Toussaint : Un peuple en marche

  • Commentaires de la publication :0 commentaire

Homélie de la Toussaint, lundi 1er novembre 2021
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.

Ap 7, 2-4.9-14 ; ps 23 ; 1Jn 3 ; 1-3 ; Mt 5, 1-12a

Lorsque nous fêtons la Toussaint, nous regardons le projet de Dieu pour nous. Et le projet que Dieu a pour nous, c’est que nous voyions Dieu face-à-face, que nous soyons dans une joie parfaite.

L’évangile qui nous est donné en ce jour, cet évangile que l’on connaît si bien, les Béatitudes – dans l’évangile selon Matthieu, c’est le chapitre 5 – ce sont quasiment les premiers mots de Jésus. Et ce qu’Il nous dit est ce qu’Il veut pour nous… Heureux ! Voilà ! Le projet de Dieu, c’est notre joie et notre bonheur. Et nous, nous avons une petite réticence. Parce que oui, alors que le projet de Dieu est le bonheur, il y pourtant a du mal, il y a de la souffrance, de la peine, de la maladie… de la tristesse. Et ça, ce n’est pas tout-à-fait notre bonheur.

I – En chemin vers la ressemblance

Rappelons-nous ce qu’a dit Dieu, tout au commencement : « Dieu dit : faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance ». « Et Dieu crée l’homme à son image ; à son image, Il le crée ». Dieu dit : faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance, et quand Il crée, il ne nous donne que l’image. Parce que Dieu ne veut pas nous imposer le bonheur. D’ailleurs, le bonheur, ça ne peut pas s’imposer. Quand on essaie de forcer au bonheur, ça s’appelle de la drogue… Dieu veut faire de nous des collaborateurs et le chemin de la ressemblance, c’est nous qui avons à l’emprunter.

Je ne sais pas si vous connaissez Chouraqui, qui est juif, hébreu, qui a traduit l’Ancien testament de l’hébreu au français. Et il s’est attaqué au Nouveau testament, qui est écrit en grec. Et il a essayé de retrouver les mots araméens que pouvait prononcer Jésus. Et quand il traduit ce passage, le mot que l’on traduit par heureux, ce qui est juste, il le traduit par « en marche ». En marche les pauvres de cœur ! Et c’est aussi vrai. Parce que le bonheur et la joie, c’est un chemin. Et de fait, vous le savez, nous ne l’avons pas encore en plénitude. Pas encore… Et pourtant nous l’avons déjà. Nous sommes en chemin vers la ressemblance, et Dieu nous a fait ce cadeau qu’est la liberté. Pour que nous puissions le faire non pas comme des esclaves, mais comme des fils.

II – Ouvrir son cœur

« Nous le savons, quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables, car nous Le verrons tel qu’Il est ». Voila notre but sur la terre : c’est de nous trouver face-à-face avec Lui, et de Lui ressembler. C’est cela le chemin du bonheur. Et vous le savez, c’est un combat de chaque jour. Non pas contre les autres, contre le monde mais d’abord contre nous-mêmes. Il faut accepter d’entrer dans ce paradoxe des béatitudes. C’est un peu étonnant. « Heureux les pauvres ! ». Justement, le pauvre, c’est celui qui n’est pas heureux, non ? « Heureux celui qui pleure ! » « Heureux celui qui est persécuté ! » Oui, ce ne sont pas tout-à-fait les valeurs du monde. Le monde, lui, nous propose l’inverse. Il faut pourtant entrer dans ce chemin-là, qui est un combat contre nous-même. Accepter d’entrer dans l’Amour. Aimer et se laisser aimer. Dimanche, nous entendions ce dialogue entre le scribe et Jésus : « Quel est le plus grand des commandements ? » Le plus grand des commandements, répond Jésus : « Ecoute Israël ! » Mets-toi en disposition d’ouverture de cœur. Et alors tu deviendras capable d’aimer. De ressembler à Dieu. D’aimer le Père, d’aimer tes frères.

III – le Peuple des sauvés

Aujourd’hui, nous fêtons tous les saints du Ciel. Ceux que l’on connaît. Et ils sont déjà 5000 ou 6000 à être canonisés officiellement, et aussi tous ceux que nous ne connaissons pas. Et ils sont nombreux tous ceux qui ont vécus sur la terre en essayant de poser des actes qui correspondent au projet de Dieu. Et qui aujourd’hui, voient Dieu face-à-face. Qui aujourd’hui sont un peuple : le peuple des sauvés, qui a choisi de se laisser aimer par Dieu et de l’aimer en retour. Et cela est très intéressant parce que dans la première lecture, nous avons ce passage du livre de l’Apocalypse – apocalypse, en grec, signifie l’enlèvement du voile, le dévoilement, la révélation… d’ailleurs en anglais, on ne le traduit pas par apocalypse mais par le Livre des révélations – qu’est-ce que nous dévoile Jean, sous des figures un peu mythiques, un peu apocalyptiques… Il nous dévoile que Dieu veut nous sauver par Jésus, dans le sang de l’Agneau et qu’au Ciel, ayant accueilli ce salut de Dieu, nous serons un peuple nombreux. 144 000 ! Ce n’est pas un chiffre qu’il faut prendre à la lettre. Il faut prendre la mystique des nombres bibliques, et douze, c’est une totalité, multiplié par douze, qui est encore une totalité, multiplié par mille, qui est encore un grand nombre, une multitude…144 000… Nous sommes tous appelés à entrer dans ces 144 000. Cette myriade de myriade de saints. Une foule immense qui agit au Ciel dans une liturgie. Ce que nous faisons, aujourd’hui, ici, humblement, c’est un avant-goût du Ciel. Nous sommes ensemble et nous nous tournons ensemble vers Dieu et nous chantons sa louange. Et nous nous laissons aimer par Lui et nous l’aimons en retour et nous voulons nous aimer les uns les autres. C’est ça, la foi chrétienne.

Aujourd’hui, Toussaint, nous regardons notre avenir. Un avenir qui commence dès aujourd’hui. Par des actes très concrets. Pauvreté de cœur. Accueillir le don de Dieu en nous reconnaissant pauvres. En reconnaissant que nous ne savons rien faire. Nous ne pouvons pas nous sauver par nous-mêmes. En fait, si nous essayons de mettre en œuvre cette charte par nous-mêmes, nous ne connaîtrions que l’échec. Nous ne pouvons entrer dans cette charte des béatitudes que par Jésus, en Jésus, avec Jésus. « Heureux le cœur pur ! » Vous le savez, en physique, le mot pur a le même sens qu’en vie spirituelle. Ce qui est pur en physique, un corps pur, c’est une matière où il n’y a qu’une seule sorte d’atome. Un bloc d’or, il n’y a que de l’atome d’or, et c’est un corps pur… A l’inverse, un corps impur, c’est tout ce qui alliage. Le cœur pur, c’est celui qui choisit. Celui qui décide de son objectif et qui y va. Et nous savons que nous sommes pauvres, donc nous ne savons pas y aller tout seul. Et le psaume nous donne la clé. « Nous cherchons ta face ». Et comment le trouver ? Parce qu’Il se donne à nous. Il se donne dans sa parole, Il se donne au plus profond de nos cœurs dans la prière, Il se donne dans les sacrements, celui que nous allons vivre dans quelques instants, Il se donne dans chacun de nos frères. Cherchons-le. Cherchons-le. Il veut nous donner la joie et le bonheur.