Libérés, et donc saints !

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Homélie de la fête de Pentecôte, Année B, 23 mai 2021
par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.

I – Parole de libération

Fête de la Pentecôte, en voilà, une grande fête ! D’ailleurs, en vigile de Pentecôte, il nous est proposé une grande célébration avec sept lectures, un Évangile, cela vous dit un peu quelque chose ? Pentecôte, c’est lié à Pâques, vraiment. Une grande fête qui existe depuis des temps immémoriaux, puisque chez les Juifs, c’était déjà une fête. C’est pour cela qu’il y a plein de monde le jour de la Pentecôte à Jérusalem : il y a des foules, parce qu’ils viennent fêter Pentecôte, 50 jours après Pâques : ils viennent fêter le jour où Dieu a fait don de la Loi sur le mont Sinaï. Le jour où, sur les tables de pierre, ont été gravées ces dix paroles, et bien d’autres, qui sont des paroles de libération. Pour être libre, pour pouvoir continuer d’être dans la liberté donnée par Dieu à Pâques, il s’agit de choisir de servir Dieu en premier, par exemple. Il s’agit de ne pas poser des actes tels que le meurtre ou le mensonge.

Le Seigneur a donné cette Parole de libération, et les Juifs font mémoire de cet événement le jour de la Pentecôte. Et pourtant, si cette Parole de libération a été donnée, il reste une tentation, nous le savons, pour nous les hommes. Et cette tentation, c’est de prendre cette Parole et de nous en faire les maîtres, nous placer un peu comme les propriétaires de cette Parole. C’est une tentation que les Juifs ont rencontrée, c’est ce qu’on appelle le pharisaïsme ; et Jésus, nous le savons, s’est battu contre cet état d’esprit. Mais ne nous inquiétons pas, chez les chrétiens cela existe aussi parmi nous : même dans notre cœur, il y a forcément cette petite tendance à vouloir se faire propriétaire de cette Parole. On pourra l’appeler intégrisme, on pourra l’appeler progressisme, on pourra l’appeler modernisme, tout plein de –ismes, qui ne correspondent pas tout à fait au message chrétien.
Dans le message chrétien, il s’agit de recevoir cette Parole, et certainement pas de s’en faire maître. Il s’agit d’accueillir la Parole, qui vient de Dieu, et qui est transmise par l’Église. Alors aujourd’hui, Pentecôte, c’est le jour où s’accomplit finalement le premier don de Dieu de cette Parole.

II – Accomplissement de la Promesse

Les prophètes l’avaient annoncé, ils l’avaient promis : viendra un jour où la Loi, l’Alliance, sera gravée, non plus sur une table en pierre, mais dans nos cœurs de chair. En fait, cette Loi, cette Parole de Dieu qui nous libère, alors qu’elle était, jusque-là, extérieure à nous, il fallait faire un grand effort pour l’accueillir et la laisser entrer dans nos cœurs ; eh bien, cette Parole – l’Esprit Saint – nous est donnée pour résider, pour habiter dans nos cœurs. Alors, finalement, l’effort est moins grand d’une certaine manière… mais il en reste un peu !

Accueillir l’Esprit, c’est se reconnaître accueillant, récepteur, d’une Parole qui ne vient pas de nous, qui nous dépasse absolument. C’est accepter d’entrer dans l’ambition de Dieu pour nous. Dieu nous aime à la folie, Il veut la plus grande joie et le plus grand bonheur pour nous. Et du coup, c’est cet Esprit Saint qui nous fait toucher à cette ambition-là : parce que si on reste à notre niveau, eh bien, nos ambitions, ça reste de petites ambitions qui sont un peu ras du sol, c’est le combat que nous avons et qui est décrit par saint Paul. Si nous restons à nos ambitions humaines, ce sera : « inconduite, impureté, débauche, idolâtrie, sorcellerie, haine, rivalité, jalousie » : il y en a trop… Et, de fait, si nous regardons nos cœurs, on voit bien qu’on y trouve ça. Si nous nous laissons toucher par l’Esprit Saint, nous aurons d’autres ambitions, des fruits, qui sont donnés : « amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur, maîtrise de soi ». Ces neuf fruits – on pourrait les apprendre par cœur, d’ailleurs ! – ces neuf fruits sont la conséquence de cet Esprit dans nos cœurs.

III – fondation de l’Église

Pentecôte, donc cette fête juive, don de la Parole, Pentecôte, ce don de l’Esprit qui inscrit la Parole de libération de Dieu dans nos cœurs ; et puis, Pentecôte, c’est la fondation de l’Église, au sens propre. Vous le savez, Jésus avait fait cette parabole, cette comparaison, de la vigne et des sarments : « Je suis la vigne, vous êtes les sarments », nous dit-Il. Et, pour porter du fruit, il faut être connecté à la vigne. Alors, si le Christ est la vigne et si nous sommes les sarments, eh bien la sève qui transmet la vie, c’est l’Esprit Saint. Nous avons besoin d’être remplis d’Esprit Saint pour être véritablement membres du corps du Christ, pour être véritablement sarments de cette vigne, pour pouvoir porter du fruit. Les fruits sans l’Esprit, on les a entendus par saint Paul ; les fruits, avec l’Esprit, c’est ce qui donne joie et bonheur pour chacun d’entre nous, et puis pour notre humanité tout entière. Jésus fait de nous Ses coopérateurs, Ses collaborateurs. Il est monté au ciel, Il nous laisse ici pour que nous fassions ce que Lui fait. Sans nous, Il a choisi, Il a accepté le fait d’être moins puissant : Il a besoin de nous.

Cette Église, qui a été fondée au jour de la Pentecôte, s’est déployée d’abord dans les apôtres, et puis dans les 3000 qui ont été baptisés ce jour-là. Et puis, tout au long des Actes de apôtres, on voit l’Esprit Saint se répandre dans le cœur des hommes, et lorsque saint Paul arrive à Rome, au tout dernier chapitre, ça y est, le monde connu est touché par l’Esprit Saint. Vous le savez, il faudra encore un peu de temps pour qu’on puisse dire que le monde entier a été touché par l’Esprit de manière visible, mais nous savons que c’est une œuvre qui ne cesse pas d’être remise sur le métier. Parce qu’il y a toujours ce combat en nous, cette tendance pour nous de se replier sur nous-mêmes et de choisir nos tout petits biens, au détriment du plus grand bien et de la plus grande joie.

Cette Église que Jésus fonde en lui donnant l’Esprit, on dit qu’elle est ‘Sainte’. Vous le savez, c’est cette formule du credo, « Je crois en l’Église, une, sainte, catholique et apostolique. » Et déjà, quand on dit de l’Église qu’elle est ‘Une’, on a du mal à y croire, mais quand on dit de l’Église qu’elle est ‘sainte’, cela nous paraît complètement aberrant… parce que les membres de l’Église ne sont pas très brillants… enfin, moi, quand je me regarde tout seul, je ne me trouve pas très brillant. Et puis, il y a suffisamment de scandales ces dernières années pour que l’on se rende compte que la sainteté n’est pas partagée exactement comme on aimerait, et comme Dieu veut, d’ailleurs. Et pourtant, on le dit, et on le croit, l’Église est ‘sainte’ parce que la sainteté ne vient pas de nous : la sainteté, c’est l’Esprit Saint. Il est saint, cet Esprit, et à partir du moment où Il habite au cœur de l’homme, eh bien, la sainteté est présente. Ce qui nous fait dire que la frontière de l’Église n’est pas d’abord entre les baptisés et les non-baptisés : elle est d’abord dans mon propre cœur, entre les lieux où j’ai accueilli l’Esprit Saint – et, Dieu merci il y en a – et puis les lieux où j’ai laissé encore la porte fermée. L’Esprit-Saint veut habiter le cœur de chaque homme et, on le sait, il a choisi de se soumettre à l’œuvre de l’Église, à l’œuvre des hommes, on le sait, le baptême, et en même temps il n’est pas limité par cela, et en même temps il y a des hommes dans l’Église qui ne sont pas saints, qui ferment la porte à l’Esprit-Saint et, à l’inverse, nous le savons, nous le croyons – le Concile Vatican II l’a développé de manière assez forte – il y a parmi les non-baptisés, des personnes – un certain nombre, un bon nombre, espérons ! – qui laissent la place à l’Esprit dans leur vie. Et, du coup, la frontière de l’Église, non, elle n’est pas entre les baptisés et les non-baptisés, c’est un peu plus fin que ça.

Faire grandir l’Église

Pour autant, nous sommes appelés à témoigner, à faire grandir le règne de Dieu, nous sommes appelés à faire grandir l’Église. Et, pour faire grandir l’Église, il y a deux voies, et les deux sont nécessaires. D’abord, accueillir chez moi un peu plus, un peu mieux, l’Esprit et le Christ dans ma vie, combat de chaque jour contre les tendances de la chair, pour choisir chaque jour un peu plus d’aimer, de donner de la joie et du bonheur autour de moi, pour choisir de me tourner vers Dieu, de me laisser illuminer par Lui, de Le regarder, de Le contempler, et de L’aimer. Voilà, première voie d’extension du royaume de Dieu, d’extension de l’Église. Et puis, la deuxième voie, j’annonce cette Parole de Dieu, cette parole de joie et de bonheur, j’annonce cette bonne nouvelle : Dieu nous aime ! Parce qu’il est tellement plus facile de croire et d’accueillir l’Esprit Saint dans nos vies quand on le sait ! Voilà nos missions, ce pour quoi nous sommes faits, voilà comment nous trouverons la joie et le bonheur, voilà comment nous serons vraiment et pleinement chrétiens.