Pourquoi devons-nous être missionnaire ?

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Homélie 24 octobre 2021 ; 30e dimanche du TO, B ;
Dimanche des Missions ;
par l’abbé Gaël de Breuvand.

Nous sommes dans l’évangile selon saint Marc, et la question de saint Marc est : « Qui est Jésus ? » Et au milieu de l’Évangile, à peu près au chapitre 8, nous entendons Pierre dire : « Tu es le Messie ». Et c’est la bascule ! Jusqu’à présent, Jésus était en Galilée, dans le Nord, et c’est là qu’Il enseignait, qu’Il prêchait, qu’Il faisait des miracles, qu’Il enseignait Ses disciples. Et, à partir de cette découverte, Jésus est le Messie, il se passe deux choses : Jésus va expliquer ce qu’est un Messie, et ce n’est pas Superman ! et Il va commencer à aller à Jérusalem, où comme Il le dit, les grand prêtres, et les chefs vont L’accuser, Le condamner, Le mettre à mort, et Il ressuscitera.

I – Bartimée reconnait le messie-roi

Dans ce trajet, pour aller à Jérusalem, Jésus fait un petit écart. Je ne sais pas si vous connaissez la Terre Sainte, mais la Galilée est au nord, Jérusalem, au milieu de la région sud, et puis, un peu plus vers l’Est, il y a Jéricho ; mais Jéricho n’est pas du tout à la même hauteur que Jérusalem : Jéricho, c’est très bas, très très bas, c’est tellement bas que c’est la ville la plus basse du monde, 250 mètres en dessous du niveau de la mer, au bord de la Mer Morte. Et, à l’inverse, Jérusalem, c’est à près de 1000 mètres d’altitude ; donc, en allant de Jéricho à Jérusalem, Jésus se prépare à faire une bonne montée. À Jéricho, Il est descendu, et, de fait, on peut y voir un signe : comment Jésus vient nous rencontrer alors que nous, nous sommes au plus bas. Saint Marc ne nous dit pas ce que fait Jésus à Jéricho, mais saint Luc nous a rapporté l’épisode de Zachée. Jésus sort de Jéricho, et voilà que Bartimée crie : « Jésus, Fils de David, prends pitié de moi ! » C’est une parole importante. Ce n’est pas seulement une parole de détresse, « Je suis au fond du trou, Seigneur, aide-moi ! » ça, l’est, mais pas seulement. C’est aussi une acclamation, une reconnaissance de ce qu’est Jésus. Quand les rois grecs entraient dans leurs villes, la foule criait : « Kyrie Eleison », « Seigneur tu fais grâce », que l’on peut traduire aussi par « Aie pitié de nous ». En fait, Bartimée, en criant « Prends pitié de moi » est en train de dire « Jésus, tu es roi » et il le dit d’autant plus qu’il lui donne son titre : « Fils de David ». Et même mieux, son prénom. « Jésus », « Dieu sauve ». Oui, Jésus est roi, et, à ce titre-là, dans la tradition d’Israël, le roi, c’est celui qui est choisi par Dieu pour prendre soin de son peuple. Et puis, on voit cette foule qui fait d’abord écran. « Chut, tais-toi, il ne faut pas que cela se sache, il y a peut-être des prêtres et des scribes qui voudraient nous tuer. » Cette foule fait écran, c’est terrible, ça, mais Jésus entend et demande à ce qu’on le fasse venir… et on voit une conversion de la foule : « Confiance, lève-toi, Il t’appelle ». « Écoute, ton Dieu t’appelle », c’est ce que l’on a chanté au début. Et, là, on voit Bartimée qui bondit, qui lâche son manteau – autrement dit, il lâche sa vie d’avant, d’une certaine manière – il lâche ce qui est trop lourd pour lui, il lâche tout ce qui l’encombre, pour pouvoir avancer vers Jésus. Et là, Jésus l’accueille et Lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Cette question-là, elle est pour nous aujourd’hui.

Qu’allons-nous répondre ? « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »

Cette réponse ne peut être donnée que par la foi. Et c’est très étonnant : d’habitude, quand il y a des muets, des sourds, des aveugles, des boiteux, quand Il les guérit, Il les touche ; mais là, non, pas besoin : « Va, ta foi t’a sauvé ». Une parole. La foi de cet homme, de ce Bartimée, est tellement grande qu’il est prêt à accueillir juste une parole, sans contact, et il se met à suivre Jésus. Et d’ailleurs, on voit que, pour une fois, Jésus ne lui dit pas de se taire. Pendant les huit premiers chapitres, chaque fois que quelqu’un disait à Jésus « Tu es le Messie », Jésus lui disait : « garde cela secret, tais-toi. » Et, là, non. Parce que Jésus est en train de dévoiler ce qu’est vraiment le Messie. Jusqu’à présent, on pouvait se méprendre, on pouvait croire que le Messie serait un surhomme, serait un superman, qu’il nous empêcherait d’avoir aucun problème. Jésus monte à Jérusalem, Il va nous dévoiler ce qu’est véritablement le Messie : celui qui vient vivre, souffrir, mourir, traverser les épreuves, les difficultés, les combats, avec nous. « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Dans cet évangile, nous avons vu que Jésus était roi, et qu’Il accepte ce titre-là.

II – Messie-prêtre, Messie-prophète

La Deuxième Lecture, je vous invite à la relire, car elle est à la fois pas très facile – si on veut juste l’entendre, on ne comprend pas forcément tout -, mais en même temps c’est une belle définition de ce qu’est un prêtre ; l’auteur de la Lettre aux Hébreux nous dit : le prêtre, c’est celui qui fait le pont entre les hommes et Dieu. Et, en fait, il n’y a qu’un seul vrai prêtre, qu’un seul vrai pont, et vous savez qui c’est : c’est Jésus… Or, il se trouve que justement, le Messie attendu était, selon les traditions bibliques, soit un roi – c’était la majorité des gens qui pensaient que ce Messie-là deviendrait roi – soit un prêtre. Et, de fait, Jésus est bien prêtre, il est celui qui est le pont entre Dieu et les hommes, Il est celui qui unit la Terre et le Ciel, par ce mystère que l’on appelle le mystère de l’Incarnation, qu’on appelle aussi – attention, gros mot – l’union hypostatique : en la personne de Jésus, il y a 100% de Dieu, tout Jésus  est Dieu, et il y a 100% d’homme, tout Jésus est un homme ; cela reste un peu trop fort pour nous, on ne peut pas tout comprendre, mais on voit juste la conséquence : en Jésus, la Terre et le Ciel se touchent.

Et puis, la troisième tradition biblique, dans l’attente du Messie, c’était l’attente d’un grand prophète. Un grand prophète qui nous dirait qui est Dieu : c’est ce qu’on ressent un petit peu dans la Première Lecture. Jérémie parle à un moment où c’est la panique en Terre Sainte, car on est juste dans les guerres qui vont précéder le grand exil à Babylone, où Dieu se dévoile, et Il se dévoile : « Je suis un Père pour Israël, Éphraïm est mon fils aîné ». Le prophète Jérémie nous apprend que Dieu est pour nous Père, il nous apprend aussi que le Dieu d’Israël est aussi Dieu pour tous les peuples, pour toutes les nations : nous le savons, c’est ce que Jésus, tout au long de sa vie, va manifester : l’amour de Dieu pour nous, l’amour de Dieu pour chaque homme.

III – Prêtre, prophète et roi, la mission du baptisé

Alors, vous allez me dire, Jésus est prêtre, prophète, et roi, mais qu’est-ce que cela change pour moi ? Cela change d’abord la relation avec Lui : Il est celui qui me sert, c’est comme ça qu’Il se présente pour moi, Il est celui qui m’enseigne, Il est celui qui m’offre au Père : prêtre, prophète, et roi. Mais, cela change aussi une autre chose. C’est que nous avons été baptisés, et en étant baptisés, nous sommes devenus membres d’un corps qu’on appelle l’Église, membre d’un corps dont la tête est le Christ : nous sommes membres du corps du Christ, et donc nous portons avec Lui cette mission, nous sommes, par le baptême, unis au Christ prêtre, prophète, et roi. Nous aussi, nous avons à porter le monde dans notre prière et à le présenter au Père, nous aussi nous avons à témoigner de la tendresse et de l’amour de Dieu qui s’est donné pour chaque homme, nous aussi, nous avons à nous mettre au service, à être attentifs, à prendre soin les uns des autres, à prendre soin de nos frères.

Aujourd’hui, dimanche de la mission, ce sont ces trois dimensions qu’il nous faut mettre en œuvre : c’est très concret, ce n’est pas juste un truc théorique qui ne nous concerne que de loin. Comment, aujourd’hui, dans ma vie, dans mon foyer, auprès de mes enfants, auprès de mes voisins, auprès de mes collègues de travail, auprès des différents groupes ou institutions dans lesquels je suis engagé, comment est-ce que je suis prêtre, prophète, et roi, par Jésus, avec Jésus, en Jésus ? Alors, face à cette mission-là, Jésus nous pose encore la question : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »