Vivre l’Alliance, c’est renoncer pour mieux choisir

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Jos 24, 1-2a. 15-17.18b ; ps 33 ; Ep 5, 21-32 ; Jn 6, 60-69
Dimanche 21 août 2021, 21e dimanche du TO, B
par l’abbé Gaël de Breuvand.
C’est une retranscription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.

de Coolus : son site

I – Renouvelez l’Alliance !

La Première Lecture qui nous est donnée, aujourd’hui, c’est la fin du livre de Josué. Ça y est, le peuple est arrivé en Terre Promise. Ça y est, la promesse est en train de s’accomplir. Et Josué propose un choix au peuple : aujourd’hui encore, il est possible de choisir. Est-ce que vous choisissez les dieux de vos pères ? Est-ce que vous choisissez les dieux d’ici ? Ou est-ce que vous choisissez Celui qui nous a libérés d’Égypte ? Est-ce que vous choisissez le Dieu des Hébreux, Celui qui s’est dévoilé comme notre Père ? Il s’agit de renouveler l’Alliance : l’Alliance qui avait été tissée entre Moïse et Dieu au nom du peuple. Et nous le savons, tout au long du Livre de l’Exode, avant d’arriver en terre Promise, cette Alliance avait déjà été bousculée, et elle avait été renouvelée, parce que Dieu est fidèle : sans arrêt, sans cesse Il nous tend la main. Peut-être qu’il y a des grandes périodes dans ma vie où je ne pense pas à Dieu, mais Lui, Dieu, pense à moi, Il m’aime, Il veut ma joie et mon bonheur. Et aujourd’hui la question m’est posée, vous est posée, nous est posée : voulons-nous, aujourd’hui, choisir d’avoir Dieu comme Père ? Question… Et il nous faut y répondre !

II – Manger le Christ ?

Alors, comment répondre ? En s’attachant au Christ, Jésus. Il est Dieu lui-même qui est venu dans notre monde pour tisser le pont que nous avons tellement de mal à établir entre Dieu et nous… d’ailleurs, on ne sait pas bien faire : Dieu nous parle, et on lui dit : oui oui, c’est ce qu’on va faire, on va être fidèle, on va faire ce que Tu nous demandes… et, juste après, on va faire l’inverse. C’était vrai pour les Hébreux, et c’est vrai pour nous, en tout cas pour moi, je ne sais pas, pour vous… Et on a entendu Jésus parler, 1er août, le 8 août, – on a sauté un passage parce que la semaine dernière c’était l’Assomption, – et, là, on est à la fin du grand discours de Jésus à Capharnaüm, celui qu’on appelle le discours du pain de Vie. Vous savez, ce passage où Jésus dit : « Je vous donnerai ma chair à manger ». Alors là, les Juifs se scandalisent ! Faut-il devenir cannibales ? Donc, c’est une première histoire, et il y en a qui disent : non, ça, on ne peut pas, on s’en va. Ils ont été scandalisés, et ils ont fermé leurs oreilles, et ils s’en vont. D’autres se disent : la Parole de Dieu est nourriture, et de fait Dieu se fait bien nourriture pour nous ; mais comment un homme, Jésus, pourrait-il lui aussi être nourriture ? Est-ce qu’il se prend pour Dieu ? Alors, on pourrait se dire : mais non, ne vous inquiétez pas, Jésus en disant « Je vous donnerai ma chair à manger », n’utilise qu’une expression un peu forte, ce n’est qu’une façon de parler. Et là, déception, Jésus ne retient pas ceux qui partent. Il ne leur court pas après en disant : non, ne vous inquiétez pas, j’exagérais. Non : Il les laisse partir. Oui, Il nous donne Sa chair à manger, et de manière très concrète. Et, nous le savons, cela s’accomplit à la Cène. Ce sont Son corps et Son sang qui nous sont donnés, pour que nous vivions de la Vie éternelle. Ce sont Son corps et Son sang que nous allons découvrir sur l’autel, dans quelques instants, lorsque le prêtre va dire les paroles de Jésus. De fait, ce n’est plus moi qui parle, c’est Jésus qui parle. Juste là. Non, Jésus ne rattrape pas ceux qui partent en disant : ne vous inquiétez pas, j’exagérais, ce n’est qu’une façon de parler, métaphore. Non, et même Il se tourne vers les plus proches, Ses plus proches disciples, et leur demande : est-ce que vous cela vous choque trop ? Est-ce que vous aussi vous voulez partir ? Et peut-être que, parmi les douze, il y en a un qui était peut-être un peu tremblotant, en se disant : là, cela devient trop délirant. Mais voilà : Pierre reçoit la grâce de l’Esprit Saint, et il fait cette parole de foi, cette confession : « À qui irions-nous ? Tu as les Paroles de la Vie éternelle, nous croyons que Tu es le Saint de Dieu. » Rendons grâce pour cet acte de foi, sur lequel l’Église est fondée : « Pierre, tu es pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon église. » C’est ça, chez saint Jean.

III – Église, le lieu de la soumission au Christ

L’Église est fondée sur cette parole de foi que Pierre a prononcée, c’est ce dont saint Paul – voilà, là, on va attaquer le sujet qui fâche – c’est ce dont nous parle saint Paul dans cette lettre aux Éphésiens au chapitre 5. De quoi parle saint Paul ? Il parle d’abord de l’Église et du Christ. Qu’est-ce que l’Église ? C’est une réalité, une communauté, c’est une assemblée, un ensemble de gens qui ont été appelés et convoqués. Par qui ? Par Jésus ! Une Église n’existe que parce que Jésus. Vous enlevez Jésus : pas d’Église. Nous sommes ici parce que Jésus nous appelle, et, en bonne théologie, l’Église n’existe que parce que Jésus lui donne tout, tout ce qu’Il est, Il a livré Sa vie, c’est tout saint Paul : « Il a aimé l’Église, Il s’est livré lui-même pour elle. » Livré, et nous le savons, Il s’est livré sur la Croix. Il a confié Sa Mère au disciple bien-aimé, Il a ouvert les portes du ciel à chacun de nous. L’Église reçoit : c’est son acte premier et fondateur : nous, communauté chrétienne, nous ne pouvons nous dire « Église » que parce que nous recevons Jésus dans nos vies. Sinon, nous ne sommes pas l’Église. C’est d’ailleurs pour cela que l’Église est sainte. En fait, la frontière de l’Église passe au milieu de mon cœur : les lieux où le Christ est accueilli royalement, là est l’Église. Les lieux où je mets Dieu à l’écart, ce n’est pas l’Église. C’est pour cela qu’on dit que l’Église est sainte, parce qu’en moi, il n’y a que la partie sainte qui fait véritablement partie de l’Église. Le reste, c’est déjà un peu mort, mais cela peut ressusciter, car Jésus, par une parole, a voulu la purifier par le bain de l’eau baptismale. Cela mérite des heures de réflexion, ce texte. C’est une merveille.

IV – Église, le lieu de la soumission les uns aux autres

Et puis saint Paul, nous fait une analogie, comparaison, où l’on sait qu’il y a plus de différences que de points communs, mais cela vaut le coup quand même de faire cette comparaison. Cette union entre le Christ et l’Église, elle ressemble à l’union qui existe entre l’homme et la femme. Et ça, c’est beau. Ce mystère est grand ! Alors, dans le texte, on n’y fait pas attention : quelle est la première phrase, c’est celle qui éclaire toute la suite : « Frères, par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres. » Et du coup, il faut que l’on se pose la question : qu’est-ce que c’est, être soumis ? C’est intéressant, on ne dit pas : soumettez les autres. C’est « soyez soumis », donc, c’est un acte libre de ma part qui me décide à ce que je me mette en position de réception, en position d’écoute, en position d’accueil ; c’est cela, être soumis. En langage chrétien, être soumis, c’est une qualité, c’est un choix libre : je choisis de me soumettre à Dieu : je choisis de me soumettre à mon frère, je choisis de me mettre en réception de ce qu’il est. Soyez soumis les uns aux autres, et chacun est invité à faire cet effort tout particulièrement.

Jusque-là, ça va… et puis, juste après, il y a la phrase qui fâche : les femmes, comme à leurs maris, après le Seigneur Jésus. Ah ! Mais je viens de dire que tout le monde, chacun de nous est invité à faire le choix d’être soumis. Donc ce n’est pas réservé qu’aux femmes ! On aurait pu tout à fait lire : les hommes, soyez soumis à vos femmes comme au Seigneur Jésus. Cette réciprocité est donnée dès le début du texte, il faut bien l’entendre. Et, un petit peu plus loin, saint Paul parle aux hommes : « vous les hommes, aimez vos femmes, comme le Christ a aimé l’Église, Il s’est livré pour elle ». Et donc « aimer », dans le langage de saint Paul, comme dans le langage chrétien, c’est se donner, se dépenser, travailler pour la joie et le bonheur de celui qui est là près de moi. Vous, les hommes, fatiguez-vous un peu pour vos épouses ! Et là encore il faut l’entendre : vous, les épouses, fatiguez-vous pour vos maris ! Alors, on pourrait se dire : saint Paul n’a pas écrit cela ; « Les femmes à leurs maris comme au Seigneur Jésus » et « vous les hommes aimez votre femme à l’exemple du Christ ». Alors, c’est vrai, et je pense que saint Paul est un peu pastoral, dans ce texte aussi, autrement dit, il s’adapte à la situation présente. Et, il se trouve que, – mon expérience, ce n’est pas 100% de réalité, il y a toujours des exceptions, – mais, dans nos vies, dans les vies de couple, il peut y avoir un petit effort à faire de la part de la femme pour accepter et recevoir son mari tel qu’il est, sans vouloir forcément le changer, donc être un peu plus dans la position d’être soumise. Voilà, cet effort-là, c’est ce que propose saint Paul. Et puis, les hommes ont une petite tendance à être un peu paresseux en amour, et, du coup, saint Paul les invite un peu plus à se donner en amour : Donnez-vous un peu plus, travaillez un peu plus à la joie et au bonheur de votre épouse ! Je pense vraiment que saint Paul essaie de nous bousculer un peu. Cette dimension pastorale où l’on adapte le langage : les femmes, accueillez votre mari tel qu’il est, les hommes, fatiguez-vous pour la joie de vos femmes, cela ne nous cache pas cette réalité magnifique : un couple qui choisit de s’aimer, où l’homme est pour sa femme le Christ, où la femme est pour son mari le Christ, où l’homme est pour sa femme l’Église et où la femme est pour son mari l’Église – réciprocité – eh bien, c’est une image même, un signe, un sacrement de l’amour de Dieu pour nous.

Cette parole est rude… Qui peut l’entendre ? Eh bien, tous ceux à qui cela est donné, tous ceux à qui le Christ donne Sa grâce, autrement dit, tous ceux – nous tous – qui choisissons d’être soumis à la Parole de Jésus.