Homélie du Jeudi Saint 2021

Homélie de le Sainte Cène du Seigneur, Jeudi Saint, 1er avril 2021
par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.

I – Mémorial de la Pâque

La Première Lecture était du Livre de l’Exode et invite le peuple à faire mémoire de cet événement de la sortie d’Égypte : « Ce jour sera pour vous un mémorial, vous en ferez pour le Seigneur une fête de pèlerinage, c’est un décret perpétuel, d’âge en âge vous la fêterez. » Cet anniversaire de la sortie d’Égypte, ce n’est pas simplement une fête où l’on se souvient, c’est un mémorial. Autrement dit, on se remet en présence de l’action de Dieu, et cette action est efficace pour nous aujourd’hui. Ce mémorial permettait au peuple d’être constitué comme peuple, de se rappeler pourquoi ils étaient là, qui ils étaient. Le peuple d’Israël est là pour rendre témoignage à Dieu, pour témoigner que Dieu prend soin de Son peuple. Et c’est toute l’histoire biblique, celle que l’on méditera, dimanche matin tôt. Chaque fois que les Hébreux, tout le peuple Juif, faisaient mémorial, il s’agissait de se rappeler que, aujourd’hui, Dieu intervient dans nos vies.

Et Jésus, au jour du Jeudi Saint, renouvelle ce don. Il fait mémorial de cet événement de la sortie d’Égypte, et il ajoute une dimension nouvelle, c’est ce dont témoigne Saint Paul dans la Lettre aux Corinthiens : « J’ai reçu ce qui vient du Seigneur et je vous l’ai transmis. » C’est cela, la tradition par excellence. Ce que j’ai reçu du Seigneur Jésus, par les disciples, par les apôtres, je vous le transmets. Et on entend cette parole de Paul qui nous raconte l’institution de l’Eucharistie : Jésus donne Sa propre vie et Il nous invite, chacun et personnellement, à nous unir à Lui. Chacun de nous dans l’Eucharistie est invité à recevoir Dieu tout entier dans son corps et dans son cœur. Et voilà que ce petit morceau de pain, par la parole efficace de Jésus, change de dimension, d’ampleur, et par ce mystère de la transsubstantiation, ce n’est plus du pain, c’est le Corps du Christ.

II – la portée de l’Eucharistie

Alors, nous voyons du pain : cela nous rappelle que c’est de la nourriture, quelque chose que l’on mange, quelque chose qui nous permet de vivre, quelque chose qui nous permet d’avancer, on l’appelle aussi le “pain de la route”. Nous ne le voyons pas, mais nous le savons, nous le croyons, ce qui a cette apparence du pain, c’est le Corps du Christ, et le Corps du Christ nous sauve. Il ne suffit pas de manger un morceau de pain, il faut croire en vérité que c’est bien le Corps du Seigneur que je reçois, et Dieu tout entier dans ma vie. Et, alors, par cet acte de foi, Dieu me sauve.

Mais ce n’est pas encore là, la finalité ultime de l’Eucharistie. C’est étonnant de dire cela : c’est une nourriture qui me fait avancer, un Salut qui m’est donné, mais c’est aussi une communion que nous sommes invités à partager. Communion – c’est un mot fort – le modèle de communion par excellence, c’est la relation entre Dieu le Père, le Fils, et l’Esprit Saint. Un acte d’amour, un échange, en grec on dit « périchorèse » – à vos souhaits ! – « périchorèse » ça veut dire « tourbillon », échange d’amour : ce que je te donne, je le reçois de toi. Par l’Eucharistie, nous sommes invités à entrer en communion avec Dieu et à entrer dans cette « périchorèse », dans ce tourbillon, dans cette relation d’amour avec Dieu le Père, mais pas seulement ! Parce que je ne suis pas le seul à communier, mes frères aussi communient, et tous sont invités, chacun, à entrer dans cette communion avec le Père, le Fils, et l’Esprit Saint. Et du coup, je suis en communion avec tous ceux qui communient, avec l’Église, sur cette terre, ceux qui sont au ciel aussi, et ceux qui sont en attente de la joie, qui sont au purgatoire. Nous sommes membres d’un même Corps, chacun de nous a sa place, et chacun de nous est indispensable et nécessaire. S’il en manque un, tout le corps est déséquilibré. Nous sommes pleinement Corps du Christ, car nous communions au Corps du Christ, et du coup nous pouvons communier les uns avec les autres, nous sommes dans cette relation d’intimité. Parfois on n’y pense pas, on a une petite tendance à communier pour soi, ou parfois, on pense à communier avec les autres mais on oublie que notre communion est en premier avec Dieu. Mais, quand on dit en premier, cela veut dire qu’il y a un deuxième. C’est lié : communion avec Dieu, communion avec mes frères.

Et pas seulement cela : il y a encore une autre dimension, parce que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, sans exception aucune, et quand j’entre en communion avec le Christ, j’entre dans la volonté même du Christ, et je veux que tout homme soit sauvé. Et donc mon appel, c’est de me mettre au service de tous mes frères humains pour leur annoncer le Salut que le Christ veut leur donner, pour leur annoncer le réconfort, la tendresse, ce pain de la route que le Christ veut leur donner.

III – L’Eucharistie un envoi en mission

Et tout ce que je viens de dire, cela se manifeste dans cet acte que Jésus nous fait. Vous savez, dans l’Évangile selon saint Jean, on ne nous raconte pas l’institution de l’Eucharistie. Bon, on l’a déjà chez Marc, Luc, Matthieu et chez saint Paul, donc, je pense que saint Jean devait savoir que l’on en avait déjà entendu parler ; mais saint Jean nous rapporte cet autre acte que Jésus a posé, et qui est, en fait, lié, qui est une autre façon d’aborder le même mystère, celui de la communion. Pierre, en refusant de se faire laver les pieds, refuse d’abord une communion avec Dieu, il refuse une communion avec ses frères, et du coup c’est quelque chose qu’il ne pourra pas imiter ; en changeant d’avis, parce qu’il aime Jésus, il entre dans cette communion avec le Père, et Dieu tout entier, il entre dans cette communion avec le Christ et l’Église. Il entre dans cette communion avec tous ceux à qui il est envoyé. Car c’est un envoi en mission ! « C’est un exemple que je vous ai donné, afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »

Cette Parole-là, c’est le Père Antoine Chevrier qui l’a prise comme devise pour sa congrégation du Prado. « C‘est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez de même les uns pour les autres, comme j’ai fait pour vous. » Alors, nous allons refaire cet acte du lavement des pieds. De fait, seulement certains d’entre nous sont invités à se montrer et à montrer leurs pieds, mais chacun de nous doit se voir ici avec, non pas le père Gaël à ses pieds, mais le Christ lui-même. Le Christ qui leur dit, qui nous dit à chacun : « C’est un exemple que je vous ai donné, afin que vous fassiez vous aussi comme j’ai fait pour vous. »