Quand Dieu Saint (le tout autre) se fait tout proche

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Homélie 6 février 2022
par l’abbé Gaël de Breuvand

Is 6, 1-2a.3-8 ; ps 137 ; 1Co 15, 1-11 ; Lc 5, 1-11

I – De la peur de Dieu à la crainte de Dieu

Nous avons cette rencontre d’Isaïe, dans le temple de Jérusalem, avec la divinité. Et, face à la splendeur de la gloire de Dieu, les séraphins – ce sont les brûlants – ce sont des anges impressionnants qui se crient l’un à l’autre « Saint, saint, saint, le Seigneur ! ». C’est ce qu’on va rechanter tout à l’heure – on ne le fera peut-être pas avec la voix de Stentor !. Mais, il proclame la divinité de Dieu, Sa sainteté, le fait que Dieu est tellement différent de nous… Alors, réaction du prophète : il tremble de peur, de crainte : « je ne suis pas digne, je ne suis pas à la hauteur de ce Dieu qui se dévoile à moi. » Et, de fait, c’est une réaction normale… Mais Dieu ne se satisfait pas de cette réaction, il veut faire entrer Isaïe – comme chacun de nous – dans une nouvelle relation avec Lui. Il envoie Son ange, qui lui dit « ceci a touché tes lèvres, et, maintenant, ton péché est pardonné. » Et, du coup, voilà qu’Isaïe se met à ressembler un peu plus à Dieu, et il peut entrer dans une relation avec Lui.

Ce qui est étonnant, c’est que ce texte du prophète Isaïe date des années 700 avant Jésus-Christ. Et que, dans l’Évangile, qu’est-ce qu’on voit ? Jésus enseigne, Son enseignement est clair, Il enseigne comme quelqu’un qui a autorité, on perçoit que Sa parole vient d’ailleurs ; et puis, Il fait ce signe, ce miracle : les poissons sont venus en quantité astronomique dans les filets, en pleine journée, alors que, normalement on pêche au petit jour… alors que, toute la nuit, ils n’ont rien pris ! Et là, face à cela, Pierre se rend compte qu’en fait, Jésus, c’est au-delà, c’est bien plus grand ! Réaction ? Il tombe à genoux, « éloigne-Toi de moi, car je suis un homme pécheur, je ne suis pas digne ». Là encore, réaction normale, parce que Dieu, qui se dévoile en Jésus, est tellement autre… et là encore, Jésus dit : « Ne crains pas, sois sans crainte ». Jésus veut faire de nous Ses amis. La différence entre le temps d’Isaïe et celui de Jésus, c’est qu’à l’époque d’Isaïe, la divinité restait quelque chose d’éloigné : on ne pouvait pas la toucher. Avec Jésus, c’est différent : c’est une personne que l’on voit, on peut Le toucher, on peut avoir un échange humain. Et de fait, cela change tout. Une rencontre, une crainte, d’abord, qui n’est pas encore très ajustée, et qui va devenir l’occasion d’une relation, ou une conversion. « Sois sans crainte. » Nous n’avons pas à avoir peur de Dieu, parce que Dieu nous aime, Il veut notre joie et notre vrai bonheur. Il nous veut comme Ses enfants. Il nous veut comme Ses amis, comme Ses collaborateurs.

II – Dieu se fait proche et nous appelle comme coopérateurs

Et c’est là le deuxième point. Dieu s’approche de nous, Il veut des amis, mais, pas seulement : Il veut des coopérateurs. « Sois sans crainte, désormais, ce sont des hommes que tu prendras. », c’est à Pierre qu’Il disait ça. « J’entendis la voix du Seigneur qui disait : qui enverrai-je ? Qui sera notre messager ? » Et Isaïe, empli de courage, et d’Esprit Saint certainement, a répondu « Me voici, envoie-moi ». C’est l’appel que nous recevons chaque jour. Le Seigneur nous dit à chacun : ‘J’aime celui qui est là, près de toi, et je cherche quelqu’un pour lui manifester Mon amour’. Et nous sommes invités à faire comme Isaïe, et dire : ‘moi je veux bien aimer en Ton Nom’. Il y en a pour qui c’est facile, et il y en a pour qui c’est un petit peu plus compliqué… et c’est bien ça, la mission que nous recevons du Christ : être des relais d’amour, être des relais de Sa tendresse. C’est la mission que nous recevons…

« Désormais, ce sont des hommes que tu prendras ». C’est une jolie phrase, il y a une petite nuance, que l’on ne perçoit pas car la traduction est difficile. Normalement, quand on parle de poisson, quand on pêche un poisson, on l’emmène d’un milieu où il est bien, l’eau, et on le met à l’air libre, et du coup, tout de suite, cela va moins bien pour le poisson. Donc, quand on prend un poisson, il va en mourir. Et, en fait, avec le verbe qui est utilisé ici « ce sont les hommes que tu prendras », au contraire, il y a la nuance de « prendre vivant. » Tu prendras des ‘hommes vivants’. Et du coup, les Pères de l’Église y ont vu une image forte, et ils ont dit : voilà, il y a un point commun entre le pêcheur, qui se fatigue beaucoup pour obtenir ses poissons, et le travail de l’évangélisateur. Mais, il y a une différence fondamentale : celui qui annonce la bonne nouvelle de Dieu va plonger ses filets dans le monde, où – on ne s’en rend pas forcément compte – le milieu ambiant n’est pas forcément très sain, pour nous, pour nous les petits poissons. Et l’évangélisateur, ou le Christ, qui jette Ses filets, nous sort de ce monde pour être en relation avec Lui. Et ça, c’est bon pour nous ! On sera bien plus vivants ! Quand on parle de monde ici, on ne parle pas évidemment de tout ce qui est bon dans la Création, on parle, au contraire, de tout ce qui nous entraîne à nous replier sur nous-mêmes, à s’arrêter sur le chemin de la rencontre avec Dieu, à s’arrêter en chemin, sur des petits conforts qui ne sont pas suffisants pour nous.

III – Le filet du pêcheur, c’est le Christ !

Cette Parole de Dieu est là pour nous prendre vivants. Alors, allons-nous accepter de nous laisser prendre ? Un des grands pêcheurs, au sens de celui qui pêche, qui attrape les poissons, c’est l’apôtre saint Paul. Dans cette première lettre aux Corinthiens, chapitre 15, il nous dit quel est son filet : son filet, il l’a reçu, et c’est la Bonne Nouvelle du Christ. « Je vous ai transmis ce que j’ai moi-même reçu ». Je n’ai rien inventé. Tout ce que je vous dis, je l’ai reçu. « Le Christ est mort pour nos péchés, conformément aux Écritures, Il a été mis au tombeau, Il est ressuscité, le troisième jour, conformément aux Écritures. » L’amour est vainqueur sur la Mort, et Dieu nous aime. C’est Dieu qui gagne, c’est l’Amour qui gagne, c’est la Vie qui gagne. Alors, laissons-nous attraper par le Christ, nous ne le regretterons pas, et nous vivrons, vraiment.