Baptême du Seigneur – année C

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Par Monseigneur Olivier de Germay,
le dimanche 9 janvier 2022

C’est la retranscription d’une prédication orale.

Vous avez entendu, frères et sœurs, il y a quelques temps, on a envoyé un télescope très puissant dans l’espace, et, si j’ai bien compris, il va se placer à 1,5 millions de km de notre planète, et il va scruter les étoiles. En principe, il devrait observer des étoiles, ou des galaxies, qu’on n’a encore jamais réussi à observer. Je ne sais pas si vous vous intéressez à tout cela mais je trouve que c’est assez passionnant : on essaie de comprendre comment cela s’est passé, comment toutes ces galaxies se sont mises en place, l’apparition de l’énergie, la matière, l’espace… En fait, derrière cette quête disons scientifique, il y a une quête beaucoup plus profonde, bien sûr, qui est une quête métaphysique. La question n’est pas simplement ‘comment tout cela s’est mis en place’, mais ‘pourquoi’ ? Pourquoi nous existons ? Pourquoi il y a tout cela ? Quel est le sens ? C’est la question de Dieu : y a-t-il une intelligence supérieure à l’origine de tout cela ? Parce que, si c’est le cas, ça change beaucoup de choses : car cela donne un sens à notre vie. Et je crois que tout être humain porte en lui-même ces questions.

Et, si nous nous sommes là ce matin, c’est parce que nous avons bien compris que l’être humain ne vit pas simplement de hamburger/frites et de coca-cola. C’est sympa, le coca-cola, mais on aspire à autre chose, non ? Il y a en nous une quête de sens de vérité, mais pas seulement de vérité et de sens : il y a aussi une quête de bonheur, non ? On aspire au bonheur, en principe, enfin, je ne sais pas comment vous êtes faits, mais moi, c’est comme ça que ça marche. On aspire au bonheur : pas le petit bonheur au rabais, pas un week-end à Disneyland, non, on aspire à un bonheur immense, l’amour en plénitude. Et, du coup, c’est tout le paradoxe de notre condition humaine. C’est qu’il y a vraiment en nous cette aspiration à un bonheur parfait, en plénitude, parfait, qui ne s’arrête pas… Et puis, en même temps, on fait tous l’expérience d’une vie limitée, de la présence du mal, de la mort, enfin… le mal que l’on constate à l’extérieur, mais aussi le mal que l’on subit, et puis aussi le mal que nous commettons. Il faut bien être un peu honnête et se rendre compte qu’il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Et que nous avons tous envie de faire le bien, mais que parfois on ne le fait pas.

Et Jésus va se faire baptiser par Jean. Vous connaissez l’Évangile : c’est un baptême qui n’est pas comme celui que nous connaissons, c’est un baptême par l’eau pour le pardon des péchés : les pécheurs viennent demander pardon, et Jésus vient se faire baptiser par Jean. Donc, Jésus se montre solidaire des pécheurs ; évidemment, vous l’avez compris, il y a une symbolique très forte : Jésus descend, Jésus plonge dans l’eau et remonte. Il annonce, bien sûr, vous l’avez compris, Sa mort et Sa résurrection. Et saint Luc nous dit que, après le baptême de Jésus, le ciel s’ouvre ! Donc, cela veut dire que c’est une révélation, une théophanie, un coin du voile qui se soulève, et on commence à voir quelque chose du mystère de Dieu. Et il y a un Dieu qui se révèle comme un Dieu de Trinité : il y a la voix du Père, il y a l’Esprit Saint sous la forme d’une colombe, il y a Jésus qui est manifesté comme le Fils bien-aimé. Dieu relation… Il y a quelque chose de familial en Dieu : le Père, le Fils, et tout ça c’est fondé sur l’amour du Fils-bien-aimé.

Alors, vous me direz, en quoi cela nous concerne-t-il ? Cela nous concerne car le baptême de Jésus nous dit quelque chose de notre propre baptême, et d’ailleurs Jean-Baptiste dit : « Lui, vous baptisera dans l’Esprit saint et dans le feu. » J’imagine que la plupart d’entre nous, ici, nous avons été baptisés petits, peut-être que certains d’entre nous ont été baptisés à l’âge scolaire, ou adultes, peut-être que certains se préparent au baptême. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que le jour du baptême, nous recevons un cadeau immense ; mais parfois le cadeau est resté emballé, parce que, vous le savez bien, il ne suffit pas d’avoir été baptisé. Comme on dit parfois : moi j’ai tout fait, j’ai fait mes communions… Non, il s’agit de vivre en baptisé. Qu’est-ce que cela change, de vivre en baptisé ? Je vous le disais tout à l’heure : le baptême de Jésus renvoie à Sa mort et Sa Résurrection. Par Sa mort et Sa résurrection, Jésus nous sauve. Et donc, par le baptême, nous accueillons ce Salut, parce que Jésus nous sauve.

Il sauve tous les hommes, comme nous dit saint Paul, mais Il ne nous sauve pas sans nous. Il faut accueillir le Salut. Donc, être baptisé ; ou plutôt, vivre en baptisé, c’est adhérer à ce mystère de Jésus qui donne Sa vie pour nous sauver, mais c’est accepter d’être sauvé, et aussi de nous plonger dans l’eau, de passer par la mort, de renoncer au mal. Et la bonne nouvelle, c’est que Jésus par le baptême nous obtient le pardon de nos fautes. Comme dit saint Paul dans la Deuxième Lecture : « Il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes. » Et donc, la bonne nouvelle c’est que nous ne sommes pas obligés de porter toute notre vie le poids de nos fautes. Parfois – cela m’impressionne toujours – je rencontre des personnes qui portent une sorte de culpabilité, plus ou moins refoulée, comme un fardeau, comme un boulet, pendant des années, et parfois toute leur vie. Or Jésus nous libère du poids de nos fautes. Il nous pardonne vraiment.

Mais le baptême, c’est beaucoup plus que le pardon des péchés. Vous avez entendu ce que dit saint Paul dans la Deuxième Lecture : « Il nous a fait renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint. » Donc, cela veut dire que, non seulement, par le baptême, nos péchés sont pardonnés, mais que nous changeons de catégorie. Nous passons d’une vie purement humaine à une participation de la vie de Dieu. C’est la vie même de Dieu, cette vie éternelle, à laquelle nous aspirons, et qui nous est donnée par le baptême. Et nous devenons fils – ou fille – bien-aimé de Dieu. C’est ça que nous révèle le baptême de Jésus. Nous, par le baptême, nous devenons fils – ou fille – bien-aimé de Dieu. Vous voyez, frères et sœurs, on le sait intellectuellement, mais on a tendance à l’oublier : être chrétien, c’est d’abord se laisser aimer par Dieu, se laisser, accepter d’être adopté par Dieu, d’entrer dans la famille de Dieu. Se laisser aimer… et donc aimer en retour. Parfois, on peut se demander : « Tiens, c’est quand la dernière fois que j’ai dit à Dieu ‘je t’aime’ ? C’est quand la dernière fois où j’ai dit ‘Seigneur, je t’aime’ ?’ Souvent, on lui demande plein de choses, mais parfois on oublie de lui dire « Seigneur, je T’aime ». Vous savez, comme Pierre : « Seigneur, tu sais bien que je T’aime ».  « Pierre, m’aimes-tu ? » C’est d’abord cela, être chrétien.

Et saint Paul ajoute : « Si nous sommes fils, et filles, bien-aimés, alors nous sommes héritiers ». Là aussi, on a du mal à réaliser. Qu’est-ce que nous recevons en héritage ? Ce n’est pas un immeuble dans la presqu’île, ça, c’est du pipi de chat, cela ne vaut rien. Nous sommes héritiers, dit saint Paul, de la vie éternelle. J’ai envie de dire : « que demande le peuple ? » Nous sommes héritiers de la vie éternelle ! Cela veut dire que cette aspiration – dont je parlais tout à l’heure – au bonheur immense, à une vie éternelle, ce qu’on appelle le Paradis ou le bonheur sans fin, ce n’est pas une illusion. Nous ne sommes pas destinés à être des frustrés éternels, à vivre dans cette espèce de frustration de « j’aspire au bonheur, mais je fais l’expérience du mal. » Non ! Le bonheur éternel nous est offert gratuitement. Alors, parfois, on se dit : c’est trop beau pour être vrai, ou alors « je ne suis pas digne ». Parfois, des gens me disent « je ne suis pas digne », mais je leur réponds : « Moi non plus je ne suis pas digne ». Et saint Jean-Baptiste non plus ! Vous avez entendu ? Jean Baptiste, qui est le premier des enfants des hommes, nous dit : « Je ne suis pas digne de Lui (en parlant de Jésus) défaire la courroie de Ses sandales ». Bien sûr qu’on n’est pas digne, mais c’est gratuit ! Saint Paul, vous avez entendu, dans la Deuxième lecture, nous dit : « Il nous a sauvés, non pas à cause de la justice de nos actes, mais par miséricorde. » C’est gratuit ! Il faut juste se laisser aimer. Parfois je vois des gens qui me disent : « ce n’est pas possible, je suis trop pécheur, faut que je paie, faut que je me rachète pour pouvoir mériter quand même, parce que là je ne mérite pas ». Et je leur dis : « qu’est-ce que tu racontes, qu’est-ce que tu veux payer ? Tu crois que tu peux payer le péché du monde ? C’est Jésus qui a payé. Et comment Il a payé, Lui ? Il a donné Sa vie en rançon. Comment est-ce qu’on pourrait payer ? On ne peut rien payer du tout. C’est Jésus qui a réglé la facture, c’est gratuit ! Plutôt que de traîner tes fautes, plutôt que de te flageller toute ta vie, va te confesser ! Va accueillir le pardon, c’est gratuit, va te confesser ! » Évidemment, certains vont vous dire : si c’est ça, c’est un peu facile, on peut faire n’importe quoi, de toutes façons Dieu pardonne. Bien sûr que non. Vous voyez bien que si on rentre dans cette logique, dans cette filiation, si on prend conscience que l’on est fils – ou fille – bien-aimé de Dieu, ça change tout. Quand on aime quelqu’un, on n’a pas envie de lui faire du mal. Quand on rentre dans cette filiation, on accueille cette grâce de Dieu, cette grâce dont saint Paul nous parle : « La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. »  On accueille, j’allais dire, on se reconnecte sur le Ciel, on se reconnecte sur la source de notre existence, parce que c’est ça, le péché : c’est lorsqu’on se coupe de Dieu. À ce moment-là, on reçoit la grâce, on reçoit l’Esprit Saint, qui nous transforme, et Il transforme toute notre vie. Et saint Paul dit : « Il nous apprend à renoncer à l’impiété et à l’injustice. » C’est la grâce de Dieu, ce n’est pas simplement nous. Dieu fait de nous un peuple ardent à faire le bien. Bien sûr, cela ne veut pas dire : ‘Dieu nous pardonne, on peut faire n’importe quoi’. C’est Dieu lui-même qui nous transforme et transforme toute notre vie. Cela ne veut pas dire que nous devenons des gens parfaits, bien sûr que non, nous demeurons des pécheurs ; chaque fois que l’on tombe, Dieu nous relève, par Sa miséricorde, et puis l’on continue, et on marche vers la sainteté. Parce que l’on comprend de plus en plus que c’est notre vocation : ressembler à Dieu, et être des saints. Et, ainsi nous marchons vers la vie éternelle.

On va prendre quelques instants de silence, frères et sœurs, peut-être, on peut accueillir cette parole de Dieu qui nous demande aujourd’hui « est-ce que tu veux être mon fils – ou ma fille – bien-aimé ? » Et si notre réponse est oui, alors on peut se demander : qu’est-ce que le Seigneur m’appelle à changer dans ma vie aujourd’hui, pour vivre vraiment en fils – ou fille – bien-aimé ?