Homélie du 4e dimanche de TO-C, le 30 janvier 2022,
par l’abbé Gaël de Breuvand.
C’est la transcription d’une prédication orale
I – Jésus est le Messie
Jésus est dans la synagogue de son village. Il a été baptisé il y a peu, Il a été poussé par l’Esprit dans le désert, Il a vécu des tentations ; toujours comblé d’Esprit Saint, poussé par l’Esprit, Il a déjà parcouru un peu la Galilée, Il a été à Capharnaüm, Il y a fait des enseignements, Il a fait des signes, des miracles, et Le voilà à Nazareth, chez Lui. Et nous l’avons entendu dimanche dernier, Il lit le prophète Isaïe qui annonce le Messie, et Il dit : ‘ce Messie que nous attendons, c’est moi’. Réaction de l’assemblée : c’est d’abord une réaction de joie et d’émerveillement : magnifique !
Puis, on sent que le doute vient traverser leurs cœurs : ‘mais, Jésus c’est bien le Fils de Joseph, on Le connaît depuis 30 ans, et jusqu’à maintenant, Il n’a rien fait d’extraordinaire !’ Voilà qu’on ne s’intéresse plus au message de Jésus, mais aux préjugés qu’on a sur Lui. Alors Jésus, qui entend cette réaction, qui la voit, va en rajouter, Il va les bousculer, les déranger : ‘vous avez tellement de préjugés sur moi que je ne peux rien faire pour vous’ : « Nul n’est prophète en son pays », ce diction vient de là. Nul n’est prophète en son pays et d’ailleurs, il a fallu qu’Élie, ou Élisée, accomplissent des signes et des miracles auprès des étrangers, qui ne méritaient pas, qui n’étaient pas Juifs, car Dieu – et ça c’est aussi un autre petit message – car Dieu est non seulement père du peuple d’Israël, mais de tous les hommes. Alors, là, on le voit, la communauté même de Nazareth, les plus proches de Jésus – car ils ont la même histoire, la même culture, ils sont pour une part de la même famille, – ils vont se laisser emporter par la fureur, et ils vont chercher à tuer Jésus. Mais « Jésus, lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin ».
II – dépasser les préjugés
Alors, de cette page de l’Évangile, qu’est-ce qu’on peut retirer ? Eh bien, tout d’abord, nous sommes – moi le premier – nous sommes comme cette assemblée de Nazareth. Peut-être que nous allons reconnaître le passage du Seigneur dans nos vies, dans notre monde, mais, très vite, nos préjugés peuvent prendre le dessus. Et du coup, le message ne compte plus : ce qui compte, ce sont nos préjugés. Et du coup, nous allons fermer nos oreilles, nous allons fermer notre cœur à la Parole du Seigneur pour nous… Quel dommage ! Nous sommes invités à une conversion, à accueillir toute Parole qui vient du Seigneur, Parole qui habituellement nous est transmise par l’Église, comme une Parole de vie. Et, quand on ne le comprend pas, on est invité à creuser, à réfléchir, et à travailler pour comprendre et entrer dans cette Parole.
III – Vivre en chrétien, c’est vivre de la Parole
Deuxième aspect, c’est que nous sommes comme le prophète Jérémie dans la Première Lecture. Nous pouvons nous entendre dire : « avant même de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais. Avant que tu viennes au jour, Je t’ai consacré » et Il parle à chacun de nous, parce que nous sommes baptisés. Si nous le sommes, c’est que nous sommes connectés à Jésus, et que nous portons, avec Jésus, la mission de porter la Parole de Dieu. Cette Parole de Dieu que nous devons mettre en acte, ce n’est pas forcément un discours : ce sont aussi des gestes concrets, d’amour, de charité, de tendresse, de compassion. Nous avons cette Parole, et nous avons à porter cette Parole. Et, vous le savez peut-être : si nous choisissons de vivre en chrétien, véritablement, eh bien, cela peut déranger. Et peut-être que d’autres, face à nous, vont se retrouver dans cette position des habitants de Nazareth face à Jésus. C’est le préjugé qui nous est renvoyé en pleine figure ! Et, comme Jésus, nous n’avons pas à baisser les bras. « Passant au milieu d’eux, Il allait son chemin. » Il va son chemin, et, nous le savons, Il va être suivi sur ce chemin. Il ne s’arrêtera pas de témoigner de son Père. Il ne s’arrêtera pas de témoigner de sa mission, Il ne s’arrêtera pas de vouloir notre salut, notre joie, notre bonheur.
Conversion personnelle, première leçon de ce texte : nous avons à nous convertir ; deuxième leçon : nous devons être des témoins, sans peur, car le Seigneur est avec nous, et nous sommes invités à Le suivre sur son chemin.
IV – Aimer, c’est faire extraordinairement des choses ordinaires
Et, puis, il y a un troisième texte que nous avons entendu. Ce texte, vous le connaissez bien, le chapitre 13 de la Première Lettre aux Corinthiens. Dans le chapitre 12, saint Paul était un peu en train de secouer les Corinthiens, car dans l’Église, il y a des charismes, il y a des dons. Et, chez les Corinthiens, on avait une petite tendance à se jalouser les uns les autres. ‘Mon charisme n’est pas top, je préférerais avoir le tien’. Et il y a des charismes de prophétie, il y a des paroles de science, il y en a qui ont des charismes qui permettent de soigner, il y en a qui ont des charismes pour gouverner, d’autres pour enseigner. Chacun reçoit des dons. Ceux-ci ne sont pas à garder, pour moi personnellement, non, ils sont à mettre au service de la communauté, au service de l’Église, au service du projet de Dieu. En revanche, il y a une chose que vous pouvez tous demander, leur disait saint Paul, il n’y a pas de limite à cela. Le don que vous pouvez demander, c’est la charité : l’amour même de Dieu. Vous le savez, ce texte est beaucoup utilisé lors des mariages ; statistiquement, environ 70% des jeunes qui se marient choisissent ce texte ; souvent parce qu’il parle explicitement d’amour, et que pour un mariage, c’est bien si l’on parle d’amour ; et puis, parce que c’est une très belle page littérairement, elle est bien écrite ; mais je soupçonne parfois certains couples de ne pas percevoir la profondeur de ce texte… Parce que, ce dont nous parle saint Paul, ce n’est pas simplement une relation agréable, où je m’entends bien avec celui qui est là, près de moi. Non, il parle de la charité de Dieu, que nous sommes invités à mettre en œuvre, parce que Dieu nous en fait le cadeau. Cet amour qui va jusqu’à donner sa vie toute entière, sans rien retenir. Un amour absolu… Et lorsqu’on lit un peu de près le texte, on se rend compte que ce n’est pas si confortable que cela ! D’abord, même si on fait des choses extraordinaires, sans amour, ça ne compte pas beaucoup. Et aimer, c’est prendre patience, c’est rendre service, c’est ne pas se vanter, c’est ne pas jalouser, c’est ne rien faire d’inconvenant, c’est tout supporter, c’est faire confiance en tout. Si on y réfléchit vraiment, on se rend compte que c’est un petit peu au-delà de nos forces, cela va plus loin que ce qu’on peut…
V – Accueillir, c’est adorer
C’est pour cela que nous sommes invités à accueillir cet amour. Il ne vient pas de nous, il nous est donné, et donc il peut déborder de nous. Accueillir cet amour… Et, comment faire ? Eh bien, il suffit de se poser devant le Seigneur, et de se laisser aimer par Lui : ‘Seigneur, donne-nous de T’adorer de tout notre esprit’. C’était la prière du début de la messe. En fait, c’est ça, la méthode pour accueillir l’amour de Dieu dans nos vies : Lui donner tout ce que nous sommes. Et Lui, Il nous le rend, tellement plus, et tellement plus beau ! C’est exigeant, c’est crucifiant même, de prendre le temps de la prière, de s’arrêter, de se laisser regarder par Jésus, et de Le regarder. Et pourtant, c’est le chemin du Salut. Se poser près de Lui, se laisser aimer par Lui, L’aimer en retour. Se laisser aimer par Lui, à tel point que cela déborde de nous, et que nous pourrons aimer, en vérité, ceux qui sont près de nous, même les insupportables ! Nous sommes chrétiens, et si nous avons une mission, c’est que, là où nous sommes, il y ait un petit peu plus de joie, un petit plus d’amour. Ce ne sera pas toujours accueilli et accepté, mais ce n’est pas grave : nous sommes là pour porter le monde et le présenter au Père. Nous le savons, nous sommes limités, nous sommes pauvres, nous sommes faibles, nous n’y arrivons pas, et parfois, même, nous passons à côté ; mais nous savons que le Seigneur est avec nous, Il nous aime, Il nous pardonne, Il nous redonne sans cesse cette capacité d’aimer.
Alors aujourd’hui, alors que, dans l’Eucharistie, le Christ vient à nous, Il vient habiter notre cœur, eh bien, faisons un choix. Choisissons de L’aimer, là, aujourd’hui, maintenant, et puis, dans une heure, choisissons à nouveau de L’aimer, ici et maintenant, et puis demain, et puis après-demain, chaque jour… Il y aura certaines fois où l’on n’aura pas envie, alors on criera : ‘Seigneur, viens au secours de ma pauvre foi. J’ai tellement peu d’amour !’ et, n’ayons aucun doute, le Seigneur viendra.