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Homélie du 24e dimanche de TO, année B – 12 septembre 2021
Is 50, 5-9a ; ps 114 ; Jc 2, 14-18 ; Mc 8, 27-35
par l’abbé Gaël de Breuvand

Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.

Dessin de Coolus. Voir son site

Homélie 12 septembre 2021

par l’abbé Gaël de Breuvand

Une lecture du Livre du prophète Isaïe : c’est un très long livre, le Livre du prophète d’Isaïe ; là nous sommes au chapitre 50, et on est dans ce qu’on appelle le deuxième Isaïe ; parce qu’en réalité il semble qu’il y ait eu trois auteurs pour ce Livre-là. Un qui a parlé autour des années 700, un qui a parlé autour des années 550 et l’autre qui a parlé autour des années 450. Et là, c’est le deuxième Isaïe qui parle, au moment où le peuple est en exil et rien ne va plus.

I – LE 3E CHANT DU SERVITEUR

Et voilà que celui qui parle, dans les chapitres 47, 49, 50, 53, se présente comme un serviteur. C’est comme cela qu’on appellera ces quatre passages : les « chants du serviteur ». Là, c’est le troisième chant du serviteur. Le serviteur, qui est-il ? Eh bien, c’est d’abord un disciple. Qu’est-ce que c’est qu’un disciple ? C’est celui qui a les oreilles ouvertes. Et qui ouvre les oreilles ? « Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert les oreilles lui-même. » C’est Dieu qui ouvre les oreilles. Un disciple est un cœur qui écoute ; mais pas seulement, cela ne s’arrête pas là. Le serviteur – ce serviteur-là – est serviteur parce qu’il écoute, mais aussi parce qu’il parle. Il témoigne, et là, il témoigne de quoi ? Il témoigne du message que Dieu lui transmet par sa vie. Et aussi par ses paroles. Et alors ? La conséquence ? C’est d’abord la persécution : « J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe ». Ce serviteur est le persécuté. Et le pire dans tout cela, c’est qu’il est persécuté par ceux-là même qui ne devraient pas le persécuter, car ce sont ses proches, ses amis, les siens. Alors qu’on est en exil à Babylone, ce ne sont pas les Babyloniens qui persécutent le serviteur. Non. On est en 550 avant J.-C. Et ce texte, nous le savons, car nous les connaissons bien, les chants du serviteur, nous les entendons au moment de la Semaine Sainte : il s’applique tout particulièrement à Jésus. Jésus est le disciple par excellence, celui qui est absolument à l’écoute de la parole du Père, Il est celui qui témoigne par Sa vie, Il est celui qui est persécuté. C’était le premier point.

II – LA FOI NAIT DE L’ÉCOUTE

Le deuxième point va tourner autour de la première partie de l’Évangile, cette proclamation de foi. Alors, quel est le lien ? La foi est un cadeau de Dieu qui a justement la capacité d’avoir le cœur ouvert au cadeau que Dieu veut nous faire. Vertu théologale de foi, la connexion avec Lui. Et les Anciens nous disaient que « fides ex auditu », « la foi naît de l’écoute ». Si je me mets à l’écoute de la parole du Seigneur, si je veux Le recevoir dans ma vie, alors, oui, je vais recevoir cette connexion qu’est la foi. Tout mon être est concerné. De fait, si j’ai la foi, cela va toucher mon cœur, mon intelligence, ma parole, mon corps, tout ce que je fais. La foi, c’est ce cadeau que nous recevons au baptême ; quand les petits enfants – ou les adultes, d’ailleurs – viennent, on leur demande : « que demandez-vous ? » et ils répondent « je demande la foi », « pourquoi ? » Elle « donne la vie éternelle ». La foi, c’est cette connexion qui est inscrite sur notre cœur pour que nous puissions recevoir l’amour de Dieu lui-même. Recevoir la charité. Et c’est justement tout le thème de saint Jacques. C’est bien beau d’avoir une connexion, mais si on n’y fait pas passer le message, si on n’y fait pas passer l’essentiel, une connexion qui n’est pas branchée ne sert à rien. Il faut que le courant passe. Et ce courant, c’est l’amour de Dieu. Cet amour de Dieu, il nous est déversé par le Seigneur : j’ai l’oreille de mon cœur grande ouverte, ça arrive dans mon oreille, et ça déborde de moi. C’est comme cela que ça doit se passer ; mais le Seigneur n’est pas un tyran pour nous, ni un maître qui aurait des esclaves, non, Il est père et donc Il nous fait cadeau de Son amour, et nous restons toujours libres de L’accueillir. Le reproche que fait saint Jacques, c’est de dire : il y en a qui font profession de foi, ils savent qui est Dieu, ils savent que Dieu veut leur faire cadeau, et, à un moment ou à un autre, ils ferment la porte. Alors, ils ferment la porte parfois avant que l’amour de Dieu n’entre dans leurs vies, ou bien ils ferment la porte pour empêcher cet amour de Dieu de sortir d’eux. Le problème est que là où il n’y a pas de Charité, c’est une foi morte, c’est la foi des démons. Satan a une forme de foi sans amour. Oui, il connaît plein de choses sur Dieu, et pourtant Dieu le dépasse absolument, donc il a bien une forme de connaissance de Dieu par son intelligence, il y croit ; et, en même temps, il refuse d’aimer, il refuse de faire confiance, c’est vraiment une foi morte.
Nous sommes invités par saint Jacques, et par le Christ, à mettre en œuvre notre foi. Une foi qui se traduit en actes – que ce soit des actes dans ma relation avec Dieu le Père, donc dans ma prière, mais aussi dans mon rapport avec les autres, avec mes frères, mais aussi avec moi-même : je dois vouloir le meilleur pour le Bon Dieu, le meilleur pour mes frères, et le meilleur pour moi-même. Et cela implique que ça ne sera pas toujours un chemin facile. C’était le deuxième point.

III – FAIRE GRANDIR LA FOI

Un petit troisième ? Pour la route ? Justement, comment faire grandir ma foi ? Cette foi que j’ai reçue le jour de mon baptême est invitée à se déployer, à faire laisser passer plus d’amour. Comment faire pour faire grandir ma foi ? Il n’y a pas 36 solutions, il faut suivre Jésus, il faut rencontrer Jésus, et je Le rencontre en ouvrant ma Bible tous les jours : est-ce que je donne 3 minutes, 5 minutes, juste pour lire le texte du jour ou un texte ? Dans la parole de Dieu, cela peut-être dans l’Évangile, dans toute la Bible. Je Le rencontre aussi dans ma prière, ce moment où je me mets face à face avec Lui, Il me regarde, et je Le regarde. Pas besoin que ça soit très long, mais un temps donné. Et Dieu travaille mon cœur, Il écarte tout ce qui reste crispé, Il le décrispe. Je Le rencontre dans les sacrements, avec ces deux piliers de notre vie des sacrements, la communion – l’eucharistie – et le sacrement de réconciliation. Et je Le rencontre dans vous, mes frères. Vous êtes, pour moi, le Christ aujourd’hui, et je suis, pour vous, le Christ aujourd’hui, et vous êtes chacun, les uns pour les autres, Christ. Il nous faut ouvrir les yeux de notre cœur pour cela car, parfois, le Christ, on ne Le voit pas bien. Et puis, Il est aussi tout particulièrement chez les plus pauvres et les plus petits. Il l’a dit, nous le savons bien.

Alors il nous faut suivre Jésus, comme Pierre, – ou pas. Pierre a suivi Jésus, cela fait deux ans qu’il Le suit. Il est beau ce passage, il est au chapitre 8 de l’Évangile qui en compte 16. C’est juste au milieu. Cela indique bien que c’est important, c’est comme la perle qui est au milieu de l’écrin. Et, vous avez entendu, cet évangile est en deux parties. OK, profession de foi – ça c’est le Père qui lui fait cadeau : « Tu es le Christ ». Et quand on est en adéquation avec le réel, quand on est dans la vérité, eh bien, il y a forcément une joie. Moi, chez Pierre, dans ce moment-là, je vois une grande joie. Il a trouvé et il a raison : « Tu es le Christ ». Autrement dit tu es ce grand prêtre, ce grand prophète, ce grand roi qui va venir sauver les hommes. Le peuple d’Israël d’abord, puis les hommes. Il a le cœur dilaté en disant cela. Donc on a le droit de suivre Pierre sur ce point. Et Jésus parle, enseigne : ok, je suis le Messie, tout à fait, vous avez raison, mais n’en parlez pas encore car vous n’avez pas encore très bien compris ce que c’était qu’un Messie. Vous croyez que c’est un superman qui vous empêchera d’avoir des problèmes… En fait, ce n’est pas tout à fait ça : « Il faut que le Fils de l’Homme – autrement dit ce Messie – souffre beaucoup, qu’Il soit rejeté par les Anciens, les grands prêtres et les scribes et qu’Il soit tué. » Et Pierre s’arrête là. Il écoute juste en partie – nous aussi, d’ailleurs… – c’est la partie dont on se souvient. Et pourtant Jésus va un tout petit peu plus loin « Et trois jours après, Il ressuscite ». La souffrance et la mort, oui, et la Résurrection. La Résurrection, oui, mais la souffrance et la mort. Tout va ensemble, on ne peut pas juste sélectionner et prendre : je prends la résurrection, mais la souffrance et la mort, pas pour moi. Ou réciproquement. Pierre, lui, prend la souffrance et la mort, il n’entend pas la résurrection. C’est drôle.

Petite anecdote, c’était au mois d’août, on avait eu le texte d’Éphésiens 5, vous savez : « Soyez soumis les uns aux autres, les femmes à leurs maris, comme au Seigneur lui-même. » On prend toujours le temps d’expliquer ce que cela veut dire, d’expliquer le fond, et normalement on démine un petit peu, et puis à tous les coups, il va y avoir quelqu’un à la sortie de la messe qui va me dire : « C’est quand même scandaleux, ce qui a été dit tout à l’heure ! » Oui, on se rend bien compte qu’on décide d’écouter ou pas. Il y a des moments où on ferme nos oreilles, et on récrimine, d’ailleurs !

Vous vous rendez compte de ce qu’il a dit ? Ben oui mais il faut tout écouter. Et là, Pierre fait de vifs reproches à Jésus parce qu’il n’a pas tout écouté : non ce n’est pas possible que Tu souffres et que Tu meures. D’ailleurs, je vais Te protéger. Il a du mal à suivre Jésus, Pierre. D’ailleurs, il aura du mal à témoigner de Jésus. Lorsqu’on lui demandera : « toi aussi, tu faisais partie des disciples », il répondra « ah non, je ne connais pas cet homme ». Et puis, un peu avant, on lui demandait d’agir avec Jésus. Mais Jésus ne veut pas la mort du pécheur, et c’est Lui qui le dit. Pierre donne un grand coup d’épée ou de glaive dans l’oreille de Malcchus… Ce n’est pas tout à fait le projet de Dieu. Pierre fait un peu comme ça lui chante. Il écoute ce qu’il veut bien entendre. Moi aussi, – je ne sais pas pour vous -, mais moi aussi je ne suis pas très bon.

Et Pierre, il va falloir qu’il avance, il va progresser et un jour Jésus sera sur le bord du lac et Il lui dira « Pierre, m’aimes-tu ? » Et, en fait, c’est ça la vraie question, celle que Jésus nous pose, à chacun, aujourd’hui : « M’aimes-tu ? »