Am 7, 12-15 ; ps 84 ; Ep 1,3-14 ; Mc 6,7-13
15e dimanche du TO – B – Dimanche 11 juillet 2021
par l’abbé Gaël de Breuvand
I – Le dessein bienveillant du Père : faire de nous des fils en Jésus
Je vais surtout vous parler de la Deuxième Lecture, premier chapitre de la Lettre aux Éphésiens. Saint Paul voit large, il nous fait contempler – et il contemple lui-même d’abord – le dessein bienveillant de Dieu, le projet que Dieu a pour Sa création, et pour nous, depuis toute éternité. Dieu est éternel, pour Lui toute chose est présente, ou Il est présent à toute chose, et depuis toute éternité, depuis que Dieu est, Il nous voit et Il a un projet pour nous, et Il nous appelle. Il a créé l’univers, vous vous rappelez, c’est le premier chapitre de la Genèse, chaque chose dans l’ordre. Un travail de séparation : on sépare la lumière des ténèbres, on sépare la terre de la mer, on sépare… Et à la fin, chaque chose a sa place et, comme au couronnement de la Création, Dieu crée l’Homme. En hébreu « Adam » : Adam ça veut dire l’humain, et cet humain, Dieu le crée à Son image.
Mais au 7e jour, Dieu se repose, Il contemple ce qu’Il a fait, il voit que cela est bon, très bon ; pour autant tout n’est pas encore achevé. De fait, le texte biblique nous fait découvrir que l’acte créateur de Dieu a besoin encore d’un achèvement ; et cet achèvement, c’est à l’humain que Dieu le confie : Le jardin nous est confié, il faut que nous en prenions soin. Cette création toute entière, il faut que nous en prenions soin, et que nous la fassions parvenir à son achèvement ; finalement nous avons l’image dans nos cœurs, et nous sommes invités à faire un pas de plus pour entrer dans une ressemblance parfaite avec Dieu lui-même.
Dieu fait de nous Ses fils, et si on choisit le terme de fils, c’est bien volontairement. Un fils, c’est quelqu’un que l’on élève jusqu’à son propre niveau. C’est quelqu’un que l’on veut voir libre : Dieu ne s’est pas créé des esclaves, Il s’est créé des fils. Et comme fils, eh bien, Il nous fait un cadeau, un immense cadeau, celui de la liberté. Bernanos, dans le début des années 1940, disait : « le plus grand scandale, ce n’est pas celui de la souffrance : le plus grand scandale, c’est celui de la liberté. » Pourquoi ? Pourquoi Dieu a-t-il fait libre Sa création ? Parce qu’être libre, cela implique d’avoir le pouvoir de choisir, de choisir entre entrer dans le projet de Dieu, entrer dans la ressemblance avec Dieu, ou pas. Et, de fait, vous le savez, c’est le récit du 3e chapitre de la Genèse : le serpent s’est approché de l’humain, de l’homme et de la femme, et leur a fait miroiter un projet : ‘si tu romps l’interdit, cette parole de confiance qui t’a été donnée par Dieu, alors tu deviendras, vous deviendrez comme des dieux !’ Quelle promesse ! Nous l’étions déjà ! Et en choisissant de se laisser aller à sa convoitise – ce fruit était beau, il était attirant, c’était quand même très intéressant d’être maître du Bien et du Mal – finalement, l’homme a renoncé à entrer dans le projet divin. Mais Dieu ne nous laisse pas tomber, parce qu’Il veut notre joie et notre bonheur. Son amour est fidèle, Il ne se lasse pas de revenir vers nous pour nous proposer un chemin qui soit un chemin vers le bonheur, vers la joie.
Et ce sont des siècles et des siècles de prophètes qui se sont succédé sur la Terre d’Israël, sur la Terre promise ; on l’a entendu en Première Lecture. Amos, qu’est-ce qu’il était, Amos ? Pas grand-chose, il était gardien de bœufs, bouvier, et il soignait les sycomores. [Je ne sais pas bien ce que l’on peut faire avec des sycomores, mais…] Et Dieu l’a saisi et lui a dit : « Va, parle, sois prophète », autrement dit, témoigne de mon amour, mets en garde, – c’est pour ça que souvent les prophètes sont appelés prophètes de malheur, il faut mettre en garde par rapport au mauvais chemin. Et de fait, on l’a bien vu, Il n’est pas très bien reçu. Amasias ne souhaite pas entrer dans ce projet divin, et tout le peuple du Nord non plus. Ils avaient le choix pourtant… Bien souvent, face au projet de Dieu, face au chemin de bonheur que Dieu nous invite à prendre, nous sommes aveuglés. Nous ne discernons pas bien le bien et le mal.
II – L’aveuglement, involontaire et volontaire, qui nous éloigne de Dieu
Dans l’aveuglement, il y a plusieurs nuances : il y a peut-être l’aveuglement un peu volontaire : ça m’arrange de ne pas trop savoir, comme ça je fais ce que je veux ; et puis, il y a l’aveuglement non volontaire, celui dû à l’ignorance. Le pape Jean-Paul avait réfléchi sur cette question et avait évoqué les « structures de péché » ; dans une société donnée, l’ordre de cette société nous pousse à faire des choses qui sont objectivement mauvaises pour nous et on ne se s’en rend pas, ou plus, compte. Je peux vous donner un exemple, la civilisation Aztèque, du côté du Mexique, c’est une grande civilisation sous pas mal de rapports ; et ils avaient un usage qui était le sacrifice humain, et ils en faisaient beaucoup, énormément, c’était quelque chose de normal, quotidien. Et tout le monde participait à cette œuvre qui objectivement est une œuvre de mort. Mais, vu que tout le monde le fait, finalement, c’est que ça doit être bien !!! Pour cette civilisation Aztèque, ça nous saute aux yeux ; mais c’est assez facilement applicable à notre société d’aujourd’hui. Nous avons du mal à entrer dans la coopération plénière, la coopération plénière avec le projet divin, et nous avons tendance facilement à appeler mal ce qui est bien et bien ce qui est mal. Un petit exemple encore (d’aveuglement volontaire), quand j’avais 14 ans, j’étais insupportable avec ma maman, car ma maman fumait, et donc « c’est pas bien de fumer », vous voyez… Et puis à 15 ans je me suis mis à fumer, et là brutalement c’est devenu « ce n’est pas si mal ! ». Notre conscience morale, on est capable de la tordre ; parce que j’avais plus raison à 14 ans qu’à 16… de fait, ce n’est toujours pas bon de fumer !
III – Se convertir pour être récapitulé dans le Christ
Il s’agir de nous laisser convertir. C’est l’appel des disciples, des apôtres : ils proclamèrent qu’il fallait se convertir. Se convertir, c’est quoi ? C’est, alors qu’on regarde dans une certaine direction, eh bien, c’est changer de sens. Se tourner vers le Christ. Parce que le Christ est venu. C’est le cœur de ce beau texte de saint Paul aux Éphésiens : « Il nous a prédestinés à être pour Lui des fils adoptifs, [des fils, et pas des esclaves], par Jésus le Christ. » Le Christ Jésus vient nous redonner et même élever la capacité à être des fils et d’engager notre liberté vers le Bien. Il vient nous redonner la capacité d’être pleinement des coopérateurs de l’Œuvre de Dieu. Et, de fait, Jésus est venu ! Il y a un autre terme que Paul emploie : « Jésus a récapitulé toute chose dans le Christ. » « Récapituler », c’est un mot un peu étonnant : « caput », la tête. Quand on récapitule, c’est quand on met tout sous une seule tête. C’est aussi mettre dans un certain ordre. En fait, c’est redonner un ordre, qui avait été perdu, face à notre incapacité à choisir véritablement le Bien et à renoncer au Mal. C’est remettre les choses dans l’ordre sous une seule tête, Jésus lui-même. Il récapitule, Il nous récapitule, Il nous permet de nous mettre à Sa suite, Il fait de nous Ses collaborateurs, ou Il refait de nous Ses collaborateurs, ses coopérateurs, au point même qu’Il est monté au ciel, le jour de l’Ascension, et qu’en partant Il a dit :’ maintenant, je ne suis plus là, mais ce que Je veux faire, maintenant c’est vous qui le ferez’.
IV – Plénipotentiaire de Dieu
C’est cela. « Il en appela douze », ces douze disciples qui deviennent des apôtres, « apostolos » : l’envoyé, au sens le plus fort du terme. C’est celui qui a tout pouvoir au nom de celui qui l’envoie : le plénipotentiaire. Et de fait, on les voit, « ils expulsaient beaucoup de démons », c’est une puissance de Dieu lui-même. « Ils faisaient beaucoup d’onctions d’huile à de nombreux malades et ils les guérissaient », c’est une action de Dieu lui-même. Il nous a choisis, Il a choisi les disciples, apôtres, et Il nous choisit encore aujourd’hui pour être les apôtres, Ses relais Ses témoins, Ses plénipotentiaires, Ses collaborateurs, Ses coopérateurs. Il ne s’en lasse pas. Alors, Il nous le garantit, Il est avec nous, aujourd’hui et jusqu’à la fin des Temps. Et Il nous appelle encore à une conversion. Cette conversion, c’est quoi ? C’est de dire : Seigneur, je veux que tu sois, Toi, Dieu, premier dans ma vie. C’est la réponse à ce commandement, autrement dit, à ce chemin de bonheur que nous propose Dieu : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit, de toute ta force. » C’est une question que nous pouvons nous poser, chacun personnellement, pour moi : est-ce que je mets bien Dieu, est-ce que je veux aimer Dieu, là aujourd’hui de tout mon cœur, de toute ma force, de toute mon intelligence, de toute ma volonté ?
Ce que je vous propose, au cours de cette semaine, c’est de prendre un quart d’heure et de relire tranquillement ce début de la Lettres aux Éphésiens, et on peut même aller un petit peu plus loin que la deuxième lecture d’aujourd’hui : parce qu’il y a un paragraphe qui suit, qui vaut le coup, le verset qu’on entendu à l’Alléluia. « Que le Père de notre Seigneur Jésus Christ ouvre à Sa lumière les yeux de notre cœur, afin que nous percevions l’espérance que donne Son appel. » En contemplant l’acte de Création de Dieu, Son dessein bienveillant, nous découvrons pourquoi nous sommes faits, et nous sommes faits pour être des Fils qui se laissent aimer et qui aiment en retour.