Cocher les cases, ou être amoureux ?

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Homélie du 28e dimanche de TO, année B
par l’abbé Gaël de Breuvand
avec les Scouts et Guides de France

Sagesse 7,7-11 ; Psaume 89 ; Hébreux 4, 12-13 ; Marc 10,17-30

L’évangéliste saint Marc nous donne à voir une rencontre entre un homme riche et Jésus.

La première condition de cette rencontre, c’est le cœur de cet homme. Il cherche, il a de l’ambition, il a une vraie ambition, il cherche le meilleur pour lui-même : il veut la vie éternelle. Et il a bien raison ! La vie éternelle, c’est la vie de Dieu lui-même, c’est une vie où il n’y a plus qu’amour, il n’y a plus que joie, et donc c’est plutôt une bonne chose que de chercher la vie éternelle. D’ailleurs, on a entendu le psaume – qui était d’ailleurs particulièrement bien chanté – « Rassasie-nous de Ton amour, Seigneur. » Cela veut dire la même chose : Seigneur, donne-moi la vie éternelle. « Rassasie-nous de Ton amour. » Voilà : la première condition pour pouvoir rencontrer Jésus en vérité, c’est d’avoir un cœur ouvert, un cœur qui cherche Dieu, un cœur qui cherche la vraie joie et le vrai bonheur. Il faut être un peu ambitieux, il ne faut pas se satisfaire du confort terrestre, il faut vouloir la vie éternelle. Ce qui commence aujourd’hui.

Alors, Jésus l’entend, Il va lui répondre. Il le fait en donnant des commandements. Sur les dix, Jésus en donne six, comme une liste de petites choses à faire, de petits actes à poser. Et vous avez entendu la réponse de cet homme : Mais ça, je le fais déjà, et depuis longtemps ! ; et il a raison de faire ça. Il faut poser des actes, des actes qui sont bons. Pourquoi ? Parce qu’ils nous construisent : quand je pose un acte bon, cela me transforme en bien. D’ailleurs, c’est la même chose : quand je pose un acte mauvais, cela me transforme en mal. Et mes actes me construisent.  Et donc il est bon de faire un choix, et c’est ce choix qu’a fait cet homme, poser des actes bons : « Maître, tout cela je l’ai observé depuis ma jeunesse. »

Il y a un risque, quand même, c’est que tous ces actes nous sont présentés comme une liste. Si, lorsque nous sommes enfants, cocher des cases, cela peut nous aider, il arrive à un moment où l’on peut croire que, ce qui est important, c’est de cocher la case : vous voyez ce que je veux dire ? Se limiter à cocher la case, et oublier qu’il y a un but. Le but n’est pas de cocher la case, le but, c’est d’entrer dans la vie éternelle, c’est de trouver la vraie joie et le vrai bonheur. Il y a une comparaison : la semaine dernière, on a entendu une parole de Jésus sur le mariage, et sur l’amour humain, qui est un signe de l’amour de Dieu lui-même. Si un jeune homme vient me voir et me dit : voilà, je voudrais épouser cette fille, je lui dirai : tu pourrais commencer à faire connaissance, à l’inviter au restau, à marcher avec elle, à faire des trucs de dingue avec elle, à, peut-être aussi, prendre le temps de prier avec elle. Et là, ce jeune homme me dirait : aah mais cela, tout cela, je le fais déjà ! alors je lui dirais : maintenant, tu peux lui donner ta vie. C’est exactement ce que fait Jésus. Tout ce que fait ce jeune homme riche, c’est bon, mais cela ne suffit pas. Il faut faire un pas de plus, et ce pas de plus, c’est de tout donner, ne rien retenir, tout donner pour la joie et le bonheur de l’autre. Et là, on voit que ça coince un peu. « Il avait de grands biens », il était bien confortable, il avait quand même du mal à tout lâcher, à tout lâcher pour suivre le Christ. De fait, on le voit : vous connaissez peut-être des gens qui n’ont pas réussi à se marier, parce qu’ils ont eu du mal à tout lâcher.

Peut-être que la leçon de l’Évangile d’aujourd’hui, c’est de passer d’une logique de cases à cocher – on a bien tout fait – à une logique de passion amoureuse. Mon but, c’est la joie et le bonheur, c’est la vie éternelle, c’est d’être dans une relation vraie, plénière, entière, confiante, avec Dieu lui-même, avec Jésus qui est son témoin, son messager, qui est Dieu lui-même aussi. Oui, il nous faut être des passionnés, des amoureux ; et, d’ailleurs, quand on n’est pas amoureux, on a du mal à poser les actes d’amour, et donc on va peut-être les faire, mais un peu comme quand on coche des cases. Quand on est amoureux, tout cela est facile. Comme on le dit : en amour, on ne compte pas. En amour, on ne compte pas. Cela permet en même temps de tenir ; pourquoi dans l’Église y-a-t-il quelques règles ? Par exemple, l’Église demande d’aller à la messe tous les dimanches : on peut se dire : c’est insupportable. C’est une règle, elle est bête, cette règle ; mais elle nous est donnée pour nous aider à entrer dans la passion amoureuse, et après, quand on sera dans la passion amoureuse, on ira à la messe, mais pas seulement le dimanche. Voilà, c’était un exemple.

Il s’agit d’entrer pleinement dans le projet de Dieu. Dieu veut nous aimer, Il veut faire de nous Ses amis, Il veut faire de nous Ses collaborateurs. Alors, laissons-nous aimer, laissons-nous aimer, parce que c’est Son amour qui nous sauve. De fait, ce ne sont pas les cases que nous allons cocher qui nous permettront d’arriver devant Dieu en disant : ça y est, je suis Ton ami. C’est l’amour, l’amour que nous aurons reçu, l’amour que nous aurons donné : donné à Dieu, donné à  nos frères, parce que nous le savons, c’est tout Un.