et on le voit, qui est appétissant. On le convoite et on le veut pour nous. Et le Satan, qui était déjà là, le diable, avait dit : « vous serez comme des Dieux si vous en mangez ». C’était pourtant déjà ce que nous étions. Dieu crée l’homme à son image… Tentation de l’avoir, tentation du pouvoir, tentation de la gloire. Cela correspond à ces trois cadeaux que Dieu nous a faits : ce que nous sommes, ce que nous faisons, ce que nous avons.

Jésus résiste à ces tentations. Il leur résiste en s’appuyant sur la Parole de Dieu. A la tentation de l’avoir, « l’Homme ne vit pas seulement de pain », mais de toute Parole qui sort de la bouche de Dieu. La Parole de Dieu, c’est Son Amour. Ce qui est le plus important pour nous, c’est d’aimer, et de nous laisser aimer. À la tentation du pouvoir, Jésus répond : « C’est devant le Seigneur Dieu que tu te prosterneras. A Lui seul tu rendras un culte ». Lui seul mérite notre offrande, le don de nous-mêmes, tout entiers. Si nous nous choisissons des idoles, celles de l’argent, celles du pouvoir, celles de la gloire, eh bien nous sommes sur une fausse piste. Cela ne nous comblera pas. Il s’agit d’aimer Dieu ; et d’aimer nos frères. Cela va ensemble, vous le savez bien. À la tentation de la Gloire, « Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu ». Il s’agit de nous mettre face à Dieu, qui nous aime, dans une position de réception. Accueillir ce qu’Il est, ce qu’Il nous donne. Et Il se donne Lui-même. Accueillir, et non pas prendre. Dieu est. Ce n’est pas nous qui créons Dieu. C’est Lui qui nous aime.

III – la réponse ajustée : l’offrande

Trois tentations, trois réponses de Jésus. La réponse ultime, c’est celle de l’offrande. Dans notre relation à Dieu, c’était le thème de la première lecture. « Et voici maintenant que j’apporte les prémices des fruits du sol que tu m’as donné, Seigneur ». Normalement, cela nous fait penser à quelque chose. Dans quelques instants, dans l’offertoire : « Tu es béni, Seigneur, Dieu de l’Univers, nous avons reçu de Ta bonté ce pain que nous te présentons ». Tout ce que nous sommes, tout ce que nous faisons, tout ce que nous avons, vient de Dieu. Et ce cadeau qu’Il nous fait, c’est pour que nous puissions le donner. Le transmettre. Et tout cadeau, tout ce que nous sommes, n’a de sens que si nous le partageons. C’est bien pour cela que pendant le carême, nous sommes invités à faire cet effort tout particulier. Tout ce que nous sommes, tout ce que nous faisons, tout ce que nous avons, n’a de sens que sens que si nous l’offrons. Un don total. Il l’a fait sur la Croix. Il a donné sa vie au Père, pour nous.

Vous allez me dire : « c’est un peu compliqué, quand même ! Cette offrande-là, à la manière du Christ, nous ne sommes pas sûrs d’y arriver… ». Et en fait, il s’agit de la quatrième tentation, celle dont on ne parle pas dans l’évangile de ce jour. « Ayant épuisé toutes les formes de tentation, le diable s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé ». Parce que le diable reviendra dans la vie de Jésus. Et vous savez quand il revient : c’est au moment de sa passion, peu avant sa mort, dans son agonie. Et la quatrième tentation, c’est celle de la désespérance. « A quoi bon ? Ce n’est pas à ma portée. Je n’y arriverai pas. Je n’y suis jamais arrivé de toute façon… ». De fait, le Seigneur ne nous demande pas de réussir. Il ne nous demande pas d’avoir du succès dans la vie chrétienne. Surprenant ! Il nous demande de nous offrir. La victoire, c’est la sienne ; Il faut aussi donner nos succès. Et cette tentation du « à quoi bon ? », cette tentation de la désespérance, elle nous touche et elle nous touche d’autant plus si ça fait longtemps que l’on fait des carêmes. Quand c’est notre premier carême, on est plein d’espérance : à la fin du carême, on sera beaucoup mieux ! Quand on en est au trentième carême, au cinquantième carême, au quatre-vingtième carême, et que l’on se rend compte qu’on est pas tellement plus brillants qu’il y a cinquante ans, on peut se dire : « à quoi sert cet effort-là ? ». Cet effort est un don, une offrande. Nous ne sommes pas invités à peser notre succès. Cette offrande, c’est le Christ, qui l’élève et la présente au Père. C’est Lui, qui gagne à la fin. Il nous demande d’aimer et de nous laisser aimer.

Conclusion

Une petite conclusion. Nous entrons en carême. Entrer au carême, c’est aller au désert, comme Jésus ; comme le peuple hébreu quand il a quitté l’Égypte ; Comme Élie, après son grand succès du sacrifice du mont Carmel. C’est aller au désert pour se retrouver un peu au calme, un peu seul avec soi-même, seul pour se découvrir soi-même, découvrir ce qui compte vraiment. Lâcher prise sur un certain nombre d’addictions… On connaît les addictions à l’écran, mais on peut avoir des addictions à l’actualité, au sport… Lâcher prise, de telle sorte à mettre les choses dans l’ordre, que les choses deviennent ajustées, que nous entrions dans la justice de Dieu. Pour se retrouver soi-même. Aller au désert, c’est aussi retrouver ce qui compte le plus dans nos vies. Et ce qui compte le plus dans nos vies, c’est une relation. Une relation avec nos frères, une relation avec nos enfants, avec nos parents, voisins, amis… et puis même nos ennemis. Et puis une relation avec Dieu. Ecoutons Sa Parole pendant ce temps de carême. Prenons le temps, chaque semaine, de lire l’évangile du dimanche qui suit. Peut-être qu’on ne comprend pas tout, mais ça ouvre un dialogue. Une parole de Dieu qui m’est donnée, à laquelle je suis invité à répondre. Il s’agit de rendre à Dieu ce qui lui est dû. Il nous donne l’Amour, nous sommes invités à lui rendre l’Amour. Il s’agit de rendre ce qui est dû à nos frères, particulièrement encore cet Amour. Il s’agit d’unifier nos vies. C’est comme cela que nous trouverons les réponses à la tentation de l’avoir, à la tentation du pouvoir, à la tentation de la gloire.