Homélie de la fête de la Sainte Famille Année C
1S 1, 20-22.24-28 ; Ps 83 ; 1Jn 3, 1-2.21-24 ; Lc 2, 41-52
Par l’abbé Gaël de Breuvand
I – Des familles pas très exemplaires
Aujourd’hui, fête de la Sainte Famille, et nous avons entendu cette première lecture avec la présentation de Samuel au temple de Silo et on voit une première famille dans la Bible. C’est d’ailleurs une question, les familles dans la Bible… je ne sais pas si vous avez déjà un peu parcouru les textes bibliques, en particulier celui de la Genèse Mais lorsqu’on regarde ce que donnent les familles, ce n’est pas très brillant. Elles ne sont pas très exemplaires. Deux, trois exemples en passant : Abraham, Abraham c’est celui qui veut tellement un fils, bon, il est vrai que Dieu lui avait promis un fils mais il le veut tellement qu’il va embaucher une ‘mère porteuse’ et ça va mal se finir. Jacob, Jacob c’est celui qui manifeste tellement sa préférence pour un de ses enfants que les dix autres veulent la mort de celui-là. Comme réussite paternelle, il y a mieux… Et puis là on a l’exemple d’Elkana et de sa femme Anne. En fait il nous manque les vingt premiers versets, mais en fait ce qui se passe c’est qu’Elkana a deux femmes, ce qui est possible à l’époque ; il en a une qui est très féconde et qui a une dizaine d’enfants et l’autre qui n’arrive pas à avoir d’enfant et c’est sa grande tristesse. Et Elkana tout à fait sûr de sa valeur dit « est-ce que je ne te suffis pas ? ». Donc les familles dans la Bible, non ce n’est pas très brillant. Lorsqu’on a parcouru il y a quelques jours la généalogie de Jésus, quatre femmes apparaissent donc du coup c’est quatre couples et les quatre couples en question c’est le rapport, entre Juda et sa belle-fille Tamar, c’est une étrangère Ruth qui épouse Booz, c’est Rahab qui est une prostitué et puis c’est la femme d’Ourias (Urie) qui a eu un bébé de David. Pour dire que la Bible ne nous fait pas un portrait tout en rose des familles.
II – Jésus vient aussi sauver la famille
Non, les familles c’est un lieu, vous le savez, c’est un lieu compliqué. C’est le lieu où certainement on touche aux plus grandes joies et c’est certainement le lieu on se fait le plus mal et où on se blesse le plus profondément. Et la Bible est témoin de cette réalité. Et Jésus, Dieu lui-même qui c’est incarné, nous l’avons fêté hier, il s’incarne et il vient habiter notre monde, notre terre et il choisit de venir dans une famille. On aurait pu, et je pense que beaucoup de Juifs l’attendait ainsi, espérait un messie qui arrive immédiatement adulte, armé, conquérant. Non, il choisit de venir au milieu de nous comme un petit bébé. Quand on est à la crèche, ce petit bébé quand il a faim, il pleure, de la même manière il faut le changer quand il s’est souillé. Et puis il grandit, il va lui falloir comme tout le monde apprendre à parler. Apprendre à marcher et on peut être certain que son premier mot ça a été « non » ou quasiment. Comme tous les enfants, peu à peu son intelligence humaine grandit et il devient capable d’accueillir le mystère qui est en lui. Il perçoit ce qu’il est, fils de Dieu. Et c’est ce qui est manifesté aujourd’hui lors de cet épisode que l’on vient de lire ; « ton père et moi nous avons souffert en te cherchant » oui, dans les familles on se blesse et on se fait mal. Et d’autant plus qu’il y a une concurrence entre « ton père et moi » et « il faut que je sois aux affaires de mon Père ».
Alors ce qu’on perçoit c’est que Jésus assume, vit tout ce que nous vivons, nous aussi nous avons fait des fugues plus ou moins matériellement et nous nous sommes éloignés de nos parents ; Nous les avons aussi inquiétés. En fait tout ce que vit Jésus et bien cela, il le sauve, c’est ce qu’on dit, ce que Jésus assume, il le sauve. En fait, en venant habiter au milieu de nous dans une famille humaine il vient sauver la famille humaine.
III – Accueillir le salut de Dieu
Et on voit cette famille, Joseph, Marie, Jésus. En fait qu’est ce qui les sauvent c’est le Christ, Dieu lui-même, mais c’est dit à la fin « sa mère gardait dans son cœur tous ces événements ». Marie est absolument ouverte à ce que Dieu lui dit par des paroles, par des gestes et des actes. Elle est capable de les méditer, de les faire siens. Marie c’est la championne toute catégorie de l’écoute de la parole de Dieu. Joseph, alors Joseph c’est le très, très discret dans la Bible, il ne dit pas un mot. Mais lui aussi sa caractéristique, son être même c’est d’être à l’écoute, à l’écoute. De la même manière que Samuel, je reviens sur la première lecture ; le texte biblique nous dit Samuel ça signifie « Dieu exauce », alors c’est vrai c’est Sh’ma, Sh’ma c’est « écoute » « Shema Israël » « écoute Israël ». Shemuel donc ça fait « Dieu écoute », « Dieu exauce » mais on peut aussi l’entendre dans l’autre sens. Il écoute Dieu. c’est cela ce qui va sauver notre famille, nos familles c’est de nous mettre à l’écoute de ce que Dieu veut pour nous. Et donc pour cela, pour se mettre à l’écoute, il n’y a pas de mystère, il faut prendre un petit peu de temps ; il faut se donner du temps pour prier, c’est cela écouter Dieu. Et alors la famille deviendra pour nous le moyen, le grand moyen certainement, pour faire partie de la famille de Dieu. Par l’apprentissage des valeurs familiales, vous savez ces valeurs dont on parle beaucoup et peut-être qu’on a un peu plus de mal à transmettre aujourd’hui justement, c’est cette valeur d’écoute, cette valeur de service, gratuitement. Cette valeur, ce fait d’être que la famille soit le lieu ou qui que l’on soit, quoi que l’on ait fait, c’est le lieu où on sera accueilli.
Dans tous les cas la famille sur notre terre est appelée, elle a une mission : c’est de nous aimer tous, chacun personnellement, à entrer pleinement de plain-pied dans la famille de Dieu. Dieu a choisi de faire partie d’une famille humaine pour que nous soyons tous de sa famille. Jésus est présenté, nous est présenté comme le premier né. S’il est le premier, c’est donc qu’il a des deuxièmes, des troisièmes, des cinquièmes et là c’est chacun de nous. Et nous avons comme Jésus un père et comme Jésus il faut que nous puissions dire « ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon père » et vous le savez bien il n’y a pas de contradiction ou d’opposition entre être service de Dieu et être au service des frères, c’est tout un et en fait si je sers le Père sans m’occuper de mes frères cela ne va pas marcher, c’est un mensonge et si je sers mes frères sans servir le Père, je passe à côté de l’essentiel.
Alors aujourd’hui en cette fête de la Saint Famille, nous prions les uns pour les autres, nous prions pour nos familles, pour qu’elles soient des lieux où Dieu soit présent et que nous puissions être véritablement à son écoute ; il s’agit d’être partie prenante dans nos familles pour que toutes nos familles soient parties prenantes de la vie familiale de Dieu.