Sauvés par le Christ-nourriture

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Homélie du 18e dimanche du Temps ordinaire, Année B, 1er août 2021
Par l’abbé Gaël de Breuvand

Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.

I – Jésus donne des signes

Laissons-nous être comme des observateurs, peut-être comme un journaliste, qui est arrivé de l’autre côté du lac et qui voit Jésus accomplir cette chose exceptionnelle, merveilleuse : Jésus a nourri une foule de 5000 personnes avec cinq pains et deux poissons. Et il voit bien que la foule présente souhaite quelque chose de plus de la part de Jésus, mais voilà, Jésus disparaît. Il va se perdre dans la montagne et, au petit matin, on se rend compte que Jésus est parti ; et la foule ne se lasse pas de chercher Jésus, et donc elle retraverse elle aussi le lac, et trouve enfin Jésus. On sent une quête, et c’est beau : cela peut rappeler le Cantique des Cantiques : lorsque la fiancée cherche le fiancé, elle ne se lasse pas de « chercher tant qu’elle n’a pas trouvé celui que son cœur aime ». Et quand elle l’a trouvé, elle est dans la joie ; ça, c’est l’apparence extérieure. Quand la foule l’interroge « Quand es-tu arrivé ici ?», Jésus va dévoiler les pensées du cœur. Et d’ailleurs, Jésus ne répond pas. « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? » Jésus donne cette parole : « Amen, amen, je vous le dis » – quand on entend cette parole-là dans la bouche de Jésus, c’est qu’Il veut nous déplacer, nous bousculer, nous provoquer. De fait la foule qui est là n’a pas vu un signe, autrement dit un panneau indicateur qui montre une autre réalité, la réalité divine : non, elle a vu un truc merveilleux, et assez confortable : quand on sera avec Jésus, on n’aura jamais faim. Mais le miracle des pains, comme d’ailleurs l’ensemble des miracles, des signes que Jésus accomplit, ce n’est pas ça, ce n’est pas pour nous mettre dans une situation confortable, non : c’est pour nous indiquer une direction, c’est pour nous montrer que Jésus est bon berger, qu’Il veut prendre soin de son peuple ; on l’a entendu chez saint Marc – c’était il y a deux semaines – Jésus a vu cette foule, et Il a été saisi de compassion pour elle car ils étaient comme des brebis sans berger. Et puis Jésus nous propose une opposition : « travaillez, non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la Vie éternelle ».

II – La vraie nourriture, la Parole de Dieu

Cette opposition entre ces biens de la terre, qui sont voués à disparaître, et les biens pour la vie éternelle, on l’avait entendue chez saint Jean, deux chapitres avant : c’était au bord d’un puits, dans la région de Samarie, avec la Samaritaine. Et, de fait, Jésus avait demandé à boire, et là aussi il y avait eu une conversation un peu dérangeante ; là aussi il y a avait eu une eau qui désaltérait, mais juste un instant, et puis une eau grâce à laquelle, lorsqu’on la boit, on n’a plus jamais soif. Donc il y a une distinction à faire. Finalement, Jésus nous appelle à nous tourner vers ce qui dure, ce qui est vrai. Alors la foule, ils ne sont pas encore disciples à ce moment-là car ils ont pas mal d’objections, ils ne sont pas encore disciples ; disciple, cela vient du mot : « celui qui se laisse enseigner », et eux, ils posent des questions, mais ce sont un peu des questions pièges. Quelle est cette nourriture ? Les Juifs sont quand même très au fait, ils connaissent la Bible, ils savent quelle est la nourriture qui ne se perd pas, quelle est la nourriture en vue de la vie éternelle. Ils le savent, car ils ont lu le Livre du Deutéronome, et ils ont entendu cette phrase : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». Donc ils connaissent. S’ils veulent vivre, il faut qu’ils se nourrissent de la Parole de Dieu, autrement dit, qu’ils l’écoutent et qu’ils la mettent en pratique. Donc, qu’est-ce qu’il faut écouter et mettre en pratique ? Le plus grand commandement : « Écoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est l’unique et tu l’aimeras de toute ton âme, de tout ton cœur, de tout ton esprit, et tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

III – La Foi sauve

Et du coup, la question, c’est : comment fait-on ? Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » Et là encore, Jésus ne répond pas directement. L’Œuvre de Dieu – tout à l’heure nous étions au pluriel, « les œuvres », et nous sommes au singulier, « l’Œuvre ». L’Œuvre de Dieu, celle qui prime, la première, c’est « de croire en celui qu’Il a envoyé ». En fait cela rejoint le Deutéronome et le plus grand des commandements : « Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique et tu l’aimeras de toute ton âme, de tout ton cœur, de tout ton esprit, et tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Souvent on se dit qu’il y a deux parties, il y a : aimer Dieu, et aimer son prochain. En réalité il y a trois parties. La première c’est « écoute », c’est justement l’action, l’œuvre de la foi. « Écoute ». Accueille, ouvre ton cœur, reçois Dieu dans ta vie. Et quand tu reçois Dieu dans ta vie, tu peux accomplir les œuvres : aimer Dieu et son prochain. Jésus veut recentrer les Juifs – et nous aussi – en nous disant : le cœur de la foi, c’est de croire. Car sinon la religion chrétienne, comme la religion juive avant elle, va vite se retrouver en une liste de choses à faire et à ne pas faire, et des cases à cocher. Ce n’est pas ça, le christianisme, ce n’est pas une morale moralisante où, quand on fait bien, on a un bon point, et quand on ne fait pas bien, on a un mauvais point.

Non, le cœur du christianisme, c’est de croire en Jésus, Fils de Dieu, Sauveur du monde. Personne n’a jamais réussi à entrer dans le Salut, dans la vraie vie, dans le bonheur éternel. Personne n’a réussi à prolonger sa vie d’une seule journée par les bonnes actions qu’il fait. La seule chose qui le sauve, c’est la foi. C’est ce que disait saint Paul, c’est ce que disait saint Augustin, c’est ce que disait même Luther ; notre foi chrétienne dit : c’est la foi qui sauve, et non pas les œuvres. Alors, vous allez me dire, c’est bizarre, quand on lit saint Paul, aux Éphésiens, ce qu’on a entendu aujourd’hui : Il s’agit de vous défaire de votre conduite d’autrefois, laissez-vous renouveler pour poser des actes conformes au Christ. Donc, il y a bien une morale dans cette histoire, il y a bien des actes à poser, il y a bien des œuvres à accomplir. De fait, oui, mais cela vient en second, c’est parce que je crois que ma vie change, ce n’est pas parce que j’ai une liste de choses à faire que je vais finir par croire.

Donc on va conclure sur ce petit passage avec saint Jacques. Saint Jacques est d’accord avec saint Paul : pour lui la foi sauve ; pour autant, une foi qui ne ferait rien, qui n’aurait aucune activité, elle serait un peu morte ; évidement les œuvres sont importantes. Mais elles sont secondes. Et quand on dit second, cela veut dire qu’on ne peut pas l’enlever, donc nous avons besoin, d’abord, de nous retourner vers le Christ et de croire en Lui. Et quand nous croyons au Christ et que nous l’accueillons dans notre vie, alors notre vie va changer. Alors, demandons à Jésus : Jésus, comment faire pour que notre foi grandisse ? La réponse : « Mon père vous donne le vrai pain venu du ciel, car le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. » Et cette vie, elle entre en nous par la foi. Comment je fais grandir la foi ? Eh bien, en accueillant Jésus. « C’est moi le Pain de Vie », c’est ce que dit Jésus. « Moi je suis le Pain de la vie », Il se présente à nous comme une nourriture.

Conclusion : une nourriture, cela se consomme régulièrement !

Et c’est le dernier point : une nourriture.

Vous, comme moi, avons besoin de nous nourrir plusieurs fois par jour. Je ne me nourris pas en me disant : c’est une fois pour toutes. Il faut renouveler cela souvent, car on ‘vit’ tout simplement. Notre relation au Christ, c’est du même ordre, c’est une nourriture. Donc la Parole de Dieu est nourriture pour moi, la Parole du Christ, Parole de Dieu incarnée, est nourriture pour moi ; donc, il faut que je me nourrisse tous les jours, et même plusieurs fois par jour. L’église nous invite à venir le dimanche, et tous les dimanches, car nous avons besoin de nous nourrir de ce que nous sommes les uns les autres, nous, cette communauté, de nous nourrir de cette Parole, de nous nourrir de l’Eucharistie, qui est encore une fois la Parole de Dieu, magnifiée, qu’Il nous a donnée en nourriture. Dire « je crois en Dieu », et de fait ne jamais ouvrir une bible, ne jamais communier, c’est un peu comme si je disais : oui, je veux vivre, mais je n’ai pas besoin de manger. Cela tiendra peut-être quelques jours, mais pas beaucoup plus. Jésus se donne à nous comme nourriture, alors accueillons-Le. Alors, très concrètement, cela veut dire, cette semaine : quels sont les petits rendez-vous que je peux me donner avec Jésus ? À quels moments, dans ma journée ou dans ma semaine, je vais prendre mon évangile et lire un petit passage ? Pas besoin que ce soit très long. Pas la peine de faire une indigestion ! À quel moment cette semaine je vais prendre le temps de me laisser regarder par le Christ, de me laisser aimer par Lui ? Car c’est ça la nourriture qui sauve, la nourriture qui me permet d’entrer dans la vraie vie, dans le vrai bonheur. Dans la vraie joie.