Homélie 14 janvier 2022 ; par l’abbé Gaël de Breuvand
Dimanche dernier, nous avions le dimanche du baptême du Seigneur, le dimanche d’avant c’était l’Épiphanie, le dimanche d’avant, c’était la Sainte Famille. Dimanche prochain, ce sera le dimanche de la Parole ; et, là, on pourrait dire que c’est le dimanche du mariage.
I – Mariage signe de l’Amour de Dieu
Pourquoi ? On l’a entendu dans la Première Lecture, dans le Livre d’Isaïe, Dieu parle, et ce qu’Il dit, c’est une déclaration d’amour pour Son peuple. Ce peuple à qui Il donne un nouveau nom : l’épousée, la désirée. Dieu aime Son peuple, et Il est prêt à tout pour lui, comme le meilleur des fiancés est prêt à tout pour sa fiancée. Et nous sommes la fiancée : réjouissons-nous, nous sommes l’épousée de Dieu, et Il veut notre plus grand bien, notre plus grand bonheur, notre plus grande joie, et Il fait serment de fidélité ! Dans les enfants qui ont été présentés au début de la messe, il y en a une qui s’appelle Élisabeth. Élisabeth, c’est « la promesse de Dieu » ; eh bien, la voilà, cette promesse de Dieu : Dieu s’engage envers nous. Et s’accomplit cette parole en Jésus. Jésus est présent aux noces : Jésus aussi avait été invité au mariage. Alors, toute la tradition et les Pères de l’Église nous expliquent que, Jésus étant présent, Il vient ajouter une bénédiction à cet événement.
Les mariages existent depuis que le monde est monde. En fait, c’est même inscrit au premier jour de la Création : « Dieu crée l’homme, homme et femme Il les crée », et « l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux feront une seule chair. » Le mariage, dans l’ordre déjà humain, c’est déjà un projet de Dieu pour nous, et un projet qui nous fait ressembler à Dieu lui-même, Dieu Trinité, dans Sa liberté, dans Sa fidélité, dans Son engagement pour toujours, et dans Sa fécondité. Et Jésus vient confirmer cette beauté, cette grandeur du mariage.
Mais, vous le savez, tous les mariages ne se passent pas bien, on peut même dire que tous les mariages se passent mal… dans le sens où c’est toujours un combat, toujours une difficulté, toujours une conversion nouvelle. Et c’est seulement à la fin qu’on pourra dire : ah oui, nous avons eu une belle vie, car nous avons su nous écouter, nous avons su nous parler, nous avons su nous pardonner, nous avons su nous réconcilier, nous avons su avancer ensemble finalement. Mais, vous le savez bien, cette avancée ensemble n’est possible que s’il y a pardon et réconciliation.
II – Mariage, signe de l’amour du Christ pour l’Église
Jésus vient à ce mariage, et il n’y a plus de vin ! Qu’est-ce que c’est que ce vin ? Les Pères de l’Église y ont vu l’Esprit Saint lui-même. Pour qu’un mariage puisse se déployer, répondre vraiment à sa vocation d’être une image de Dieu lui-même, il faut que l’Esprit Saint soit présent. Et ils n’ont plus de vin…Alors Jésus, sous la pression maternelle, intervient. Et Il donne un nouveau vin. C’est très intéressant : dans cette histoire, normalement dans la tradition moyen-orientale, celui qui fournit le vin le jour du mariage, c’est le marié. Et on le voit bien : le maître du repas appelle le marié et lui dit : tout le monde sert le bon vin en premier, mais toi tu as fait l’inverse. C’est le marié qui fournit le vin. Jésus ici prend la place du marié. Ce qui est beau, c’est qu’Il ne dégage pas pour autant le marié en titre. Mais, Il vient s’unir à celle dont on ne parle pas, qui est la jeune épousée ; et dans l’ordre symbolique, cette jeune épousée, eh bien, c’est nous.
Nous sommes invités à entrer dans une relation d’époux et d’épouse, de fiancé à fiancée avec le Christ. C’est Lui qui fournit le vin. Et alors le mariage change de sens. Pour nous, chrétiens, depuis Jésus, depuis cet épisode des Noces de Cana, non seulement le mariage est une image de l’amour trinitaire, de l’amour de Dieu lui-même, mais c’est, plus spécifiquement, un signe – qui est à peu près synonyme de sacrement – de l’amour du Christ pour Son peuple, pour nous, pour l’Église.
Et, du coup, le mariage devient une mission chrétienne. Ce n’est pas seulement le fait d’être, pour soi, et pour son épouse, une image de Dieu : c’est être, pour le monde, un signe de l’offrande du Christ pour chacun de nous, pour l’ensemble des hommes. Et c’est une mission qui est une bonne mission : mais c’est le Christ qui fournit le vin, et il s’agit pour nous de l’accueillir chaque jour. Vous savez comment on fait pour l’accueillir chaque jour, le vin du Christ : il s’agit de se mettre de temps en temps en Sa présence. Lui est toujours présent à nous… Mais nous ? Prenons-nous le temps de L’écouter, de Le recevoir, d’accueillir Ses dons ?
III – La messe, union sponsale entre le Christ et l’Église, entre le Christ et chacun de nous
Cet événement des noces de Cana se passe le troisième jour, dans le récit de l’Évangile selon saint Jean. Le premier jour, c’est le jour du baptême, le deuxième jour c’est l’appel des premiers disciples, et, le troisième jour, il y eut des noces à Cana. Troisième…. Cela nous fait penser à quelque chose, dans l’Évangile. Le troisième jour, Il est ressuscité. Le troisième jour Il est à Cana. Il y a un lien, net, explicite, entre la Passion, la mort et la Résurrection du Christ, le mystère pascal, et le mariage. Parce que, dans le mariage – vous le savez bien – on vit aussi le mystère pascal, on vit, aussi, la passion, on vit aussi la mort ; et nous sommes appelés à vivre aussi la Résurrection. Dans le mariage, il s’agit de se mettre à la suite du Christ, et avec le Christ, pour porter la Croix.
Le troisième jour, c’est le commencement des signes, le commencement du mystère pascal, le commencement du Salut. Ce Salut que nous sommes invités à accueillir chaque dimanche à la messe, dans l’Eucharistie. Les Pères de l’Église ont toujours vu un lien fort, entre ce vin des noces de Cana et le vin qui allait devenir le sang du Christ. Et on voit bien la profusion : 600 litres, c’est énorme ! Et ce sang du Christ qui nous est donné, que nous recevons à chaque messe, à chaque communion, Corps et Sang du Christ, Dieu tout entier, nous sommes invités à nous laisser unir à lui, et à le vouloir vraiment ! Oui, il y a un lien très fort entre le mariage et l’Eucharistie. Finalement, c’est le même mouvement, et d’ailleurs, on l’entend, juste avant la communion : « Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau » : la traduction nouvelle est très heureuse !
Oui, nous sommes invités à entrer dans une intimité avec le Christ, et c’est une intimité qui est celle qui unit mari et femme, qui unit des époux. Ce lien va nous permettre de comprendre certains choix de l’Église, qui sont d’ailleurs souvent des difficultés, vous le savez : la question des divorcés remariés… Elle se pose là, essentiellement. Ce lien absolu qu’il y a entre cette union des époux, et l’union au Christ ; ça n’a pas le but d’être excluant : on y reviendra en ce qui concerne une causerie de l’Alliance, dans quelques mois, au printemps.
Aujourd’hui, il s’agit de nous reconnaître comme une fiancée que le Seigneur courtise. Il nous veut près de Lui, Il veut nous donner la plus grande joie et le plus grand bonheur. Il veut que nous soyons aussi les relais de cette joie et de ce bonheur, que nous puissions porter à tous ceux qui sont dehors la chaleur et la joie du Christ.