de l’émerveillement à l’offrande

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Homélie du 12e dimanche de TO, B, le 20 juin 2021,
à l’occasion de la fête paroissiale de fin d’année, dans le jardin d’Azieu, et lors de l’entrée en catéchuménat de Adrien et Anthony
par l’abbé Gaël de Breuvand
c’est la retranscription d’une prédication, qui garde son style oral, les titres ont été ajoutés ensuite.

Jb 38, 1.8-11/ps 106/ 2 Co 5, 14-17/ Mc 4, 35-41

I – Face au mal, contempler et s’émerveiller.

Trois lectures nous ont été données, et la première, c’est un passage du Livre de Job. C’est la seule fois de l’année, et c’est la seule fois sur trois ans, que nous entendrons le Livre de Job, donc, il faut le mâchonner un peu, le ruminer un peu ! Job, vous savez, c’est un livre de Sagesse, donc ce n’est pas une histoire vraie au sens où c’est arrivé réellement à un personnage, mais c’est une Parole de Dieu qui veut nous ouvrir à la réalité » de Dieu – ce qu’est Dieu – et à la relation qu’Il veut tisser avec nous. Donc Job, vous savez : tous les malheurs lui tombent sur la tête : il a perdu ses enfants, qui sont morts dans un accident, il est ruiné, il est dans la misère, sur son tas de fumier, il est malade, ses ulcères le poursuivent ; et puis on pourrait penser qu’il a encore des amis, mais voilà que ses amis viennent lui faire des reproches, sa femme aussi. À quoi sert-il de croire en Dieu, vu tout ce qu’il t’arrive ? Et du coup, Job se tourne vers Dieu, et il râle. Mais il râle auprès de Dieu. Il ne dit pas du mal sur Dieu, il s’adresse à Dieu, et il dit « Seigneur, je ne comprends pas pourquoi ? Pourquoi moi ? » Vous la connaissez, cette réaction. Pourquoi moi ? Et on peut élargir un peu : pourquoi notre famille, pourquoi notre pays ? Pourquoi le mal ? C’est incompréhensible, et Dieu – c’est assez long, c’est un texte qui fait plus de 40 chapitres – et Dieu finit par répondre. Il répond, mais Il n’explique pas. Et Sa réponse est un hymne à la Création, Il rappelle ce qu’Il a fait – c’est ce qu’on a vu aujourd’hui et entendu – : « Qui donc a fait la mer ? Qui donc a fait les montagnes ? Qui donc a fait le soleil ? » Qui donc a fait tout ce que nous avons autour de nous ?  Et aujourd’hui est un beau jour, puisque nous pouvons en effet le contempler, tout cela. De fait, Dieu n’explique pas, Il se dévoile largement au-delà de tous nos problèmes ; alors, on pourrait se dire que Dieu est le Très-Loin, le Tout-Autre. Mais voilà : d’abord, c’est une leçon qui vient se dévoiler dans le cadre de la révélation biblique et, vous le savez, le cœur du message biblique, c’est que Dieu vient se faire proche de nous. Et puis Dieu nous donne une petite leçon, qui est qu’il est bon pour nous de nous émerveiller. Il est bon pour nous d’admirer, admirer la Création et admirer son Créateur, admirer ses créatures, nous admirer les uns les autres, nous émerveiller pour ce que nous sommes, et même nous émerveiller pour les perles que nous sommes. Je suis une perle aux yeux du Seigneur, vous êtes chacun une perle, et il n’y en a pas deux pareilles, et toutes resplendissent d’une manière différente. De fait, admirer Dieu, admirer Sa création, pour Dieu, cela ne change pas grand-chose, Il n’en a pas besoin. ¨En revanche, cela nous fait du bien : face au Mal, aux difficultés et aux épreuves, cela nous fait du bien. Voilà, c’est peut-être la première leçon que nous pouvons tirer : entrons dans un émerveillement, apprenons à voir le Beau, le Grand, le Bien, le Vrai. Cela nous comblera !

II – De la peur à la Crainte

Dieu s’est dévoilé à Job comme le maître de la Création – c’est ma deuxième partie – et puis, 600 ans plus tard, nous est donné cet événement : ces disciples qui sont sur la barque agitée par les flots de la tempête, et Jésus est comme absent – Il dort – donc, l’interaction devient difficile. Il faut réveiller Jésus : « Seigneur, tu nous laisses tomber ? » Jésus est là, nous sommes dans la tempête, et Jésus est là, même si nous n’en avons pas toujours l’impression, Il est là, et c’est un acte de foi que nous sommes invités à poser. Il est là, Jésus se lève et Il se dévoile aux yeux de Ses disciples, comme le maître de la mer et des flots, du vent, mais de toutes choses. En fait, Il se dévoile, là, maintenant, comme Dieu, maître de la Création ; et c’est bien pour cela que les disciples, qui avaient peur, entrent dans un nouvel état d’esprit : ils entrent dans la Crainte. Vous allez me dire : la peur et la crainte, c’est pareil ! Eh bien, non. La peur, c’est ce tremblement qui nous empêche d’agir – vous savez ce que c’est que la peur – mais quand je parle de Crainte, c’est ce don que l’Esprit Saint fait aux croyants : la crainte de Dieu, c’est de percevoir à quel point Dieu est différent de nous, d’une part, et à quel point Il se fait proche de nous, d’autre part. C’est ce qu’ont les disciples dans leur cœur. Ils sont impressionnés par la différence de Jésus, qui est capable de maîtriser le vent et les flots grâce à Sa parole, et en même temps, ils découvrent que cette puissance-là est au milieu d’eux et elle est à leur service. En fait, quand on a la Crainte de Dieu, ce don de l’Esprit-Saint, le sentiment qui va avec, c’est la confiance. Confiance en Dieu qui vient en nous, qui s’est dévoilé comme Emmanuel. Dieu avec nous. Oui, Jésus est au milieu des disciples, Il est avec les disciples au milieu de la tempête, et même s’Il dort, Il est là. Vraiment. Nous aussi, dans nos tempêtes, nous pouvons nous appuyer sur cette confiance, nous pouvons avoir cette crainte de Dieu, cette crainte ajustée : Dieu est tellement au-delà de tout ce qu’on peut penser, et pourtant Il est tellement tout proche de nous, qu’Il nous accompagne à chaque instant. Il est là et Il veut notre bien et notre joie. C’est le cœur même du psaume. Vous le relirez, ce psaume, c’est une merveille : comment Dieu n’abandonne pas Son peuple dans toutes les tribulations. Et quelle est la réponse du peuple ? Qu’ils rendent grâce au Seigneur, qu’ils rendent grâce au Seigneur, car éternel est Son amour. C’est ce qu’il nous reste à faire, rendre grâce.

III – le chemin du Christ, offrande au Père

Alors – troisième partie – nous sommes dans les épreuves, je ne vais pas vous faire l’article, la situation n’est pas très bonne. Est-ce qu’elle est pire qu’avant, je ne sais pas, mais en tous les cas elle n’est pas très bonne : entre les maladies, les réfugiés, les guerres, rien ne va. Et pourtant Jésus est là. Peut-être qu’Il n’est pas très palpable, mais Il est là, et Son amour nous saisit. C’est ce que dit saint Paul : « Son amour nous saisit, nous presse, nous pousse », nous sommes invités à être en alliance avec Lui. Nous sommes invités à percevoir à quel point Dieu est Amour, à quel point Il fait de nous Ses collaborateurs, Ses transmetteurs, Ses relais, Ses coopérateurs. Cet amour de Dieu qui nous est donné, c’est Lui qui est premier : Dieu nous aime avant même que nous existions. C’est parce qu’Il nous aime, que nous existons. Dieu nous aime, et Son amour fait de nous des êtres capables de relation, des êtres capables d’aimer comme Lui. Et pourtant, vous le savez, nous sommes toujours en échec, nous ne savons pas bien aimer, nous manquons trop souvent à l’amour. Et Dieu se fait homme, Jésus vient et meurt pour nous ; pas à notre place – nous allons quand même mourir et subir des épreuves – mais Il meurt pour nous, parce que c’est à notre bénéfice. C’est pour notre bien qu’Il meurt. Il nous montre un chemin, un chemin nouveau, le chemin du Christ, qui est aussi le chemin des chrétiens.

Comment, à travers toutes les épreuves, continuer à choisir la joie, comment continuer à choisir d’aimer ? C’est la mort du monde ancien, et c’est l’entrée dans une vie nouvelle. C’est ce que veulent faire Adrien et Anthony, en choisissant de demander le baptême. Et, ça y est, c’est officiel, après la messe, nous allons signer le papier comme quoi, oui, vraiment, ils veulent entrer dans cette démarche de découverte du Christ, dans cette démarche d’accueil de l’amour de Dieu, pour être Ses relais. Nous sommes finalement sur le même chemin, parce que le chemin qu’ils commencent de manière formelle, eh bien, chacun de nous – même si nous avons été baptisés il y a déjà longtemps – nous avons besoin de le reprendre, de le renouveler, de le réapprendre. C’est le chemin du don de soi, de l’offrande de soi, et c’est cela que signifie aimer en réalité. Aimer, cela signifie se donner. « Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l’Unique, et tu l’aimeras de tout cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit, et tu aimeras ton prochain comme toi-même » Aimer Dieu, c’est s’offrir à Lui, et c’est premier, c’est comme cela que ça doit commencer. Aimer son prochain, c’est second, et c’est comme cela que cela doit se poursuivre. Et quand je dis premier, second, on est bien d’accord, il ne peut pas y avoir de premier s’il n’y a pas de deuxième, il ne peut pas y avoir de second s’il n’y a pas de premier. Les deux sont nécessaires. De fait, on parlera de la primauté de l’amour de Dieu, et ce n’est pas forcément chronologique. Mais, c’est de cet amour-là que nous pourrons aimer nos frères. Nous sommes un peuple tourné vers le Père en Jésus, par Jésus, avec Jésus, et nous voulons nous offrir à Lui.

C’est le sens même de la messe. À partir de l’offertoire, nous offrons ce que nous avons fait, nous nous offrons nous-mêmes. La prière eucharistique, c’est l’offrande du Christ, mais c’est l’offrande de nous au Père. La communion, c’est accueillir Jésus qui s’offre au Père, et qui sait le faire bien mieux que nous, pour qu’Il nous entraîne dans ce mouvement-là. Cette offrande-là, aujourd’hui, Anthony et Adrien, parce qu’ils ne sont pas encore baptisés, ne sont pas encore équipés pour le faire, et c’est pour cela que, au moment de l’offertoire, je leur demanderai de quitter l’assemblée. Il ne faudra pas être choqué, car c’est pour nous rappeler à nous qui sommes baptisés, que nous avons cette mission-là, nous offrir au Père par le Christ, et que nous sommes baptisés, donc équipés pour cela.

S’émerveiller c’est ce que le Livre de Job nous apprend, y compris dans les épreuves : se rappeler que le Christ est au milieu de nous, Il est là, même dans les épreuves, et nous voilà désignés, appelés, pour être Ses coopérateurs, pour pouvoir, avec Lui, nous offrir au Père.